Par Josefa Leonel Sacko, Kevin Kariuki et Ibrahima Cheikh Diong
À l’approche de la prochaine conférence des Nations unies sur le climat, les pays africains jouent leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, mais les pays industrialisés doivent tenir leurs promesses de financement.
La Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP27), qui débute ce 6 novembre 2022, se déroulera dans un contexte de bouleversements économiques et géopolitiques qui affecteront notamment la sécurité alimentaire et la santé publique. Pour autant, les défis immédiats auxquels nous sommes confrontés ne doivent pas nous détourner d’une vérité inattaquable : le combat le plus important auquel notre génération sera confrontée est la lutte contre le changement climatique.
“Au-delà du respect des engagements de financement, les acteurs internationaux doivent proposer un choix plus large d’options de financement à tous les pays africains, quelle que soit leur situation financière. Cet effort doit inclure le secteur privé.”
L’Afrique est particulièrement vulnérable à ses effets. Selon la BAD (Banque africaine de développement), le changement climatique fait perdre au continent entre 5 points et 15 points de la croissance de son PIB par habitant. Au fil du temps, ces pertes pourraient augmenter considérablement, l’agriculture étant la plus touchée.
Beaucoup appellent la COP27 de Sharm El Sheikh, en Égypte – « La COP de l’Afrique. » Nous, en Afrique, préférons la voir plutôt comme « La COP de la mise en œuvre », une réunion qui dépassera les aspirations nobles et les promesses vagues pour proposer un programme complet axé sur les résultats. Et, oui, ce programme devrait inclure un soutien accru, financier et autre, à l’Afrique, qui ne contribue guère au changement climatique.
L’Afrique prend des mesures concrètes
Pour faire écho au président de la BAD, Akinwumi Adesina, nous, les Africains, ne venons pas mendier ; nous venons avec des ressources et des solutions. Nous prenons déjà des mesures concrètes pour accélérer la transition verte et nous protéger des pires effets du changement climatique.
Pour commencer, les pays africains adoptent l’énergie verte. Ces dernières années, la capacité du continent en matière d’énergies renouvelables a fortement augmenté, avec des hausses annuelles à deux chiffres pour l’énergie solaire, éolienne et hydraulique. L’Afrique abrite deux des plus grands projets solaires au monde (l’un en Égypte et l’autre au Maroc), et deux des vingt entreprises africaines qui connaîtront la plus forte croissance en 2022 sont actives dans le secteur de l’énergie solaire.
Du Nigeria à la Namibie, les pays adoptent des technologies respectueuses du climat comme l’hydrogène vert. La Commission de l’UA est pleinement engagée dans la lutte contre le changement climatique sur plusieurs fronts. À cette fin, elle a élargi le mandat de la Commission de l’UA pour l’agriculture, le développement rural, l’économie bleue et l’environnement durable (ARBE) afin de refléter l’importance d’une direction de l’environnement durable et de l’économie bleue, et de promouvoir le renforcement de la résilience, l’adaptation et l’atténuation. L’ARBE a travaillé sur un certain nombre de projets déterminants avec des organisations partenaires, notamment l’élaboration de la stratégie de l’UA sur le changement climatique. Elle a aussi récemment facilité la validation d’une stratégie africaine intégrée sur la météorologie, l’eau et les services climatiques, qui guide le développement et l’application des services météorologiques et climatiques en Afrique.
Parallèlement, les agences spécialisées de l’Union africaine, telles que l’African Risk Capacity (ARC), aident les pays africains à tirer parti des systèmes d’alerte précoce et de préparation fondés sur la technologie pour améliorer leur résilience. L’organisation travaille en étroite collaboration avec les gouvernements pour renforcer leurs capacités à réagir de manière proactive aux catastrophes naturelles, protégeant ainsi des vies et soutenant la reconstruction des infrastructures endommagées à la suite de catastrophes naturelles. Par l’intermédiaire d’ARC Ltd, la filiale d’assurance du groupe, elle fournit une assurance paramétrique contre les événements climatiques extrêmes.
Pour sa part, la BAD a porté son attention, et ses ressources, sur le changement climatique. En 2020, 63 % du financement de la BAD a été consacré à des projets liés à l’adaptation au changement climatique, soit la part la plus importante de toutes les institutions de financement du développement.
Des financements insuffisants
En septembre, la Banque s’est engagée à consacrer 12,5 milliards de dollars supplémentaires au financement de l’adaptation au changement climatique par le biais du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP) – un organisme multipartite dirigé par l’Afrique et créé en 2021.
Les besoins de financement de l’adaptation en Afrique sont estimés à 52,7 milliards$ par an jusqu’en 2030. L’objectif de financement de l’AAAP a été fixé à 25 milliards $, les pays riches devant couvrir le reste. Cependant, alors même que l’Afrique poursuit et finance l’action climatique, les engagements de la communauté internationale restent insuffisants.
Les promesses de financement pour le climat doivent être suivies et les engagements ne sont qu’une première étape. Nous saluons le succès du gouvernement britannique qui, lors de la COP26 à Glasgow, en 2021, a réussi à mobiliser non seulement la communauté internationale, mais aussi le secteur privé et la société civile, et à obtenir ainsi des promesses de financement record pour le climat.
Un an plus tard, nombre de ces promesses ne sont encore que des promesses. Nous ne devrions peut-être pas être surpris. Après tout, lors de la COP de 2015 à Paris, les pays riches se sont engagés à fournir 100 milliards $ de financement annuel pour aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs d’atténuation et d’adaptation d’ici 2020. Deux ans après la date butoir, les engagements des pays riches restent largement non respectés.
C’est pourquoi nous appelons à la mise en place de mécanismes améliorés de contrôle et de suivi des engagements financiers en matière de climat. Il ne devrait pas être difficile d’associer aux promesses des échéances et des critères de mise en œuvre clairs. Les procédures d’accès à ces fonds doivent également être simplifiées. Il sera essentiel à la COP27 de passer des décisions à l’action. Nous n’avons pas besoin de nouveaux accords sur les progrès futurs. Nous devons plutôt traduire les réalisations des sommets précédents en une coopération mondiale pour une action climatique globale. Par exemple, les initiatives visant à renforcer la gestion des risques de catastrophe doivent adopter une approche globale, couvrant tout, de la mobilisation des ressources et des systèmes d’alerte précoce au transfert de technologies et au renforcement des capacités.
Une approche plus globale est également nécessaire en Afrique, qui est non seulement très vulnérable au changement climatique, mais qui a également des besoins de développement considérables. Une telle approche nécessitera une mise de fonds importante, qui ne peut être financée par l’emprunt sans pousser les pays africains déjà endettés vers la crise. Au-delà du respect des engagements de financement, les acteurs internationaux doivent proposer un choix plus large d’options de financement à tous les pays africains, quelle que soit leur situation financière. Cet effort doit inclure le secteur privé. Pour soutenir la mise en œuvre, les pays africains devront avoir accès à un soutien technique approprié. L’ampleur du défi climatique ne peut être surestimée. Pour le relever, il faudra combiner atténuation, renforcement de la résilience et adaptation, grâce à des partenariats stratégiques, à un partage efficace des connaissances et à la fourniture d’un soutien financier et d’un savoir-faire technique adéquats. L’Afrique fait sa part. Le reste du monde doit faire de même, en commençant par la COP27.
Josefa Leonel Sacko est commissaire à l’agriculture, au développement rural, à l’économie bleue et à l’environnement durable de la Commission de l’Union africaine.
Kevin Kariuki est vice-président pour l’électricité, l’énergie, le climat et la croissance verte à la Banque africaine de développement.
Ibrahima Cheikh Diong est sous-secrétaire général des Nations unies et directeur général de l’African Risk Capacity Group.
Le Magazine de l’Afrique