La BIDC pointe le retard pris par le libre-échange en Afrique de l’Ouest, supposée pourtant constituer une zone intégrée. Encourager le carburant et les engrais constitue une piste pour répondre à ce défi.
La croissance économique en Afrique de l’Ouest (UEMOA) devrait atteindre 6,0 % en 2024 et 6,5 % en 2025, pronostique la BIDC (Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO). L’institution publie ses Perspectives de développement en Afrique de l’Ouest, dont le titre est « Renforcer la résilience face aux chocs récurrents ».
Ses économistes estiment que les pressions inflationnistes devraient s’atténuer, entraînant une baisse de l’inflation en fin de période et de l’inflation moyenne en 2024 et 2025. Pour autant, l’inflation moyenne dans la CEDEAO devrait s’établir à 20,0 % à la fin de l’année 2024 et à 16,4% fin 2025.
Bien que les échanges au sein de la sous-région soient faibles, il existe des interdépendances pour certains biens et services essentiels qui seront assez difficiles à remplacer.
Une inflation bien mieux maîtrisée dans la zone UEMOA, à 3,1% en 224 et 2,5% en 2025, grâce à la stabilité de la monnaie et à la baisse attendue des prix des denrées alimentaires. De même, la zone devrait enregistrer une amélioration de son solde budgétaire, le déficit se stabilisant autour de 4,5% du PIB cette année avant de revenir à 3,9% l’an prochain. Le tout, dans un contexte de légère décrue de l’endettement, qui pourrait revenir à 52,4% du PIB en 2025 dans la CEDEAO.
Les économistes distinguent divers facteurs d’amélioration, notamment les recettes exceptionnelles provenant des matières premières et la stabilisation et les baisses éventuelles des taux d’intérêt et leur impact sur les coûts de financement.
À l’inverse, tout risque de dégradation n’est pas écarté. Ils tiennent à des facteurs extérieurs, comme une escalade du conflit au Moyen-Orient ou l’augmentation des prix du pétrole brut, ainsi qu’à des défis internes, comme l’insuffisance de l’approvisionnement en électricité, la pression sur les taux de change. Sans oublier la menace de l’insécurité et des événements météorologiques défavorables.
Dans ces conditions, l’Afrique de l’Ouest – le constat n’est pas nouveau –, doit améliorer sa résilience. Faisant le constat des « chocs » qui empoisonnent la vie des Africains, les économistes considèrent qu’il est « impératif » de se préparer à ces chocs en s’attaquant aux facteurs qui les déclenchent ou les amplifient.
Et d’émettre diverses propositions visant à renforcer la résilience, comme la sécurisation de la production agricole par la culture de plantes résistantes à la sécheresse, la diversification des cultures et l’assurance indicielle, essentielles pour lutter contre l’insécurité alimentaire.
Un libre-échange peu dynamique
En outre, la transformation des matières premières en produits finis avant l’exportation, apportera une plus-value non seulement au secteur agricole, mais également aux services, notent les économistes de la BIDC. « Cela permettra aux États membres de se positionner dans les domaines les plus stratégiques de la chaîne de valeur et de mieux négocier avec leurs partenaires commerciaux, étant donné que la transformation aura permis de prolonger la durée de conservation des denrées périssables, éliminant ainsi l’urgence de vendre rapidement. »
Plus spécifiquement, le rapport s’interroge sur la place du libre-échange à l’échelle de la sous-région. En effet, la CEDEAO et une zone de libre-échange, censée promouvoir le commerce intrarégional en rendant les biens et services produits au sein d’une zone géographique moins chers que ceux produits en dehors de cette zone.
Le constat n’est guère flatteur : « Après des décennies de mise en place d’une zone de libre-échange, la région de la CEDEAO peine toujours à stimuler le commerce intrarégional, avec des échanges intra-CEDEAO inférieurs à 12 %. »
Cette situation constitue un défi majeur pour l’intégration économique et, plus encore, pour la pleine réalisation des avantages de l’unification monétaire, qui est restée un objectif de la Communauté depuis sa création. L’essence même de l’unification monétaire réside dans la réduction des coûts de transaction, engendrés par la conversion monétaire nécessaire au commerce. Avec des échanges commerciaux de l’ordre de 12 %, « la possibilité de réaliser des gains significatifs grâce à l’utilisation d’une monnaie unique est assez faible, sauf en cas d’amélioration ex-post du commerce », commentent les économistes.
Toutefois, l’expérience de l’UEMOA – une union monétaire active depuis plus de cinq décennies –, montre que l’utilisation d’une monnaie unique à elle seule n’entraîne pas nécessairement une amélioration ex-post du commerce. Les exportations au sein de la sous-région sont dominées par les réexportations, avec en tête la Gambie, dont les exportations vers la CEDEAO représentent 61,5 % du total de ses exportations, dont 44,7% vers le seul Mali.
Le Togo suit avec 54,3 % du total de ses exportations vers les États membres de la CEDEAO, dont 12,5% vers le Burkina Faso, 9,4% vers le Bénin et 8,4% vers la Côte d’Ivoire.
Onze États membres exportent moins de 30 % de leurs marchandises vers d’autres États membres, à l’exception de la Gambie, du Niger, du Sénégal et du Togo. En revanche, le Mali affiche la plus grande part d’importations en provenance de la sous-région, 53,5% de ses importations. Le Mali importe principalement du Sénégal (23,8 %), de la Côte d’Ivoire (18,9 %) et de la Guinée (3,1 %).
Des progrès sont possibles
Le commerce au sein de la sous-région sont, selon les dernières données, largement dominé par les combustibles minéraux, les huiles minérales et les produits de leur distillation ; les substances bitumineuses ; les minéraux et les composantes « sel ; soufre ; terres et pierres ; matériaux de plâtrage, chaux et ciment ».
Tout cela souligne le défi que représente la faiblesse commerce intra-CEDEAO, compte tenu de la taille de certains États membres qui ont moins de 10 % d’échanges avec des partenaires sous-régionaux. Pourtant, insistent les économistes, bien que les échanges au sein de la sous-région soient faibles, il existe des interdépendances pour certains biens et services essentiels qui seront assez difficiles à remplacer, en particulier pour les pays enclavés dont les importations de carburants et d’huiles passent par les pays côtiers et pour les pays côtiers dont les besoins en légumes et en viande sont satisfaits par ces pays enclavés.
Voilà pourquoi, concluent-ils, il est possible de soutenir le commerce intrarégional par le biais du commerce des carburants et des engrais, étant donné l’essor des capacités de raffinage du pétrole brut et de production d’engrais dans la sous-région. Les pays peuvent renforcer leurs interdépendances en établissant des lignes de financement commercial solides pour les soutenir, au cas où les comptes ouverts ne seraient pas adéquats pour les fournisseurs.
Le Magazine de l’Afrique