Dans une interview exclusive avec Energy Capital & Power (Anibor Kragha, secrétaire exécutif de l’Association des Raffineurs et Distributeurs Africains (ARDA), discute des efforts de l’Association pour harmoniser les normes de carburant, mettre en œuvre une stratégie de transition énergétique sur trois décennies et investir dans les infrastructures. Kragha participera à l’édition de cette année de MSGBC Oil, Gas & Power – prévue les 3 et 4 décembre à Dakar – où il soulignera le rôle que joue l’expansion en aval dans l’accès inclusif à l’énergie pour tous.
Quelles opportunités voyez-vous dans la région MSGBC pour le secteur de l’énergie et comment des événements comme le MSGBC Oil & Gas and Power 2024 peuvent-ils favoriser la croissance ?
La demande énergétique de l’Afrique augmente et celle du MSGBC aussi. Pour répondre à cette demande de manière durable avec une empreinte carbone minimale, nous avons besoin d’une approche stratégique. Premièrement, les régulateurs du MSGBC doivent créer des cadres favorables à l’investissement. Deuxièmement, les projets doivent être préparés de manière approfondie pour garantir leur bancabilité, avec des portées, des coûts et des calendriers clairs. Troisièmement, les projets doivent prioriser les faibles empreintes carbone et incorporer les considérations ESG. Quatrièmement, nous avons besoin de professionnels qualifiés pour exécuter ces projets. Avec ces fondations en place, le financement devient plus accessible. La plateforme MSGBC peut jouer un rôle crucial dans l’établissement de ces piliers pour attirer les investissements et atteindre un avenir énergétique durable pour la région.
Quelle est votre opinion sur le développement des raffineries dans la région MSGBC, notamment en ce qui concerne la Société africaine de raffinage (SAR) au Sénégal et son rôle dans la première production pétrolière du pays ?
Nous travaillons avec l’Union Africaine et l’Organisation des Producteurs de Pétrole Africains pour promouvoir une industrie pétrolière et gazière intra-africaine robuste. Notre objectif est d’équilibrer la sécurité énergétique et la transition énergétique tout en maximisant la production de pétrole et la valorisation sur le continent pour réduire les importations et renforcer la sécurité énergétique à long terme. Dans la région MSGBC, avec une population de plus de 30 millions, le Sénégal joue un rôle clé avec un peu plus de 18 millions (de personnes). La raffinerie SAR, récemment mise à niveau de 27 000 à 30 000 barils par jour, prévoit une expansion supplémentaire, avec SAR 2.0 pour renforcer la sécurité énergétique et réduire la dépendance aux importations de brut. La Mauritanie, avec son potentiel gazier significatif, ajoute une autre dimension au potentiel en aval du MSGBC, notamment en ce qui concerne un secteur pétrochimique intégré et à valeur ajoutée pour la région. Comment l’ARDA prévoit-elle de mettre en œuvre des projets d’investissement et de promouvoir les meilleures pratiques dans le secteur en aval, notamment dans la région MSGBC ? L’ARDA améliore le secteur en aval en Afrique par le biais d’initiatives clés telles que la semaine de l’ARDA et sept groupes de travail spécialisés, se concentrant sur les mises à niveau des raffineries, le développement des infrastructures de stockage et de distribution (S&D) associées, l’ESG, l’adoption du GPL pour une cuisson propre, des cadres réglementaires efficaces, une gestion stratégique des ressources humaines et un financement durable et rentable des projets. L’ARDA collabore avec les régulateurs pour créer des cadres d’investissement favorables et organiser des forums d’investissement pour connecter les développeurs de projets africains avec les financiers. Notre partenariat avec McKinsey & Company vise à créer un registre de projets d’infrastructures énergétiques africains bancables et durables. Notre Association se concentre sur le lancement de deux fonds : un fonds de 1 milliard de dollars dédié à l’investissement dans des projets de GPL à grande échelle et un autre pour la modernisation des raffineries afin de produire des carburants propres avec une empreinte carbone réduite et soutenir les projets pétrochimiques. Notre objectif est de jumeler des projets comme SAR 2.0 avec des financiers pour sécuriser les financements essentiels afin de réaliser le projet dans les délais prévus.
Quelle est l’importance de grands projets comme la raffinerie Dangote pour surmonter la malédiction des ressources en Afrique ?
La raffinerie Dangote, avec une capacité de 650 000 barils par jour, est la plus grande raffinerie à train unique au monde. Une fois en pleine capacité, elle produira des carburants AFRI 6 (10 ppm de soufre), renforçant considérablement la sécurité énergétique de l’Afrique. Avec une demande énergétique en Afrique projetée à augmenter de 45-55% d’ici 2040, la raffinerie sera un changeur de jeu, réduisant le besoin d’importations de brut et renforçant l’indépendance énergétique. L’ARDA vise à soutenir les investissements qui raffinent davantage de brut africain localement, équilibrant la sécurité énergétique avec une empreinte carbone réduite. L’ARDA est enthousiasmée par la raffinerie Dangote et d’autres projets clés, tels que les mises à niveau de la SIR (Société Ivoirienne de Raffinage) en Côte d’Ivoire et de nouvelles raffineries au Ghana et en Ouganda.
Comment l’ARDA équilibre-t-elle l’harmonisation des carburants plus propres avec l’avancement des énergies renouvelables ?
La stratégie sur trois décennies de l’ARDA guide les plans de notre Association pour délivrer une feuille de route de transition énergétique unique et durable pour le secteur en aval africain. Avec l’Afrique ne contribuant actuellement qu’à moins de 3% des émissions cumulées mondiales de carbone à ce jour, contre 33% pour l’UE et 29% pour l’Amérique du Nord, notre continent a besoin d’une approche sur mesure qui équilibre la sécurité énergétique et la transition énergétique. Notre stratégie se concentre sur trois piliers : des carburants de transport et de cuisson plus propres (y compris des carburants à faible teneur en soufre et le GPL), des infrastructures de stockage et de distribution (S&D) et des projets pétrochimiques d’abord ; le soutien aux biocarburants, au carburant d’aviation durable (SAF) et aux solutions d’énergie renouvelable matures et rentables ensuite ; et enfin des sources d’énergie primaire plus propres pour l’électricité, par exemple remplacer le charbon et le pétrole par du gaz naturel. La vision de l’ARDA pour les “Trois Décennies” est la suivante : Première décennie (jusqu’à 2030), l’accent devrait être mis sur la modernisation des raffineries pour produire des carburants plus propres et réduire l’empreinte carbone, le GPL pour une cuisson propre et les infrastructures régionales de S&D tout en adoptant des solutions rentables comme la technologie solaire. Deuxième décennie (2030 à 2040) intégrera les biocarburants, l’éolien et d’autres technologies émergentes de renouvelables. Troisième décennie (2040 à 2050), intégrera des solutions plus avancées comme le CCUS, l’hydrogène, etc., au fur et à mesure qu’elles deviendront plus matures.
Comment l’ARDA travaille-t-elle pour standardiser les spécifications des carburants en Afrique ?
L’ARDA a mené des efforts pour harmoniser les spécifications des carburants à travers l’Afrique, notamment en soutenant la directive ECOWAS (Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest) de 2020 adoptant les spécifications AFRI-5 de 50 parties par million (ppm) de soufre pour le carburant. L’Afrique compte actuellement 11 grades de diesel (de 10 à 10 000 ppm de soufre) et 12 grades d’essence (de 10 à 2 500 ppm). L’ARDA s’est associée au Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) et a participé aux réunions africaines de 2022 du PNUE avec les ministres de l’énergie à Nairobi pour promouvoir des normes de carburant plus propres et des émissions de véhicules à travers le continent. L’ARDA a également collaboré avec la Commission de l’Union Africaine pour fournir des rapports mettant en évidence les avantages sanitaires et socio-économiques de l’adoption de carburants plus propres et à faible teneur en soufre ainsi que les coûts de modernisation des raffineries africaines pour produire des carburants AFRI-6 (10 ppm de soufre). Enfin, dans le cadre du Dialogue Énergétique OPEP-Afrique, l’ARDA continue de travailler avec l’OPEP, la Commission de l’Union Africaine et l’Organisation des Producteurs de Pétrole Africains (APPO) sur le développement d’une industrie pétrolière et gazière intra-africaine robuste qui se concentre sur l’élimination de la pauvreté énergétique tout en équilibrant à la fois la sécurité énergétique et la transition énergétique.
Source: Energy Capital & Power