Pourquoi la BCEAO maintient ses taux

En dépit d’une sensible baisse de l’inflation fin 2024, la Banque centrale ouest-africaine conserve une politique monétaire prudente. Elle se montre rassurante devant la situation du Sénégal.

La BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest) a décidé de maintenir son principal taux directeur, à 3,50 %. Au cours d’une conférence de presse, son gouverneur, Jean-Claude Kassi Brou, s’est montré plutôt rassurant quant aux perspectives économiques et monétaires en Afrique de l’Ouest. Il a également donné quitus aux nouvelles autorités du Sénégal après les révélations de la Cour des comptes sénégalaises sur l’ampleur de la dette publique.

« Les autorités du Sénégal ont joué la transparence parfaite pour que la situation de l’évaluation qui a été faite soit connue de tout le monde. »

Le 5 mars 2025, le Comité de politique monétaire (CPM) de la BCEAO a donc maintenu son principal taux directeur, auquel la Banque centrale prête ses ressources aux banques, à 3,50 %, et fixé le taux d’intérêt sur le guichet de prêt marginal à 5,50 %. Ces niveaux sont en vigueur depuis le 16 décembre 2023.

Selon le CPM, l’activité économique de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) demeure « dynamique », avec une progression du PIB de 7,0 % au quatrième trimestre 2024 après 5,8 % le trimestre précédent. Pour l’année 2024, la hausse du PIB réel de l’Union est estimée à 6,2 % après 5,3 % en 2023 et devrait ressortir à 6,3 % en 2025. Cette croissance est portée par l’ensemble de l’économie, notamment les secteurs extractif, manufacturier et agricole.

Le gouverneur Jean-Claude Kassi Brou n’anticipe pas « de difficultés particulières liées aux échéances électorales », notamment celles de la Côte d’Ivoire, faisant observer que celles organisées dans les autres pays de l’Union, ces dernières années, n’« ont pas eu d’impact négatif notable sur la croissance économique ».

L’« activité économique a bénéficié d’un financement approprié », considère la BCEAO. Les crédits bancaires au secteur privé se sont accrus de 6,3 %, à fin décembre 2024 contre une hausse de 5,8 % à fin septembre 2024, en glissement annuel. Cette tendance devrait se poursuivre, juge la BCEAO qui table sur une hausse de 8,6 % des crédits bancaires en 2025.

Le Sénégal devra corriger le tir

Au quatrième trimestre 2024, l’inflation s’est établie à 2,9 %, contre 4,1 % le trimestre précédent. La détente des prix a été favorisée par la baisse des cours des produits alimentaires et énergétiques importés. Les meilleures récoltes de la campagne vivrière 2024-2025 ont également contribué à réduire les pressions sur les prix. Selon les prévisions, l’inflation devrait se situer à 2,7 % en 2025 après 3,5 % en 2024.

Pourquoi alors ne pas diminuer les taux ? « Les risques d’une résurgence des pressions sur les prix restent élevés, en raison notamment de la persistance des problèmes sécuritaires dans la sous-région, de l’effet du changement climatique qui pourrait réduire la production vivrière ainsi que de l’impact des tensions géopolitiques et commerciales sur les prix mondiaux des produits énergétiques et alimentaires », répond la BCEAO.

Pour autant, le constat optimiste est là : la situation extérieure de l’Union s’est améliorée sur la récente période, à la faveur d’une hausse des prix des produits exportés, de celle des ventes d’hydrocarbures à l’étranger et de la mobilisation des ressources extérieures par les pays membres.

Évoquant le cas délicat du Sénégal, Jean-Claude Kassi Brou estime que « les autorités ont joué la transparence parfaite pour que la situation de l’évaluation qui a été faite soit connue de tout le monde ». Il considère que les autorités du Sénégal « se sont engagées à aller de l’avant avec des réformes pour corriger ce qui n’a pas bien fonctionné. »

Le gouverneur Jean-Claude Kassi Brou et le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, le 4 mai 2024.
Le gouverneur Jean-Claude Kassi Brou et le président du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, le 4 mai 2024.

Rappelons que la Cour des comptes du Sénégal a révélé qu’en 2023, l’endettement public représentait 99,67 % du PIB et d’un déficit budgétaire de 12,3 %. Les analystes financiers considèrent que l’endettement devrait demeurer aux alentours de 100 % du PIB au titre de 2024, avant qu’une lente décélération ne s’amorce cette année et les années suivantes.

Dès lors, il est important, aux yeux du gouverneur, « d’avoir les informations, de les intégrer et puis de voir quelle sera l’orientation que les autorités vont imprimer aux actions menées dans le court terme et dans le moyen terme ». De son côté, assure le gouverneur, la BCEAO a déjà « intégré » l’ensemble de ces éléments.

Il a précisé que la BCEAO joue un rôle d’accompagnement auprès des États membres, affirmant : « Notre rôle est d’accompagner les États et nous le faisons pour tous les pays. » Le gouverneur a insisté sur le principe de solidarité au sein de l’UEMOA, rappelant : « Quand un pays a des difficultés, les autres sont là pour compenser ».

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