« L’Économie africaine 2021 » : un rebond attendu ?

Pour la deuxième année, l’Agence française de développement (AFD) publie ses prospectives concernant le continent africain où, malgré le Covid-19 et la crise économique mondiale, les indicateurs sont au vert. Et l’espoir de mise.

Et si, en pleine crise mondiale, l’Afrique nous surprenait encore ? Après tout, comme l’écrit Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, en introduction de L’Économie africaine 2021 (éditions La Découverte, collection Repères), ce continent « frappé d’une présomption de fragilité » a déjà fait « la preuve de sa résilience ».

C’est fort de ce postulat que l’AFD dévoile ses perspectives concernant l’économie africaine. En six chapitres, les chercheurs de l’AFD et les meilleurs spécialistes de l’Afrique passent au crible différentes thématiques et bousculent nombre d’idées reçues. Ainsi, malgré les disparités entre régions, plusieurs singularités économiques sont partagées par de nombreux pays, bien plus que sur les autres continents : foisonnement du petit entrepreneuriat, informalité massive du travail, explosion démographique de la jeunesse, importance du secteur agricole.

C’est justement cet ensemble de singularités qui permet aujourd’hui à l’Afrique, que de nombreux observateurs estimaient si « mal partie » à la fin du XXe siècle, d’entrevoir un avenir optimiste. Et ce, précisément à l’heure où la planète fait face à la plus grande crise sanitaire et économique que le monde moderne ait eu à subir.

Concernant le Covid-19, rien n’est encore joué. Mais les pays africains ont su résister à un choc sans précédent. Et même si la chute de l’activité économique du continent (-2,6 %) marque une rupture avec la croissance des années précédentes, elle est bien moins lourde que celle observée à l’échelle mondiale (-4,4 %).

Aujourd’hui, l’ère du Covid, et demain ? 

Les questions soulevées par les auteurs nous projettent vers l’avenir. Car les choix, à l’échelle des États et du continent, se font aujourd’hui et ils sont cruciaux. Pour développer le secteur privé, faut-il dépasser les seules réformes de l’environnement des affaires ? Comment répondre aux aspirations d’une population particulièrement jeune arrivant sur le marché du travail ? Alors qu’il est le premier pourvoyeur d’emplois dans la région, comment le secteur agricole en Afrique de l’Ouest doit-il se réinventer pour concilier deux objectifs fondamentaux : obtenir de meilleurs rendements et préserver la biodiversité et l’environnement ? Enfin, à l’heure où l’Eco succède au franc CFA, quel choix pour les régimes de change : vers plus ou moins de flexibilité, au risque de malmener la stabilité monétaire si prisée par les banques centrales ?

Le rôle de la jeunesse

Afin de balayer la première et probablement la plus prégnante des idées reçues – la pauvreté –, les auteurs rappellent qu’entre 2000 et 2018, le taux de croissance annuel moyen du produit intérieur brut (PIB) des pays d’Afrique a atteint près de 7,2 %.

Et ce qu’on appelle le « taux de pauvreté́ » (soit le fait de vivre avec moins de 1,90 dollar par jour), bien qu’encore élevé (37,9 % de la population), a diminué́ de plus de 9 points. De facto, la vision qu’ont nombre de grandes entreprises et d’investisseurs internationaux évolue. Pour beaucoup, l’Afrique est désormais envisagée comme une terre d’opportunités.

Et une terre qui ne manque pas de bras. C’est une autre des particularités de l’économie africaine : la jeunesse de sa population – et son nombre. Un seul chiffre à retenir : en 2070, un jeune sur deux dans le monde sera africain. Or, l’intégration de cette jeunesse sur le marché du travail est un défi d’ampleur : il faudra lui fournir beaucoup plus d’emplois qu’aujourd’hui. De surcroît, ces générations seront de plus en plus éduquées. Prenons par exemple la proportion de la population en âge d’aller au primaire : elle a crû de 59 % à 79 % ces dernières années – notamment grâce aux investissements réalisés dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) et de l’Éducation pour tous (EPT).

Vers une agriculture responsable ?

Une autre singularité de l’économie africaine réside dans la part prépondérante qu’y occupe l’agriculture. Nul autre continent n’emploie autant d’êtres humains dans ce secteur : 54 % en Afrique subsaharienne. Là encore, il serait tentant de croire que la croissance devrait passer par un basculement vers un monde de services et d’industrie. Or, plusieurs études démontrent le contraire, chiffres à l’appui : en substance, pour réduire la pauvreté, la croissance de l’agriculture serait trois fois plus efficace que la croissance de l’industrie.

Mais de nombreux obstacles tels que l’appauvrissement des sols, la tension sur le foncier disponible ou le changement climatique freinent, pour l’instant, le développement du secteur agricole. La solution telle qu’avancée et analysée par les experts réside dans une sorte de troisième voie, qui ferait la part belle à l’agriculture écologique. Qu’il s’agisse de permaculture, d’agriculture intelligente face au climat (AIC ou Climate smart agriculture) ou d’agroécologie, ces nouveaux modèles permettraient d’intensifier les rendements, tout en réduisant les impacts climatiques et environnementaux.

Les États amenés à jouer un plus grand rôle

Bientôt l’Eco, mais quid des autres monnaies ? Alors que de nombreux pays africains manifestent un désir de flexibiliser leur politique de change, à l’instar d’une tendance observée plus largement dans le monde, presque la moitié́ de ces pays africains continuent d’ancrer leur monnaie à une autre, ou à un panier de monnaies. Là encore, l’enjeu est crucial. Car la flexibilité est toujours un risque pour la stabilité monétaire ; et la stabilité, c’est la valeur cardinale des banques centrales. La solution passera – en partie – par une plus grande autonomie des États, mais également par une plus grande sophistication financière.

Plus largement, le rôle structurant de l’État ne pourra qu’être bénéfique dans les secteurs économiques et sociaux. Aujourd’hui, le manque fréquent de cadres réglementaires ou la mauvaise qualité des infrastructures (transports, énergie) sont un frein à l’entrepreneuriat local, mais aussi aux investissements étrangers. De plus, au niveau du continent, le souci d’une bonne gouvernance publique, couplé au respect du droit, ne pourra qu’apporter un cadre propice à l’essor de l’économie africaine en 2021 et au-delà.

(SOURCE :AFD)

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