Pourquoi la BAD veut une agence africaine de notation de crédit

Les agences de notation de crédit n’évaluent pas correctement le risque africain, ne consultent pas suffisamment les parties prenantes et manquent d’indépendance et d’objectivité, affirme Akinwumi Adesina.

Akinwumi Adesina, président de la BAD (Banque africaine de développement), réitère sa proposition. Que l’Afrique dispose de sa propre agence de notation de crédit pour évaluer les risques sur le continent ; il estime que les grandes sociétés internationales de notation ont une perception inexacte du risque africain.

« L’Afrique n’est pas plus risquée qu’une autre partie du monde… La perception n’est pas la réalité. Au cours des cinq dernières années, nous avons attiré des investisseurs en Afrique et mobilisé plus de 180 milliards de dollars d’intérêts d’investissement… Cela montre que les opportunités sont illimitées », a déclaré le président de la BAD lors d’une réunion à Chatham House, à Londres.

L’Union africaine a annoncé son intention de lancer une agence africaine de notation de crédit d’ici la fin de l’année, après plusieurs années d’études de faisabilité et de déclarations.

Il rejoint dans son analyse les critiques qui accusent depuis longtemps les grandes agences internationales de notation de crédit de noter l’Afrique plus sévèrement que d’autres régions.

Selon Akinwumi Adesina, les agences de notation n’évaluent pas correctement le risque africain, ne consultent pas suffisamment les parties prenantes et manquent d’indépendance et d’objectivité. « Pour que l’Afrique puisse s’élever et briller au sein de la communauté mondiale des nations, nous devons accélérer la transformation structurelle et financer sa mise en œuvre. C’est la clé pour débloquer les opportunités de développement de l’Afrique. » Selon le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), les pays africains pourraient économiser jusqu’à 74,5 milliards de dollars si les notations de crédit étaient basées sur des évaluations moins subjectives.

Un rôle contesté

Akiwumi Adesina a fait référence à une étude réalisée en 2020 par Moody’s Analytics, qui a montré que l’Afrique présentait le risque de défaillance le plus faible en matière d’infrastructures parmi les principales régions. Il a cité ce rapport pour affirmer que l’Afrique est mal notée par les trois grandes agences de notation de crédit – Moody’s Investor Services, S&P et Fitch Ratings – qui dominent 80 % du marché international.

Il a également affirmé que les pays sont injustement notés sur la base d’événements survenus dans des régions totalement différentes du continent.

« Le président Ruto a dû payer 200 points de base de plus simplement parce qu’il y a eu un coup d’État au Niger. Il a dit à l’agence de notation que la dernière fois qu’il avait vérifié la carte du Kenya, le Niger n’y figurait pas », a lâché Akinwumi Adesina.

Des démarches sont en cours pour créer une institution africaine capable de rivaliser avec les acteurs internationaux dominants. Le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, une agence spécialisée de l’Union africaine, a annoncé son intention de lancer une agence africaine de notation de crédit d’ici la fin de l’année, après plusieurs années d’études de faisabilité et de déclarations.

Selon les analystes, cette structure pourrait s’inspirer de l’expérience des pays et des régions qui ont créé leurs propres agences de notation. L’expérience de la Chine – qui compte 52 agences de notation nationales, dont certaines évaluent même les pays africains – sera cruciale, selon Hannah Ryder, PDG de Development Reimagined.

L’agence de notation chinoise Dagong a relevé les notes du Botswana et du Nigeria, par exemple.

« Les notations de Dagong peuvent agir comme un sceau d’approbation, indiquant aux investisseurs publics que la Chine a encouragé ou a l’intention d’encourager les liens de coopération avec ces pays, facilitant ainsi le flux d’investissements entre la Chine et ces pays », commente Chunping Bush, maître de conférences à l’université d’Exeter, au Royaume-Uni.

D’autre part, Akinwumi Adesina, au cours de cette réunion londonienne, a réitéré son plaidoyer pour l’Afrique : « Un continent offrant d’énormes opportunités, doté d’une main-d’œuvre jeune, dynamique et vivante, d’un énorme potentiel en matière d’énergies renouvelables, d’une biodiversité abondante, d’une intégration régionale rapide et des solutions innovantes conçues pour libérer son vaste capital naturel. »

Le Magazine de l’Afrique

Author: admin