Acteur de premier plan du secteur privé sénégalais, dont il arpente les couloirs depuis des décennies, Souhaibou Gueye sait reconnaître une situation qui n’est pas favorable à l’économie sénégalaise et à ses acteurs. Et c’est justement le cas avec cette situation occasionnée par la fermeture des frontières avec le Mali. Le Secrétaire général des GES et par ailleurs vice-président du Conseil d’administration du COSEC alerte et propose avec son organisation des solutions de sortie de crise.
La décision prise par les chefs d’Etat de la CEDEAO de prendre des sanctions à l’encontre du Mali est en train de causer des dégâts importants aussi bien sur l’économie du Sénégal que sur celle du Mali. Est-ce qu’on peut avoir une idée de leur ampleur sur le transport et les échanges commerciaux
Ces mesures regrettables auront effectivement un impact considérable sur les économies des deux pays. Mais je crois que l’exercice d’évaluation du manque à gagner que cela va occasionner me semble prématuré. Dans le domaine macroéconomique, le temps de réaction, de constat des différentes mutations n’opère pas en un temps aussi court. Mais quand on sait que le Mali représente 55 à 60% du volume global des exportations en partance du Sénégal, vers des pays de l’Afrique occidentale, on ne doute pas que le chiffre sera important. Certains avancent le chiffre de 600 milliards mais cela me paraît quelque peu minoré. Je crois malheureusement que les dégâts peuvent même aller au-delà.
Maintenant, dans le domaine du transport, il suffit de considérer le nombre de voiture en partance de Dakar tous les jours. Avant les sanctions, 280 à 300 camions partaient du port de Dakar tous les jours, sans compter les départs à partir d’autres points comme les camions qui transportaient des produits agricoles. On se rend compte que ce secteur sera très fortement impacté par ces mesures.
A l’heure où je vous parle, 1338 camions sont en souffrance à Kidira, à cause de la fermeture des frontières. Donc le secteur du transport est inévitablement impacté. Il y a aussi les autres services qui tournent autour des activités portuaires comme le transit et toutes les activités qu’il y a tout le long du corridor. Il y a par exemple la restauration, avec les femmes qui gèrent les gargotes, les auberges qui accueillaient les chauffeurs, les mécaniciens et tous les petits métiers qui tournaient tout autour. C’est dire que globalement, c’est toute l’économie qui va ressentir les effets de ces mesures-là.
Qu’allez-vous concrètement proposer dans le mémorandum sur lequel vous êtes en train de réfléchir et que vous allez déposer sur la table de l’autorité
Nous allons produire un document qui exposera l’ensemble des dégâts que nous aurons constatés depuis l’application de ces mesures. Et puis, nous indiquerons à nos gouvernants, la première piste qui sera celle de tenter un rapprochement avec les autorités actuelles du Mali pour entamer des négociations et aller dans un premier temps vers un assouplissement de ces mesures. Ensuite, il faut envisager de façon lucide et concertée la levée de ces mesures. Ce sera tout le sens de notre document. Maintenant, nous avons une mission de veille et d’alerte. Nous allons l’exercer de ce point de vue-là. Et puis servir à l’état et au gouvernement un document qui pourra leur servir d’outil d’aide à la prise de décision. La décision la plus salutaire et qui rencontrerait l’adhésion populaire, ce serait d’aller résolument vers une levée de ces mesures.
La décision est une décision communautaire, elle concerne les 15 pays de l’espace CEDEAO. Vous avez entrepris ici une démarche au Sénégal mais elle ne concernera certainement pas les autres pays, est ce que vous avez prévu de poser des actes allant dans le sens d’impliquer tout le secteur privé ouest africain dans cette bataille pour un retour à la normale dans les relations entre le Mali et les autres pays de la région
Vous avez raison, d’autant que les dirigeants politiques se parlent à l’échelle communautaire, il est normal que les responsables des différents secteurs privé de nos pays se parlent également. Et nous userons de ce canal pour vulgariser le document que nous aurons produit. Etant entendu que la décision définitive sera également communautaire. De ce point de vue, un parallélisme des formes sera inévitable. Mais, pour l’exemple, je peux dire que la Côte d’Ivoire tente déjà des discussions avec la partie malienne pour faire passer une partie de la flotte malienne par Abidjan ou par un autre port comme San Pedro. C’est dire que ceci n’exclut pas cela.
Propos recueillis par :
Aliou Kane Ndiaye