Une croissance mondiale au ralenti

Conscient de l’incertitude actuelle, le FMI revoit en forte baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2024 et 2025. La révision est plus modeste pour l’Afrique subsaharienne. Actualisation.

 

Après une série de chocs sans précédent ces dernières années, la croissance mondiale a été stable mais décevante jusqu’à la fin 2024. Et selon les économistes du FMI (Fonds monétaire international), cette situation « ne devrait pas évoluer ». Le FMI publie ce 22 avril 2025 une mise à jour de ses Perspectives de l’économie mondiale, qui tient notamment compte des mesures tarifaires décidées, puis suspendues, par l’administration américaine.

Ces droits de douane, s’ils se confirment, « constituent un choc négatif majeur sur la croissance ». L’imprévisibilité avec laquelle ces mesures sont mises en œuvre a également des effets négatifs sur l’activité économique et les perspectives.

« En matière de politiques, nous appelons à la prudence, à la clarté et au renforcement de la collaboration », résume l’économiste du FMI Pierre-Olivier Gourinchas.

Le FMI a bien du mal à établir des prévisions selon ses scénarios habituels, compte tenu de l’incertitude actuelle. Ses données reposent principalement sur différentes hypothèses en matière de politique commerciale.

« L’accentuation rapide des tensions commerciales et le degré d’incertitude exceptionnellement élevé qui entoure les politiques publiques devraient avoir des répercussions significatives sur l’activité économique mondiale. »

Quoi qu’il en soit, le FMI prévoit désormais un net ralentissement de la croissance mondiale, qui pourrait tomber à 2,8 % en 2025 et à 3 % en 2026, contre 3,3 % prévus jusque-là pour ces deux années. « Ces chiffres sont très inférieurs à la moyenne historique de 3,7 % observée entre 2000 et 2019 », reconnaît l’institution monétaire. Dans ces prévisions de référence, la croissance dans les pays avancés devrait s’établir à 1,4 % en 2025. Aux États-Unis, la croissance devrait ralentir à 1,8 %, soit 0,9 point de pourcentage de moins que ce que prévoyait le FMI en janvier !

Dans la zone euro, la croissance devrait s’établir à 0,8 %, ce qui correspond à un ralentissement de 0,2 point de pourcentage. Dans les pays émergents et les pays en développement, la croissance devrait ralentir pour atteindre 3,7 % en 2025 et 3,9 % en 2026. Les révisions sont les plus significatives pour les pays les plus affectés par les récentes mesures commerciales, notamment la Chine.

 

Une inflation modérée dans les pays en développement

Le ralentissement serait moins marqué en Afrique subsaharienne, mais le « rebond » est repoussé à une date ultérieure. Après 4 % en 2024, la croissance serait de 3,8 % en 2025 et de 2,7 % en 2026. Pour le Nigeria, censée être locomotive d’une partie de l’Afrique, la croissance se tasserait à 3,0 % cette année (contre 3,4 % en 2024) et à 2,7 % en 2026. Une locomotive à la traîne, donc. La croissance serait encore plus lente en Afrique du Sud : 1,0 % en 2025 et 1,3 % en 2026, après un mince 0,6 % en 2024.

Ce qui fait réagir Hervé Ndoba, ministre des Finances et du Budget de la République centrafricaine, et Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, au nom du Groupe consultatif africain, une instance de dialogue entre les dirigeants africains et l’institution de Washington.

« Si la croissance en Afrique fait preuve d’une certaine résilience face à de multiples chocs, le changement soudain des perspectives mondiales a interrompu la dynamique de croissance. La croissance sur le continent a été révisée à la baisse de 0,3 point de pourcentage, à 3,9 % pour 2025. Les mesures énergiques prises pour réduire l’inflation, stabiliser la dette publique et réduire les déséquilibres extérieurs risquent d’être compromises par de nouveaux chocs. Les risques pesant sur les perspectives sont élevés dans un contexte d’incertitude accrue et il existe des différences importantes entre les pays, les États fragiles et touchés par des conflits étant confrontés à des défis particulièrement aigus. »

Siège du FMIDe son côté, l’inflation, au niveau mondial, devrait reculer à un rythme légèrement plus lent que ce qui était prévu en janvier, s’inquiète le FMI, pour s’établir à 4,3 % en 2025 et à 3,6 % en 2026. Le FMI prévoit surtout un regain d’inflation dans les pays avancés et au contraire, une décélération plus marquée que prévu dans les pays en développement. Sans surprise, les économistes relèvent que l’« augmentation des risques baissiers est ce qui ressort le plus de ces prévisions ». Une intensification de la guerre commerciale et des incertitudes encore plus vives autour des politiques commerciales pourraient encore freiner la croissance à court et à long termes, tandis que l’érosion des marges de manoeuvre compromettrait la capacité des pays à faire face à de futurs chocs.

Le FMI redoute de nouveaux ajustements brusques des marchés financiers (actions et devises) et des flux de capitaux. « Cela pourrait entraîner une instabilité financière plus générale, qui pourrait nuire au système monétaire international. » L’évolution démographique et la diminution de la main-d’œuvre étrangère pourraient limiter la croissance potentielle et menacer la viabilité budgétaire.

Dans ce contexte, la résilience de nombreux grands pays émergents pourrait être mise à l’épreuve alors que le service de dettes élevées devient plus difficile à une période où les conditions financières mondiales sont défavorables. Tandis qu’un tarissement de l’aide internationale au développement pourrait accentuer la pression sur les pays à faible revenu, les endetter davantage ou les contraindre à procéder à d’importants ajustements budgétaires, ce qui aurait des conséquences immédiates sur la croissance et le niveau de vie.

Le FMI relève néanmoins quelques points positifs : une désescalade des droits de douane et la conclusion de nouveaux accords permettant de clarifier et de stabiliser les politiques commerciales pourraient stimuler la croissance mondiale. Dans ce contexte, « la voie à suivre exige clarté et coordination », prône le FMI.

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