
Ngozi Okonjo-Iweala considère que l’Afrique devrait être exemptée des droits de douane imposés par Donald Trump aux partenaires commerciaux des États-Unis.
Lorsqu’elle s’est exprimée lors de la séance plénière d’ouverture de la 4e Conférence sur le financement du développement à Séville, la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, a insisté sur le fait que le développement mondial durable restait possible malgré le contexte commercial marqué par la guerre tarifaire menée par le président américain Donald Trump. Pour autant, son message à la conférence était empreint d’incertitude.
« Si nous pouvons réaffecter entre un tiers et la moitié de ces subventions, nous disposerons d’une grande partie des ressources nécessaires pour relever les défis liés à la réalisation des Objectifs de développement durable. »
« Je ne pense pas qu’une conférence se soit jamais réunie dans des moments aussi difficiles. Difficiles pour le monde, pour nos aspirations communes en matière de développement et pour les moyens de financer la réalisation de ces aspirations. »
Ngozi Okonjo-Iweala a déclaré que les pays en développement qui espéraient augmenter leurs recettes d’exportation pour éviter une détérioration de leur balance des paiements doivent désormais faire face à des perturbations si importantes qu’elles alimentent l’instabilité financière.
« C’est pourquoi nous avons fait valoir que les pays les moins avancés en tant que groupe, et l’Afrique en tant que région, devraient être exemptés de ces droits de douane réciproques, afin que nous puissions mieux les intégrer dans le système commercial mondial, et non les exclure davantage, afin qu’ils aient de meilleures chances d’obtenir les ressources nécessaires pour atteindre les objectifs de développement durable. »
Au début de l’année, lors de la publication des Perspectives du commerce mondial 2025 de l’OMC, l’organisation prévoyait une baisse de 0,2 % du volume mondial des échanges de marchandises en 2025, soit près de trois points de pourcentage de moins que le niveau attendu sans les récents changements de politique commerciale. Le rétablissement des droits de douane « réciproques » réduirait cette prévision de 0,6 point de pourcentage, ramenant le taux de croissance prévu à -0,8 %. Une propagation plus large de l’incertitude politique au-delà des relations commerciales des États-Unis réduirait la croissance de 0,7 point de pourcentage supplémentaire.
Mesures visant à relancer le commerce mondial
Plusieurs pays africains ont été visés par les droits de douane plus élevés imposés par Trump, qui ont été reportés en attendant une période de consultation de trois mois. Parmi les pays africains les plus touchés par la volonté de Trump d’introduire ce qu’il qualifie de droits de douane « réciproques » figurent les États d’Afrique australe, notamment le Lesotho, dont les marchandises seront frappées d’un droit de douane de 50 % ; Madagascar (47 %), Maurice (40 %), le Botswana (37 %), l’Angola (32 %), l’Afrique du Sud (30 %), la Namibie (21 %), le Zimbabwe (18 %), la Zambie (17 %) et le Malawi (17 %).
Quelques jours seulement après la fin de la conférence FfD4 à Séville, le 9 juillet, Washington a annoncé l’imposition de droits de douane de 30 % sur les importations en provenance de l’Union européenne et du Mexique à compter du 1er août. Donald Trump a également annoncé la semaine dernière que son administration allait frapper le Brésil d’un droit de douane de 50 % sur les produits exportés vers les États-Unis.
L’introduction ou la réintroduction de nouvelles barrières tarifaires, annoncée moins d’une semaine après la conférence FfD4, devrait aggraver encore le ralentissement du commerce mondial.
Ngozi Okonjo-Iweala n’a pas tardé à présenter une stratégie pour contrer les vents contraires qui secouent actuellement le système commercial mondial.

« Nous devons donc renforcer la stabilité et la prévisibilité du commerce mondial. Cela implique des mesures à plusieurs niveaux. Premièrement, nous devons soutenir les 74 % du commerce mondial de marchandises qui continuent de franchir les frontières sur la base des tarifs de la Nation la plus favorisée de l’OMC. Et nous devons veiller à ce que davantage de pays puissent saisir les opportunités intéressantes qui s’offrent à eux pour gagner plus de ressources afin de se financer grâce aux services, au commerce numérique, vert et bleu. »
Deuxièmement, juge-t-elle, « la meilleure voie à suivre consiste à trouver des solutions coopératives aux problèmes commerciaux existants, plutôt que d’adopter des approches unilatérales. Mais dans le même temps, nous devons nous demander comment nous en sommes arrivés là. Et nous devons répondre aux critiques légitimes formulées par les États-Unis, l’Union européenne, les pays en développement et d’autres, en essayant d’écouter ces critiques et en réformant et repositionnant l’OMC ».
Appel à la suppression des subventions
Bref, « nous ne devons pas gaspiller cette crise si nous voulons que l’OMC continue d’offrir une proposition de valeur intéressante à ses membres. Les ministres doivent se mobiliser lors de la 14e Conférence ministérielle qui se tiendra au Cameroun en mars 2026 et adopter et faire avancer les réformes nécessaires. Nous devons compléter ces réformes multilatérales en renforçant également l’intégration économique en cours au niveau régional en Europe, en Afrique, en Asie et en Amérique latine », a-t-elle déclaré.
Mme Okonjo-Iweala a également appelé à des progrès dans le déblocage des investissements et des financements afin de combler le déficit de financement du commerce dans les pays en développement.
La dirigeante de l’OMC a également réitéré l’appel du président de la Banque mondiale, Ajay Banga, en faveur de la suppression des subventions inutiles, un sujet controversé en Afrique où certains secteurs bénéficient encore d’un financement public important.
« Je tiens à souligner une fois de plus que nous avons d’importants financements bloqués dans des subventions néfastes, que nous devrions chercher à réaffecter. Ajay Banga a mentionné 1 200 milliards de dollars. En réalité, si l’on ajoute certaines subventions dans les domaines de l’agriculture, de l’eau et de la pêche, nous avons près de 2 000 milliards $ bloqués dans des subventions qui font plus de mal que de bien. »

En tant qu’ancienne ministre des Finances du Nigeria, Ngozi Okonjo-Iweala reconnaît les difficultés politiques liées à la suppression progressive des subventions.
« Je me contenterai de souligner que si nous pouvons réaffecter entre un tiers et la moitié de ces subventions, nous disposerons d’une grande partie des ressources nécessaires pour relever les défis liés à la réalisation des Objectifs de développement durable. »
Selon elle, l’OMC a fait sa part en contribuant à supprimer progressivement 22 milliards $ de subventions néfastes à la pêche qui conduisent à des pratiques illégales, non réglementées et non déclarées. À ce jour, 102 pays ont ratifié un accord en ce sens. « Il ne manque plus que neuf pays pour que cet accord entre en vigueur », a révélé la directrice générale de l’OMC.
« Oui, nous traversons une période difficile et nous sommes confrontés à des contraintes sévères, mais nous avons encore la possibilité d’agir, tant au niveau national qu’international, pour remettre le développement durable et son financement sur les rails. Un système commercial multilatéral réformé est certainement prêt et disposé à jouer son rôle », a-t-elle conclu.
Le Magazine de l’Afrique