Une conjoncture meilleure mais un financement coûteux

Le FMI évoque une reprise timide et coûteuse de l’Afrique subsaharienne, dont les pays peinent à trouver des financements à coûts abordables.

 

« Au terme de quatre années turbulentes, l’Afrique subsaharienne semble enfin se rétablir », juge le FMI. L’institution publie son rapport semestriel des perspectives économiques régionales, dont le titre « Une reprise timide et coûteuse », n’incite pourtant guère aux réjouissances.

Quelques signes indéniables de meilleure santé, toutefois : à la faveur de l’assouplissement des conditions financières mondiales, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Kenya ont émis des euro-obligations en début d’année, mettant ainsi un terme à une période de près de deux ans pendant laquelle la région n’avait plus accès aux marchés internationaux de capitaux. « Les ratios de dette publique se sont largement stabilisés, et l’on observe certains flux de capitaux amorcer un retour dans la région », commente le FMI.

« Les pays d’Afrique subsaharienne ont besoin de plus de soutien de la part de la communauté internationale, et les banques de développement multilatérales et régionales pourraient envisager d’avoir davantage de recours à l’effet de levier sur leurs bilans pour favoriser un avenir plus inclusif, durable et prospère. »

Dans l’ensemble, les perspectives s’améliorent progressivement et l’activité économique reprend modestement. La croissance va passer de 3,4 % en 2023 à 3,8 % en 2024, et près des deux tiers des pays s’attendent à une croissance en hausse. La reprise économique devrait se poursuivre au-delà de cette année ; la croissance devrait atteindre 4,0 % en 2025. En parallèle, le taux médian d’inflation a pratiquement été divisé par deux, de presque 10 % en novembre 2022 à environ 6 % en février 2024.

Toutefois, la situation de la région n’« est pas au beau fixe », et la pénurie de financements se poursuit. Les États sont encore en proie à des manques de financements, des coûts d’emprunt élevés et des risques de refinancement, dans un contexte où la mobilisation des recettes publiques nationales reste faible. Des remboursements d’ampleur se profilent cette année et la suivante, prévient le FMI. Ces difficultés de financement contraignent les pays à réduire certaines dépenses publiques essentielles et à réaffecter au service de la dette des fonds censés financer leur développement, ce qui met en péril les perspectives de croissance des générations futures.

La logique simple du FMI.
La logique simple du FMI, le 19 avril 2024.

 

La pénurie de financement tient en partie à la raréfaction des sources de financement traditionnelles de la région, en particulier l’Aide publique au développement. « Au cours des quatre prochaines années, les besoins de financement bruts extérieurs des pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne devraient dépasser les 70 milliards de dollars annuels. » Soit 6 % du PIB.

 

Une année critique

Les sources de financement concessionnel se raréfiant, les États se tournent vers d’autres solutions, « qui se caractérisent souvent par des coûts plus élevés, une plus grande opacité et des échéances plus courtes ».

Les coûts de l’emprunt, au niveau national comme au niveau international, se sont accrus et continuent d’être élevés pour beaucoup de pays. En 2023, les paiements d’intérêts par les États ont représenté 12 % des recettes publiques pour le pays médian d’Afrique subsaharienne, soit plus du double du niveau observé il y a dix ans ; le secteur privé n’est pas épargné par la hausse des taux d’intérêt.

Évoquant les risques, le FMI considère que l’année 2024 sera « critique » pour l’Afrique subsaharienne, où doivent se tenir 18 élections de portée nationale. Les chocs climatiques sont de plus en plus fréquents et étendus, notamment les sécheresses, dont la gravité a atteint des niveaux inédits. Dans le contexte actuel, marqué par des contraintes de financement et des chocs en cascade, la communauté internationale doit prêter plus activement assistance à la région.

Couverture Perspectives économiques avril 2024, FMI.Cela étant, les pays peuvent s’adapter à ces difficultés en agissant de manière prioritaire dans trois domaines. Premièrement, en améliorant la situation des finances publiques, par l’augmentation des recettes publiques. Lesquelles « demeurent la première ligne de défense dans un monde où l’emprunt coûte plus cher et où les possibilités de financement se réduisent ». Cependant, les pouvoirs publics doivent avant tout limiter le plus possible les répercussions négatives du rééquilibrage budgétaire sur les populations et leurs moyens de subsistance. Sachant qu’en matière de financement, subsiste « un besoin urgent de davantage de dons et prêts concessionnels ».

Deuxièmement, juge le Fonds, la politique monétaire devrait rester axée sur la stabilité des prix. À mesure que l’inflation marque le pas, de plus en plus de pays disposeront des marges de manœuvre nécessaires pour baisser les taux d’intérêt. « Une coordination accrue des politiques budgétaire, monétaire et de change est indispensable. »

Enfin et troisièmement, la mise en œuvre de réformes structurelles pourrait permettre de diversifier les sources de financement et l’économie, considère le FMI, qui encourage l’accélération de l’intégration commerciale et à l’amélioration du climat des affaires pour attirer davantage d’investissements étrangers.

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