Deux jours après la décision de la Banque mondiale de geler les négociations en cours, le FMI exprime ce 8 mars 2023 ses « préoccupations » après la vague de violence contre les Noirs, migrants ou Tunisiens, de ces derniers jours.
L’isolement de la Tunisie prend chaque jour de l’importance. « Le FMI est préoccupé par les récents développements en Tunisie et prend note des mesures prises par les autorités pour faire face à la situation », a déclaré un porte-parole, au cours d’une conférence de presse, ce 8 mars 2023.
Voici plusieurs semaines que la directrice générale du Fonds, Kristalina Georgieva, a promis un accord rapide avec la Tunisie, qui espère débloquer un prêt concessionnel de 1,9 milliard de dollars. Et que les Tunisiens ne voient rien venir, si ce n’est l’opprobre jeté sur leur pays.
« Le FMI pourrait hésiter à finaliser un accord qui était déjà controversé maintenant que l’autre grand bailleur de fonds se met en retrait. »
Toutefois, a voulu rassurer le porte-parole du FMI, ce dernier « reste engagé auprès de la Tunisie, notamment pour soutenir les efforts visant à renforcer l’équité sociale et à promouvoir une croissance inclusive ». Selon Fitch Ratings, ces progrès se traduisent essentiellement par l’approbation le 9 février 2023, d’un décret qui amende la loi relative aux participations aux entreprises et établissements publics. L’agence de notation signale également une avancée dans la finalisation et l’actualisation du plan de financement présenté par les autorités.
Pour autant, le FMI attend la concrétisation de mesures préalables, en premier lieu un ajustement des prix des carburants afin d’assurer la réduction des charges de subventions prévue dans la loi de Finance 2023, et l’adoption d’une loi réformant la gouvernance des entreprises publiques, adoptée mais non encore promulguée. Le Fonds attend aussi la mobilisation de financements additionnels pour garantir le financement du programme, dont ceux de la Banque mondiale.
Or, le 6 mars, c’est donc la Banque mondiale qui décidait de suspendre « jusqu’à nouvel ordre » son cadre de partenariat avec la Tunisie. Ce qui se matérialise par le gel tout nouveau financement au pays. La Banque mondiale a « retiré du calendrier la revue du conseil d’administration », prévue initialement le 21 mars, cette réunion étant donc « reportée jusqu’à nouvel ordre ». Point de réunion donc, entre le Conseil d’administration de la Banque mondiale afin d’évaluer et d’accompagner le pays dans ses programmes d’aide.
Une année « compliquée »
De fait, l’institution de Bretton-Woods ne peut pas lancer de nouveaux programmes de soutien avec le pays tant que le conseil d’administration ne s’est pas réuni. Pour autant, les projets financés en cours seraient maintenus. En revanche, la « suspension » signifie que tout nouveau financement à la Tunisie est peu probable « avant que la situation ne se clarifie » et qu’un nouveau cadre de partenariat ne soit conclu, croit savoir l’AFP qui cite une source interne à la Banque mondiale.
Quoi qu’il en soit, les discussions pour de nouveaux financements sont reportées jusqu’à nouvel ordre. Elles portaient notamment un prêt de 20 millions d’euros pour un projet de câble alimentant l’Europe en énergie solaire. « Plus la situation perdure, plus la Tunisie perdra des fonds », résume le responsable de la Banque mondiale.
En effet, les conséquences de cette suspension, ainsi que d’un retard éventuel de l’accord tant attendu avec le FMI, se dessinent déjà. Le budget de l’année 2023 table sur des prêts de 25 milliards de dinars (7,5 milliards d’euros), dont 5 milliards de dinars provenant de l’étranger. « Sans la Banque mondiale, réaliser une telle opération serait très compliqué », redoute l’économiste Ezzeddine Saidane, cité par le quotidien Le Monde.
Lors de son dernier point de conjoncture, en janvier, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Marouane Abassi (photo ci-contre), avait averti que l’année 2023 serait « compliquée », dans un contexte de faible croissance, de forte inflation et de chômage élevé, sans un accord rapide avec le FMI pour un prêt.
Or, l’accord avec le FMI dépend, entre autres facteurs, certains financements à débloquer par la Banque mondiale, dont la décision du 6 mars constitue un nouveau contretemps dans les négociations. « Le FMI pourrait hésiter à finaliser un accord qui était déjà controversé maintenant que l’autre grand bailleur de fonds se met en retrait », commente à l’AFP le responsable de la Banque mondiale parlant sous couvert d’anonymat.
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