Accompagnée par Impaxis en tant que chef de file et par sa filiale BOAD Titrisation en tant qu’arrangeur, la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) a clôturé une nouvelle opération de titrisation de 160 milliards FCFA en un temps record, confirmant à nouveau sa position de leader dans l’innovation financière en Afrique de l’Ouest.
Après avoir levé 150 milliards de FCFA en mai 2023 via la titrisation de ses créances souveraines, la BOAD a réussi la semaine dernière une nouvelle opération de titrisation de 160 milliards de FCFA, sursouscrite en moins d’une journée, a confié la Banque à l’Agence Ecofin.
L’opération comprenait trois tranches, une première dans la sous-région en matière d’alignement sur les standards internationaux, la première émission ne comportait que deux tranches, a fait remarquer à l’Agence Ecofin, Adji Sokhna Mbaye, Directrice de BOAD Titrisation, arrangeur du deal. Ainsi, la tranche mezzanine B, réservée aux investisseurs et d’un montant de 28,75 milliards de FCFA avec un taux d’intérêt de 9,5 %, a été particulièrement convoitée, étant sursouscrite en une seule journée. Cette tranche a attiré une large participation des investisseurs régionaux. Les investisseurs internationaux ont également répondu présents.
Plus de 80% réinvestis dans les titres par la BOAD
Les deux autres tranches – senior pour 120 milliards de FCFA au taux de 4,5 % et junior pour 11,25 milliards de FCFA – , représentant ensemble plus de 80 % de l’opération, ont été rachetées par la BOAD elle-même, dans une transaction qui, contrairement à la première, avait non seulement pour objectif « d’obtenir de la liquidité, mais surtout d’optimiser le bilan, de protéger la note de crédit de la banque, seule institution de la sous-région à bénéficier d’une notation « investment grade » à l’international, et d’améliorer la qualité du portefeuille de crédits. » Des leviers que la banque dirigée par Serge Ekue a déjà exploités ces dernières années.
Justifiant l’approche de réinvestissement de la BOAD, Adji Sokhna Mbaye a indiqué que « ce mécanisme permet à la banque de réaliser un gain en termes de capital économique, mais aussi de diversifier ses sources de liquidités et de réduire le levier de son bilan ».
Et si le processus de titrisation permet à la BOAD de transférer une partie du risque de crédit associé aux créances sous-jacentes aux investisseurs des tranches mezzanine, et qu’en rachetant une partie des tranches (senior et junior), la banque maintient une certaine exposition au risque, la structure de tranchage minimise le risque pour la tranche senior, ce qui améliore la gestion des risques de la banque. C’est ce qu’explique Adji Sokhna Mbaye : « Les mécanismes de rehaussement de crédit, comme ceux utilisés dans la titrisation, permettent à la tranche senior de bénéficier d’une notation maximale, bien supérieure à celle du portefeuille cédé ».
Ainsi, poursuit-elle : « Les tranches inférieures (tranche mezzanine et tranche junior) jouent le rôle de lignes de défense. La tranche junior est la première ligne de défense, suivie de la tranche mezzanine. En cas de défaut ou de retard, c’est la tranche junior qui est impactée en premier, ce qui minimise le risque pour la tranche senior. De plus, une réserve de liquidités au sein de l’opération réduit considérablement le risque pour les investisseurs de la tranche senior. ». Ce mécanisme permet à la BOAD de se servir en premier, avec un coupon de 4,5 % sur une tranche senior de 120 milliards FCFA, soit 75% des 160 milliards en jeu.
« Les agences de notation perçoivent généralement positivement la capacité d’une institution à mener ce genre d’opération de titrisation et à acheter ses propres tranches », indique un analyste de portefeuille sur le marché régional.
Selon la financière débauchée chez Morgan Stanley en 2022 et qui est passée notamment par Bank of America Merrill Lynch, Natixis et Citigroup, le taux d’intérêt global de l’opération, une fois les trois tranches combinées, s’élève à environ 6,5 %, à peu près similaire à la première opération de mai 2023, et inférieur aux rendements actuellement exigés par les investisseurs régionaux sur les titres publics. Ces rendements atteignent les 10% pour certains pays.
Quels sous-jacents ?
D’après les informations obtenues par l’Agence Ecofin, les actifs que la BOAD a transformés en titres financiers comprennent des créances qu’elle détient sur les secteurs public et privé dans la zone UEMOA. Ces créances, choisies parmi les portefeuilles de dettes privées et publiques de la BOAD, totalisent un nominal de 150 milliards de FCFA en cours de remboursement, dont 4 milliards de FCFA sont considérées comme en défaut. En effet, parmi les 29 créances concernées, 24 sont à jour avec des paiements réguliers, tandis que les créances en défaut représentent seulement 2,67 % de l’encours total. Les taux d’intérêt de ces créances varient entre 4,50 % et 10,25 %, avec des maturités s’étalant de 2026 à 2031, et une dizaine de ces projets financés sont liés à des projets publics. Ces créances étaient relativement bien notées par l’agence GCR West Africa, désormais filiale de Moody’s. La tranche Mezzanine B, réservée au grand public, est notée AA+, tandis que la tranche senior est notée triple A.
Une nouvelle opération en ligne de mire
Cette émission marque une nouvelle phase du vaste programme de titrisation de plus de 500 milliards de FCFA prévu par la BOAD pour financer le plan stratégique “Djoliba” 2021-2025, qui ambitionne de positionner davantage la banque comme référence pour un impact durable sur l’intégration et la transformation de l’Afrique de l’Ouest.
Serge Ekue avait annoncé en mai dernier que, galvanisé par la première opération, de nouvelles incursions dans le secteur de titrisation étaient dans le pipeline. Certaines devraient concerner le secteur immobilier résidentiel, une sorte de Residential Mortgage-Backed Securities (RMBS) pour attirer des investisseurs spécialisés. Une partie devrait servir à sa filiale dans le secteur hypothécaire, la CRRH-UEMOA, dirigée par Yedau Ogoundele.
Forte de ce deuxième succès consécutif, la BOAD envisage déjà une troisième opération de titrisation pour 2025. Le montant de cette transaction pourrait dépasser les deux précédentes, le tout sur un marché de titrisation encore timide mais aux potentiels importants, estimés à plus de 50 000 milliards de FCFA de liquidités supplémentaires pour les banques et autres acteurs du marché.
Avec ces opérations combinées aux émissions de capital hybride et aux souscriptions d’assurance-crédit pour la couverture de son portefeuille, la BOAD qui veut être à la pointe de l’innovation financière, se donne de nouvelles marges pour poursuivre l’expansion de ses engagements qui se sont encore étoffés en 2023, avec des décaissements qui continuent d’augmenter.
(Agence Ecofin)