*MOODY’S DÉGRADE LA NOTE DU SENEGAL À « Caa1 » : UN SIGNAL D’ALERTE POUR LES FINANCES PUBLIQUES*

L’agence de notation américaine Moody’s a abaissé, ce 10 octobre, la note de crédit souverain du Sénégal à “Caa1”, contre “B3” précédemment, tout en maintenant une perspective négative. Il s’agit de la deuxième dégradation en moins d’un an, confirmant une perte de confiance croissante des investisseurs dans la trajectoire budgétaire du pays. Moody’s justifie sa décision par la détérioration rapide des finances publiques, une hausse sans précédent de la dette, et la lenteur dans la mise en œuvre des mesures de redressement budgétaire.L’agence souligne aussi que les retards dans la conclusion d’un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) entretiennent les incertitudes et freinent le retour de la confiance.

 *Une dette record et un déficit historique* 

Les chiffres sont sans appel : la dette publique du Sénégal atteint 118,8 % du PIB, tandis que le déficit budgétaire s’élève à 14 % en 2024 — un record historique.

Ces niveaux dépassent très largement les seuils fixés par l’UEMOA, à savoir 70 % pour la dette et 3 % pour le déficit. À titre de comparaison, la Côte d’Ivoire maintient une dette autour de 59 % du PIB, le Bénin à 55 %, et le Togo à environ 63 %. Même les pays du Sahel, malgré leurs contraintes sécuritaires, présentent des ratios inférieurs à ceux du Sénégal.Le pays, jadis modèle de discipline budgétaire, est aujourd’hui le plus endetté et le plus déficitaire de la zone UEMOA.

*Quand les finances publiques se dégradent, la note suit* 

Dans la logique internationale de notation, toute détérioration des finances publiques entraîne une dégradation de la note souveraine. C’est un message clair adressé aux investisseurs : plus la dette et le déficit augmentent, plus le risque de défaut perçu s’accroît, et plus le pays doit payer cher pour emprunter. Cette réalité n’épargne aucun pays.

En mai 2024, S&P a dégradé la France de AA à AA-, puis Fitch l’a abaissée en septembre 2025 à A+, la plus faible note de son histoire. Moody’s a également ajusté la note française à Aa3, évoquant une dette de 115 % du PIB et un déficit de 5,5 %. Quant à l’Argentine, avant son accord avec le FMI en 2022, elle avait été reléguée à Caa3 chez Moody’s et CCC- chez S&P, avec une dette proche de 85 % du PIB et un déficit supérieur à 7 %. Ces exemples rappellent une règle simple : la perte de discipline budgétaire conduit toujours à la perte de confiance.

 *Les pistes de redressement* 

Pour inverser la tendance, le Sénégal doit s’engager sur la voie d’un ajustement budgétaire courageux, fondé sur :une réduction drastique des dépenses de fonctionnement et des investissements non prioritaires, tout en évitant une hausse des prix de l’énergie qui fragiliserait davantage les ménages et les entreprises ;une amélioration de la transparence dans la gestion des comptes publics ;et la conclusion rapide d’un accord avec le FMI, indispensable pour restaurer la crédibilité et rassurer les partenaires financiers.

Pour finir, Il faut dire sans détour que ce n’est ni Moody’s ni le FMI qui sont responsables de la mauvaise passe de nos finances publiques. La dégradation actuelle résulte avant tout de notre propre gouvernance économique — d’un manque de discipline budgétaire, de transparence et de rigueur dans la gestion de l’État. Il est temps d’assumer nos responsabilités, au lieu de chercher des boucs émissaires étrangers.

Pr Amath Ndiaye 

FASEG – UCAD

 

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