Comprendre les mutations en Occident pour mieux construire l’Afrique francophone de demain

Par : Abdou Cissé, Groupe CISCO CONSULTING-SOLVISEO

Résumé :

La financiarisation ou encore l’importance croissante de la finance sur ces dernières années dans le cycle économique de gestion des Etats, des entreprises et des ménages (particulièrement en Occident), se traduit par un endettement massif. Cette gestion connue autour d’un cycle économique, se fait aujourd’hui autour d’un cycle financier, organisé par des banques centrales qui, par la transformation de la monnaie en une matière première, ont instauré une industrie de la finance. Dans ce contexte, c’est le système financier qui favorise l’endettement et pas l’investissement productif. Comprendre les transformations économiques, financières et sociales en Occident sur ces cinquante dernières années, permet de tracer un chemin vers la résolution de nos problèmes en Afrique francophone.

Cet article décrit la longue marche de l’Europe continentale en général (la France en particulier), empêtrée dans le modèle Anglo-Saxon néolibéral par la financiarisation qui ne cesse depuis 50 ans de détruire sa conception du travail, son système financier et sa protection sociale. Depuis la fin des accords de Breton Woods, les mutations de la zone euro s’accélèrent vers le modèle anglo-saxon (sortir de leur culture d’épargne et de garantie pour migrer vers la culture du risque et du crédit). Les problèmes de l’euro (monnaie commune aux Etats européens et très loin d’être unique), les projets de norme Bale 2-3-4, norme Solvabilité 2, norme IFRS et les réformes sociales sont de réelles illustrations de cette réorientation.

Les dérives de la finance et la guerre des normes ont créé un environnement dépourvu de référentiel capable d’assurer les échanges internationaux de biens et services. Ils ont engendré la désynchronisation entre l’économie réelle et l’économie financiarisée avec toutes les lois économiques bafouées, une incohérence entre taux d’intérêt, taux de croissance et taux d’inflation par un espace économique non conforme à leur quantification (la nouvelle théorie monétaire moderne est bienvenue).

Une source de réflexion en zone franc CFA, car nous sommes noyés jusqu’au cou dans ce néolibéralisme qui a affaibli les bases de construction de nos structures par des ajustements structurels (années 80) et qui bloque nos progrès économiques par le maintien dans un système avec des moyens de financement bornés par les mécanismes de fonctionnement de la monnaie.

La nécessité de réguler les marchés est évoquée en solutions à l’inflation des denrées alimentaires (alternative à la politique économique de nos Etats), ainsi que des solutions pour transformer l’Afrique face à un désordre économique et monétaire international.

Un appel à la réconciliation entre la fiction financière et l’économie réelle.


Les Dérives des Marchés Financiers

La ‘Financiarisation’ de l’économie pose un problème mais l’industrialisation de la finance, en faveur d’acteurs qui gagnent de l’argent virtuel sans effort de travail, est encore pire. Entre 1971 et la fin des années 1980, les pays anglo-saxons ont profité de la fin des accords de Bretton Woods pour instaurer progressivement l’industrie de la finance, et surtout imposer le modèle néolibéral dans le monde des affaires. Ce qui s’est réalisé par le biais d’un système et d’une culture financière anglo-saxons, marqués par le risque et le crédit. Avec la libéralisation des marchés financiers, le régime de change flexible adopté par certain pays avait créé des incertitudes économiques que le monde des assurances classiques ne pouvait pas couvrir. L’innovation vers des produits dérivés a été facilitée par l’avènement du mouvement brownien comme processus central en représentation de l’évolution des cours de bourse et la puissance du calcul différentiel stochastique ; deux outils qui ont permis de développer la théorie des options.

Les financiers commencèrent à proposer des couvertures sur le risque de change, par des actifs dérivés qui sont exactement des contrats d’assurance échangés dans un univers où la tarification et le provisionnement ne sont contrôlés par aucune autorité compétente : l’univers des acteurs de l’industrie financière.

Au début des années 90 l’ouverture des marchés financiers à la libre circulation des capitaux facilite l’internationalisation de l’industrie financière. Après des produits dérivés sur les obligations et les actions, le monde financier est passé aux produits dérivés sur matières premières, aux dérivés sur météo (pour couvrir la fréquentation de stations de ski), aux dérivés sur faillite des Etats (Grèce) et même aux dérivés sur COVID-19. Les banques commerciales ayant découvert que ce type de spéculation sur les marchés était plus rentable que le financement des activités économiques réelles, ont fusionné leur activité traditionnelle (dépôt et crédit) avec celle de marché. Il s’en est suivi une forme d’occidentalisation des produits financiers par titrisation ou par échange sur défaut de crédit, qui ont rendu systémiques les grandes banques occidentales. Avec des tailles de bilan proches d’un produit intérieur brut d’Etat, leurs pertes en activité spéculative se répercutent sur leur activité de dépôt et crédit (d’utilité publique) ; plus grave encore, la spéculation nécessite de la trésorerie pour constituer des dépôts de garantie sur les marchés, trésorerie que les banques obtiennent par leur capacité d’emprunt et qui ne se retrouve pas dans la sphère économique réelle. En poussant l’innovation financière au-delà des limites d’un modèle, les acteurs de la finance de marché se sont retrouvés face à leurs approximations autour du hasard ‘sage’ que décrit le mouvement brownien, malgré ses propriétés de martingale, gaussienne, markovienne et à accroissements indépendants qui lui confèrent le statut de processus stochastique par excellence. Il se sont rendus compte qu’à leur insu, ils subissaient une loi des probabilités qui les domine (le hasard ne sera jamais métrisable, mais ses conséquences peuvent être contrôlées). Ainsi, la sophistication des modèles et l’absence d’autorité compétente pour les contrôler ont conduit à la crise de 2007-2008, crise encore présente en 2024 (dettes souveraines européennes en 2012, trois krachs boursiers en 2020, faillites de Crédit Suisse et SVB 2023 et crise obligataire de 2024). L’Occident est passé d’une économie de marché à une économie virtuelle de marché administré par les banques centrales et les Etats. Et tout passe dans cette administration : dettes souveraines, dettes d’entreprises, cours de bourse des actions et des obligations. Le mécanisme est simple : à chaque fois que les bourses s’orientent à la baisse, les acteurs des marchés financiers exécutent l’option de vente (Put gratuit pour les marchés) qu’ils détiennent de leur contrepartie, les banques centrales. Ces dernières sont ainsi dans l’obligation d’injecter de la liquidité et de racheter des titres publics et privés (le modèle anglo-saxon a ainsi entrainé la zone euro dans le même sillage boursier et dans les mêmes mécanismes de politiques monétaires et budgétaires). En rachetant des dettes souveraines et d’entreprises comme un assureur qui règle des sinistres de marché, les banques centrales occidentales ont non seulement financé les déficits budgétaires et absorbé une partie de l’endettement des Etats, mais aussi elles ont assuré la solvabilité des banques commerciales : sujet de réflexion pour les banques centrales de la zone CFA !

La finance s’est déconnectée du monde réel et le marché international des matières premières en est une illustration parfaite. Par exemple, un trader sur les dérivés de matière première peut prendre en quelques secondes une position sur le marché, en effectuant une opération qui mobilise des millions de dollars, sans se soucier des conséquences dans la vie réelle de millions d’autres personnes, au souci de gagner de l’argent pour sa banque. Cette position du trader (prise dans son bureau et devant un ordinateur) peut entrainer de très fortes évolutions du prix du blé ou du riz en créant une famine dans un coin du monde comme l’Afrique ou l’Inde (printemps arabe de 2011). Ainsi, le prix du riz ou du blé au niveau international n’est plus dicté par l’offre et la demande sur le marché au jour le jour, mais plutôt par les mouvements de capitaux sur les actifs dérivées du blé ou du riz ; donc ces prix sont dictés par la spéculation financière. L’organisation mondiale du commerce (OMC) qui doit réguler le commerce international, n’agit pas contre cette financiarisation des matières premières sous prétexte que la finance n’intègre pas son champ d’autorité ; ce qui relève d’une absurdité et surtout d’une idée oligarchique qui cherche à éloigner toute contrainte à la spéculation. Les pays pauvres (appauvris), premiers concernés par le cours international des denrées alimentaires, se retrouvent démunis face à des envolées de prix (absents du jeu dans le casino mondial, mais premiers perdants). L’exemple de la zone franc CFA est parlant ; en effet, faute d’appareil productif que le néocolonialisme lui a arraché, l’Afrique subsaharienne ne cesse de courir derrière des réserves alimentaires et des réserves de change ; ce qui l’enfonce dans le déficit et la dette ; sans possibilité d’orienter sa politique monétaire vers le développement économique (faute de maîtrise de sa monnaie), alors elle reste incapable de construire un appareil productif, d’où le cycle infernal ; ‘pauvre de l’Afrique subsaharienne, encore en retard d’un train’.

Toujours dans la série des dérives, l’intelligence artificielle est venue favoriser le trading à haute fréquence avec 50% des opérations financières sur les marchés internationaux, donnant la possibilité d’un million de transactions à la seconde, comme si la valeur économique d’un actif pouvait changer un million de fois en une seconde ; ce qui est déconnecté de la réalité économique car la valeur de marché ne valorise pas réellement la matière qu’elle est sensée mesurer, mais plutôt un bug de spéculation.

La manipulation des taux interbancaires de référence qui fausse tous les prix depuis 2007, a sonné l’alarme le 1re octobre 2024 avec la disparition du taux interbancaire offert à Londres (LIBOR), utilisé dans des contrats financiers avec un volume d’environ 400 000 milliards de dollars. Derrière chaque prix de marché se greffe une série de produits dérivés et les marchés à terme ne sont qu’un système d’assurances ou certains acteurs se couvrent contre des risques que d’autres acteurs acceptent ; ce qui représente une myriade de produits dérivés autour desquels les risques sont saucissonnés, les transactions dépassent trois fois le PIB mondial et pire, les engagements ne sont pas totalement provisionnés.

Enfin, la ‘finance de l’ombre’, qui selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), sur le marché des changes, drainait plus de 96 000 milliards de dollars de dettes en fin 2023, sous forme de prêt-emprunt (produits dérivés) non comptabilisées dans les bilans des sociétés du monde (hors bilan). Ces dettes de la finance en dehors du circuit bancaire, non prises en compte dans les statistiques des banques centrales, sous le jargon de Swap de change, échappent à tout type de contrôle.

Nous assistons ainsi et tous les jours, à la destruction complète du système financier international depuis la fin des accords de Bretton Woods (1971). La finance ne cesse de créer des actifs fictifs en face de l’argent et de se trouver obligée de les détruire par des guerres, des révolutions où des misères (crise de 29, famine en Ukraine en 33, guerre de 39-45, etc.). Depuis 2008, cette création d’actifs fictifs est rendue exponentielle par des banques centrales occidentales qui ont écrasé les taux d’intérêt sur une durée de 20 ans, détruisant au passage le prix du risque et le prix du temps (taux réels négatifs ou nuls).

A quand la régulation des marchés ?

La Guerre des Normes

Avant l’arrivée des normes comptables internationales (IFRS), la comptabilité des entreprises européennes se faisait en valeur historique ; elle servait aussi bien aux clients, aux fournisseurs qu’aux financiers. Une entreprise française par exemple avait pour objectif de servir les territoires et les populations en association avec des grandes coopératives et des mutuelles. Les Normes IFRS sont venues enfoncer le monde des affaires dans une réforme entièrement dictée par le modèle anglo-saxon qui oriente la comptabilité vers les marchés financiers avec des dirigeants d’entreprise qui se soucient uniquement d’un compte de résultat annuel et des dividendes à distribuer, au détriment de la qualité de la production. C’est ainsi qu’au début des années 2000, la France a commencé à subir cette perversion de son modèle économique et financier car ses territoires, ses coopératives et ses mutuelles ont perdu leur utilité publique en entrant en bourse. La notion de solvabilité qui était caractérisée par la qualité, a ainsi été remplacée par une quantité comme la valeur boursière, qui s’est déconnectée de la valeur intrinsèque des entreprises ; ce qui pose problème car valoriser une entreprise au sens économique, c’est mesurer au plus juste sa capacité à créer de la richesse future et non mesurer l’excitation du jeu de la spéculation court terme sur son titre.

Malgré des réformes en normes Bâle 2, 3 et 4, la supervision des banques occidentales reste encore imparfaite, l’étude de leurs états financiers sur trois exercices successifs ne dégage aucune perspective de solvabilité et la lecture approfondie de leur hors bilan montre qu’en valeur de marché, elles sont toutes en faillite depuis 2008.

La tropicalisation de ces normes bancaires en Afrique subsaharienne a favorisé :

-Une émergence de groupes bancaires étrangers en oligopoles ;

-Une obligation de nos entités financières à se faire très mal noter par des agences étrangères ;

-Un durcissement de l’offre de crédit par nos banques de plus en plus frileuses.

Aussi, la norme solvabilité 2, est venue amplifier la guerre des normes dans l’univers des couvertures classiques. Les assureurs européens se sont retrouvés dans une dictature de devoir gérer la valeur de leur compagnie selon les fluctuations du marché financier, comme s’ils voulaient la vendre à tout instant de cotation, à l’enchère ou à la casse (une absurdité). La norme Solvabilité 2 est partie du postulat que le marché́ est à la fois la meilleure façon d’allouer les ressources, l’outil de pilotage le plus efficace pour gérer les compagnies d’assurance et le guide ultime d’une économie florissante (un esprit purement anglo-saxon). Le marché français de l’assurance a perdu une dizaine d’années dans cette réforme, techniquement mal ficelée, marquée par l’erreur d’imprévision de scénarii des taux d’intérêt négatifs et par la forte volatilité de la mesure de la marge.

Toutes ces normes restent conformes au modèle anglo-saxon, mais leur adaptation doit respecter la culture financière de l’Europe continentale et celle des africains. En positive, on peut noter que Solvabilité 2 a permis aux assureurs de bien comprendre leurs risques et IFRS 17 apporte une réelle valeur ajouté à l’activité d’assurance par sa capacité d’atténuer la volatilité des capitaux propres face aux mouvements de marché.

Illustration : Financiarisation et Individualisation de la protection sociale française

Souvent en grève, les français sont traités de paresseux, de vouloir dormir sur leurs lauriers, d’avoir trop de vacances, bref. Pour preuve, lors des jeux olympiques de juillet 2024, des athlètes américains avaient commenté leurs acquis sociaux en disant : «il paraît qu’on peut se soigner gratuitement en France ; quelle folie !». Ce qui attira toute mon attention car persuadé qu’ils ignorent les réalités culturelles d’un peuple qui a construit ses structures sociales en dehors du modèle anglo-saxon.

Démarrée depuis le 17ième siècle comme un outil de répartition de la valeur travail, la construction de la protection sociale française a atteint son apogée en 45-46 par un contrat social né de l’entente d’après-guerre entre gaullistes et communistes, décidant d’un vaste plan de sécurité pour tous les citoyens, qui passe par un programme de protection sociale visant à garantir à chaque français les moyens d’existence, même dans les cas où il est incapable de se les procurer par le travail. Une conception communiste (B. FRIOT (*)), très solidaire de la valeur travail dont la logique de partage voudrait (en respect de la déclaration des droits de l’homme de 1789), qu’un salaire soit regardé comme un droit de la personne plutôt que le résultat d’une activité, et que la valorisation du capital repose sur celui du travail. Ce qui pose le droit au salaire comme un droit de la personne à travers sa qualification, et non pas à la valorisation de sa qualification par le capital (salaire et emploi sont dissociés). Ce contrat social prévoit une couverture des risques sociaux dans un esprit où retraités, parents, malades et chômeurs sont considérés comme des travailleurs. Un retraité a droit à la poursuite de son salaire ; un parent a droit à un supplément de salaire à l’arrivée d’un enfant dans son foyer même s’il n’a pas d’emploi ; un malade a droit à une prise en charge ; un chômeur a droit à un salaire continué, en tant que demandeur d’emploi. Construite ainsi selon la même logique de Solidarité et de Répartition avec des Prestations Définies (donc garanties), elle a connu des améliorations dans un contexte de forte croissance. Depuis la fin des trente glorieuses, la classe dirigeante fait croire aux français qu’il est nécessaire de gérer les difficultés du système social (particulièrement celles de la retraite), suite à des crises répétitives, en le bricolant pour l’adapter au nouveau contexte économique gangrené par l’industrie de la finance de marché et aux mutations de la société française. Ce bricolage s’est opéré en une série de réformes, entamées depuis le début des années 80 et poursuivies par tous les gouvernants qui se sont succédés jusqu’en 2024, pour l’adapter à une volatilité des marchés financiers. Ce processus de réformes a vu la classe dirigeante perdre complètement les fondamentaux de l’actuariat des engagements sociaux et de la gestion d’un projet par approche actif-passif.  En effet, leur préoccupation centrale en matière de protection sociale s’est dénaturée, passant du respect des engagements de l’Etat, au redéploiement, à la limitation, voire même à la remise en cause des avantages sociaux.

A l’exemple des réformes du système des retraites initiées par l’Etat depuis 2017, même le scénario le plus pessimiste du conseil d’orientation des retraites (COR) ne les justifie pas aujourd’hui ; le COR est la plus haute instance française capable de fournir un diagnostic en technique actuarielle et en gestion actif-passif sur le devenir du système des retraites. Depuis 1987, toutes les réformes se résument en une marche qui réoriente la protection sociale française vers le modèle capitaliste à l’anglo-saxon, avec un travail de plus en plus ‘Marchandisé’ et ‘Ubérisé’ par le capital, une classe dirigeante qui en détient le monopole et qui associe le salaire à une activité subordonnée pour se retrouver au cœur de la puissance de classe. L’idée étant de quitter d’abord la conception communiste du travail pour instaurer la logique capitaliste avec des droits liés à un contrat de travail (un emploi), ensuite parachever la sortie de la logique de pot commun (Solidarité, Répartition, Prestations Définies) pour migrer vers l’Individualisation, la Privatisation avec des Cotisations Définies : une logique financière. Les objectifs étant le regroupement toutes les branches de la protection sociale dans la sécurité sociale, la contributivité des cotisations, la suppression du pouvoir des salariés, l’unification de tous les régimes de retraite et l’unification de l’assurance maladie autour des Mutuelles complémentaires.

Les réformes ne visent pas un sauvetage du modèle social français, mais sa migration vers le modèle anglo-saxon, en Ubérisant le travail et en sortant ses prestations de la logique de solidarité vers une logique financière. En 2024, la majorité des Français tiennent toujours à leur contrat social d’après-guerre, mais ont perdu de vue que leur système, conforme à des populations de 1945 qui avaient des valeurs collectives de solidarité et de partage, montre aujourd’hui ses limites face à des individualistes sans valeurs ; d’où la nécessité de l’améliorer. Marquée par le néolibéralisme, la classe dirigeante, souhaite casser ce système, mais doit savoir qu’il est juste nécessaire de le rendre perfectible.

Conclusion

Le modèle anglo-saxon considère qu’avant de partager des marges il faut produire ; une vision de l’économie en comptabilité chainée (les recettes permettent des dépenses, les dépenses sont imputées aux recettes, ainsi de suite). La réalité n’est-elle pas que les dépenses créent de la richesse et la richesse crée des dépenses ? Il est certain qu’à la crise de 29, Roosevelt n’avait pas attendu la production pour créer le premier système de répartitions aux Etats Unis, et que le Conseil National de la Résistance n’avait pas attendu la production pour bâtir un corps de protection sociale et amorcer la construire des infrastructures de la France, par un circuit du trésor financé par sa banque centrale. Elle est aujourd’hui empêtrée dans un néolibéralisme anglo-saxon qui ne cesse depuis 50 ans de détruite sa conception du travail, son système financier (épargne et garantie) et ses structures sociales. Ceci doit nous faire réfléchir en zone franc CFA car nous sommes noyés jusqu’au cou dans ce néolibéralisme qui a détruit nos bases de construction par des ajustements structurels des années 80 et bloqué notre développement économique par le maintien dans une prison monétaire avec des moyens de financement bornés par les mécanismes de fonctionnement du franc CFA. Pour rappel, l’Occident n’a pas financé son développement par des emprunts sur les marchés.

Moralité pour les Africains

Face à ce désordre économique et monétaire international, les Etats africains doivent en tirer toutes les leçons et utiliser l’ingéniosité de leurs enfants pour se transformer vers l’avenir :

1-Bâtir en urgence un corps de protection sociale en parallèle à toute vision de développement long terme (Sénégal 2050 par exemple) pour que tout africain puisse vivre dignement.

2-Réformer les banques centrales pour orienter les politiques monétaires vers le financement du développement et pour que la masse monétaire en circulation dans nos espaces économiques soit représentative de la richesse créée. Par exemple, selon ses statistiques en juin 2024, sur les 5 prochaines années, le Sénégal doit rembourser presque 15 000 milliards de dettes dont 11 000 milliards en principal ; si la Banque Centrale rachète les titres arrivants à échéance sur cette période (principal), alors ce dernier pourra fonctionner et investir en partie dans sa vision long terme dont le coût est estimé à près de 18 000 milliards ; c’est ce que fait la France avec la banque centrale européenne depuis 2015 et le franc CFA est arrimé à l’euro. Pour plus de financement de la zone franc CFA, un modèle monétaire proposé en 2017 peut être appliquée (https://search.app/ckSxz48QHvreUAdx6).

3-Associer les marchés d’assurance et de finance pour bénéficier de toutes les synergies et faciliter le financement des entreprises et des ménages ; par exemple, réunir la microfinance et la micro-assurance sur une même plateforme pour fluidifier l’accès au crédit et réduire drastiquement les coûts d’emprunt des PME/PMI.

4-Adapter la mesure des fonds propres des assureurs, des réassureurs et des banques aux standards internationaux ; par exemple, comptabiliser la valeur actuelle des profits futures en assurance en fonds propres de première qualité, comme c’est le cas en Europe sous la norme Solvabilité 2 ; en effet, la notation financière du réassureur AVENI-RE (Côte d’Ivoire) est défavorable en fonds propres par rapport à celle du réassureur SCOR (France).

Après l’étalon-or, l’étalon de change or et l’étalon dollar, pourquoi pas l’étalon-travail (F. Delaisi).

(*) Bernard Friot auteur des livres de référence : Prenons le pouvoir sur nos retraites et Vaincre Macron.


CISSE ABDOU, PDG du groupe CISCO CONSULTING – SOLVISEO, Cabinet d’Affaires spécialisé en Actuariat-Finance, Gestion Actif/Passif-Stratégie-Investissement-Fusions-Acquisitions.

Remerciements à :

-Claude MOMBO pour l’étroite collaboration comme expert du Groupe

Fodé Keita et Abdou Salam THIAM pour la relecture approfondie et les nombreuses remarques et suggestions.