
Outre des alliés stratégiques comme le Sénégal, les pays de l’AES comptent parmi les principaux bénéficiaires de l’USAID. En 2024, ces trois nations ont reçu plus de 827 millions de dollars, représentant une large part des 1,264 milliard de dollars engagés par les États-Unis.
La décision de l’administration Trump de suspendre pour 90 jours l’aide américaine aux pays étrangers a pris de court de nombreux gouvernements africains. Dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), où l’USAID joue un rôle charnière dans le financement des infrastructures de base, de la santé et de l’humanitaire, l’impact de cette décision risque d’être considérable. Mais quelles nations sont les plus exposées à ce retrait soudain des financements américains ?
Au Sahel, un arrêt brutal de l’aide humanitaire
Dans une région déjà marquée par la guerre et l’instabilité, la suspension de l’aide américaine a des allures de nouvelle tempête. Le Niger, le Mali et le Burkina Faso figuraient parmi les plus grands bénéficiaires des financements de l’USAID. En 2024, ces trois pays avaient reçu à eux seuls plus de 827 millions de dollars sur 1,264 milliard $ d’engagements de la part des États-Unis, dont la majorité via l’USAID. Par exemple, l’USAID représentait 99% des engagements de l’Oncle Sam l’année dernière. Cette année-là, 300 millions de dollars avaient été approuvés pour le Mali, 312 millions pour le Burkina Faso et 215 millions pour le Niger, après 266 millions en 2023.
Ces engagements se traduisaient par des décaissements concrets : 332 millions de dollars ont été versés au Niger, 254 millions au Mali et 225 millions au Burkina Faso. De quoi financer des programmes essentiels : distribution de vivres, soins de santé, développement agricole et soutien aux populations déplacées. Avec ce gel, c’est tout un réseau d’aides locales qui risque de se retrouver à sec, ce qui sans doute viendrait affecter un peu plus les États sahéliens dans leur lutte contre la pauvreté et l’insécurité.
Sénégal et Côte d’Ivoire, des alliés affectés
Moins touchés par l’instabilité politique, le Sénégal et la Côte d’Ivoire avaient jusqu’ici su tirer profit de leur position de partenaires stratégiques des États-Unis. Dakar, qui avait reçu 209 millions de dollars d’engagements en 2024, s’était même vu octroyer 325 millions $ (décaissements). En Côte d’Ivoire, 115 millions de dollars avaient été promis, et 246 millions avaient été décaissés, preuve d’un soutien grandissant.
Ces fonds soutenaient une panoplie de projets : développement des infrastructures, financement des PME, renforcement des secteurs éducatifs et sanitaires. Avec la suspension des financements américains, certains chantiers pourraient être ralentis, voire stoppés. Le programme de modernisation des transports urbains d’Abidjan, partiellement soutenu par le Millennium Challenge Corporation (MCC), pourrait être menacé. Au Sénégal qui vient de signer un 3e compact, axé sur l’économie bleue, au moins 146 millions $ avaient été déboursés l’année dernière pour le programme. Dans les deux pays, leaders de l’économie de l’union, pas moins de 283 millions $ ont été déployés par l’USAID en 2024 dans les secteurs de la santé, notamment.
Le Bénin et le Togo, des économies vulnérables
Pour des pays comme le Bénin et le Togo, l’aide américaine était certes plus modeste (77 millions et 36 millions de dollars d’engagements en 2024), mais elle représentait une source de financement essentielle pour plusieurs secteurs clés.
Santé, humanitaire, infrastructures : quels secteurs sont menacés ?
Si les financements américains étaient aussi massifs, c’est parce qu’ils couvraient des secteurs essentiels. En 2024, les agences américaines avaient alloué 525 millions de dollars pour la santé (40%), incluant des programmes de vaccination et de lutte contre le paludisme ou de lutte contre le VIH. 459,7 millions $ (35,4 %) dans l’assistance humanitaire. 366 millions via le Millennium Challenge Corporation (MCC), principalement pour le développement des infrastructures. 290 millions pour l’aide humanitaire, en grande partie destinés au Sahel.
Avec près de 940 projets en cours, l’arrêt soudain de ces financements suscite des interrogations. Quels projets pourront être poursuivis sans l’appui américain ? Quels acteurs internationaux pourront combler ce vide financier ?
(Agence Ecofin)