Retrospective 2020: la Déesse de l’Inflation est-elle toujours vivante ?

 

Par : CISSE ABDOU CEO GROUPE CISCO²NSULTING-SOLVISEO 

La déesse de l’inflation est-elle toujours vivante ? Ses prêtres sont-ils encore actifs ?La politique monétaire post COVID en zone CFA peut-elle continuer à cibler l’inflation ? Inflation et croissance : variable (s) ou paramètre d’un modèle économique au sens occidental ? Entre les mesures et l’espace économique à mesurer, qui fait défaut ? Les experts du groupe CISCO²NSULTING-SOLVISEO libèrent le génie africain pour répondre à toutes ces questions.

 Bonne et heureuse année 2021. Une année bienvenue, où les enfants d’Afrique auront besoin d’une touche markovienne pour se projeter dans le temps, tenant compte d’une année 2020 marquée par l’implosion de la pensée économique occidentale dans toutes ses composantes dimensionnelles, à travers la sacrosainte Croissance et surtout l’Inflation inscrite au panthéon des politiques monétaires durant  près d’un demi-siècle. En respectant un temps d’arrêt à la revue de presse de l’année 2020, on peut se rendre compte que certains économistes occidentaux ont perdu leur boussole. On y entend tout et son contraire : «

  • On sait qu’on doit changer de modèle, mais on ne sait pas comment faire
  • Il faudra un modèle moins exposé aux risques de crises financières
  • La pandémie a bousculé les raisonnements économiques ; les lois macroéconomiques ne fonctionnent plus ; les règles de Taylor et courbe de Philippe ne se vérifient plus
  • La création monétaire massive ne crée plus d’inflation
  • L’inflation c’est la hausse des prix à la consommation
  • L’inflation c’est la hausse de la masse monétaire
  • Le journalisme économique est empêtré dans les conflits d’intérêt, à l’image de la guerre entre économistes orthodoxes et hétérodoxes
  • Les modèles que les néoclassiques utilisent pour comprendre et prédire les fluctuations économiques sont hors sujet, hors-sol et dans certains de ces modèles, les banques, la monnaie et la dette publique n’existent pas………. ».

Dans le jargon africain, cette longue liste complétée en annexe (*), serait interprétée comme le diable qui se dénie.

Les plus importantes banques centrales occidentales comme la Réserve Fédérale Américaine (FED) et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont clairement spécifié en 2020 que l’inflation ne constitue plus une cible pour leurs futures politiques monétaires.

 Modèle Economique

Toute la revue de presse 2020 (détaillée en annexe) se résume en une phrase déterminante : ‘On sait qu’on doit changer de modèle, mais on ne sait pas comment faire’. Les économistes occidentaux ont souvent bâti des modèles à partir de la croissance et de l’inflation. En référence à la science mathématique (reine des sciences, seule science enseignée identiquement depuis deux siècles), un modèle peut être conçu comme le reflet d’un ensemble d’hypothèses parmi lesquelles il est nécessaire de distinguer les variables des paramètres. Au sens mathématique du terme, la croissance est le reflet d’une mesure ; il en est de même pour l’inflation. Rappelons brièvement le modèle universel du calcul des probabilités. Avant de définir l’application Probabilité (une mesure positive bornée), il a fallu d’abord définir l’espace dans lequel s’applique la mesure de probabilité, appelé espace probabilisable (le couple défini par un ensemble E non vide et l’ensemble des parties de E) ; un modèle de Probabilité est défini par la donnée d’un espace mesurable et d’une mesure de Probabilité. Selon la même logique, un modèle de croissance doit être défini par un Espace Economique Mesurable et une Mesure de Croissance ;  identique pour un modèle d’inflation.

Un exemple simple : si vous présentez à un économiste de l’Occident un mètre ruban d’un couturier (qui fait en moyenne deux à  trois mètres de longueur) en lui demandant de mesurer la distance entre Paris et Turin, il précisera certainement que l’instrument de mesure (le mètre ruban) n’est pas conforme à l’espace qu’il doit mesurer. Et il aura parfaitement raison.

Avant 1971, la croissance et l’inflation avaient un sens car l’espace économique mesuré au sens de la croissance ou de l’inflation n’était pas gangréné par l’industrie financière. Entre 1971 et 2020, cette industrie financière, à la base du modèle anglo-saxon, a progressivement détruit l’espace économique qui n’est plus conforme à ces mesures. Comme illustration, depuis dix années l’occident ne connait ni croissance ni inflation, mais  le PIB mondial est de 90 000 milliards de dollars (ensemble des échanges commerciaux) alors que les échanges financiers représentent en moyenne  un million de milliards de dollars. Comment, l’environnement occidental en est arrivé à un effondrement de ses fondamentaux économiques? Comment expliquer la perte de repères de certains économistes occidentaux? Répondre à toutes ces questions nécessite d’étudier de près l’Industrie Financière par ses deux composantes (système financier, culture financière) et par ses impacts sur la conception du modèle économique occidental.

 

  • Système Financier  Un système financier se définit comme l’ensemble des institutions financières qui accompagnent l’économie. Juste après l’arrêt brutal des accords de Bretton Woods en 1971, les Etats Unis avaient compris qu’il leur fallait stratégiquement détenir en partie toutes les entreprises florissantes en Europe pour maintenir leur domination économique mondiale. Ils ont ainsi créé de toutes pièces la monnaie unique européenne (l’euro) et contribué à la transformation du concept de système financier vers l’ensemble des institutions financières dont la matière première est la dette. Les Européens continentaux ont adopté cette conception et le vieux continent est devenu une zone d’incertitude monétaire. Depuis la mise en place de la monnaie unique européenne, à l’exception de l’Allemagne, aucun pays de la zone n’a retrouvé une croissance réelle du revenu disponible de ses citoyens ; l’inflation a aussi emprunté le même chemin.
  • Culture financière

Il est important de marquer les différences de cultures financières entre les anglo-saxons (États-Unis, Angleterre) et les peuples de la zone euro (France et Allemagne).

Un salarié anglo-saxon qui gagne 100 unités monétaires par mois, peut consacrer 95 au paiement de ses dettes, car il dispose d’une cinquantaine de cartes de crédit en revolving lui permettant de vivre tranquillement sans se soucier de ses dettes ; et à la naissance de son enfant, il lui achète des actions d’entreprises et le prépare à la prise de risque ; sans oublier sa conception de la valeur de marché (la valeur de marché des actifs détenus restera toujours supérieure au total des crédits en portefeuille).

Un salarié de la zone euro s’endette au maximum à 33% de ses revenus (particulièrement en France), car le système bancaire refuse d’aller au-delà ; et à la naissance de son enfant, il lui ouvre un compte d’épargne et le prépare à la notion de garantie.

Donc historiquement, la culture financière anglo-saxonne est marquée par le risque et le crédit, alors que celle des pays de l’Europe continentale est marquée par l’épargne et la garantie ; seulement, à partir des années 1970, les classes moyennes européennes sont progressivement enchaînées par le crédit immobilier et le découvert. Depuis les années 2000, la mutation de la zone euro vers la culture financière anglo-saxonne s’accélère. Les dérives de la monnaie unique, les projets de normes Bale 2-3, Solvabilité 2, Normes comptables internationales (IFRS) et particulièrement le projet de réforme des retraites en France sont de réelles illustrations de cette réorientation culturelle financière. Les élites de l’Europe sont en train d’accepter progressivement ‘d’anglo-saxoniser’ leur peuple en leur demandant de sortir de leur culture d’épargne et de garantie pour migrer vers le risque financier et la culture du crédit. Les crises et les transitions qu’ils traversent continueront tant qu’ils achètent et vendent les mêmes produits financiers sur les mêmes marchés.

Qu’en est-il de notre culture financière en Afrique subsaharienne, où la plupart des travailleurs tirent leur revenu du secteur informelle ? A la naissance d’un enfant, les parents organisent un baptême, reçoivent de l’argent de leurs proches sous forme de solidarité et engendre des dépenses sans limite.  Notre culture financière, marquée par la solidarité et la dépense, est donc complètement différente de celle des européens (la France en particulier), alors que nous utilisons les mêmes véhicules financiers depuis les indépendances ; il est ainsi normal que nous soyons encore dans la situation économique que nous vivons.

 

  • L’Industrie Financière, arme de destruction massive de l’Espace Economique Occidental

Entre 1971 et les années 80, les pays anglo-saxons ont profité de la fin des accords de Bretton Woods pour instaurer progressivement l’industrie de la finance en zone euro, et surtout imposer le modèle néolibéral dans le monde des affaires. Ce travail a été réalisé par le biais de leur système financier et de leur culture financière. Avec la libéralisation des marchés financiers, le régime de change flexible adopté par certains pays a créé des incertitudes économiques que le monde des assurances classiques ne pouvait pas couvrir. Le monde financier commença ainsi à proposer des couvertures sur le risque de change, par des actifs dérivés qui sont exactement des contrats d’assurance échangés dans un univers où la tarification et le provisionnement ne sont contrôlés par aucune autorité compétente : l’univers des acteurs de l’industrie financière. Après des produits dérivés sur les obligations et les actions, la spéculation s’est enchainée ; le monde financier est passé aux produits dérivés sur des dérivés, aux dérivés sur la météo pour couvrir les stations de ski, aux dérivés sur la faillite des Etats (Grèce) et même aux dérivés sur le COVID-19 (Pandémie Bonds émis par la Banque Mondiale en juin 2017). Les banques commerciales ayant découvert que ce type d’activité spéculative sur les marchés était plus rentable que le financement des activités économiques réelles, ont fusionné leur activité traditionnelle (dépôt et crédit) avec l’activité de marché. Il s’en est suivi une forme d’occidentalisation des produits financiers comme les CDO, MBS et CDS (**) qui a rendu systémiques des banques comme le Crédit Agricole, la Société Générale, la BNP ou la Deutsche Bank.  Leurs pertes du volet spéculatif se compensent toujours avec l’activité de dépôt et crédit, raison de la demande récurrente de séparer les deux activités. La taille de bilan des grandes banques européennes avoisinant le produit intérieur brut d’un Etat, à l’exemple de la BNP et la France, le monde de la finance dispose aujourd’hui d’un pouvoir de chantage sur les gouvernements et domine la sphère politique et économique. Ce processus s’est accéléré et l’absence d’autorité de contrôle des opérations d’assurance dans la sphère financière a conduit à la crise de 2007-2008 avec la faillite de Lehmann Brothers.

Ainsi, sur les dix dernières années, l’Occident est passé d’une économie de marché à une économie virtuelle de marché administré par les banques centrales et les Etats. Et tout passe dans cette administration : dettes souveraines, dettes d’entreprises et même le cours des actions récemment. Le mécanisme est simple : chaque fois que les bourses s’orientent à la baisse, les acteurs des marchés financiers exécutent l’option de vente (Put gratuit pour les marchés) qu’ils détiennent de leur  contrepartie (les banques centrales). Ces derniers sont ainsi dans l’obligation d’injecter de la liquidité et de racheter des titres si cela ne suffit pas. Ceci rappelle l’époque où les taux longs japonais (10-30 ans) étaient tombés à 1% et que  les traders occidentaux, qui avaient misé sur une hausse future, s’étaient plantés pendant près d’une décennie, faute d’avoir compris que les taux japonais de l’époque n’étaient plus des taux de marché, mais des taux administrés par la Banque du Japon. Et c’est là où se situe le piège tendu par le modèle anglo-saxon à la zone euro ; en effet, les Fonds de retraite des contribuables américains étant intégralement investis en bourse, la FED ne laissera jamais ses cours de bourse baisser en continu au risque de faire exploser l’économie des Etats Unis. Or l’euro n’étant qu’une dérivée du dollar, toute injection de liquidités de la FED se traduit aussitôt par une injection de liquidités de la BCE. Ainsi, depuis la crise de 2008, les Etats Unis ont entraîné les pays de la zone euro dans le même sillage boursier et dans les mêmes mécanismes de politiques monétaires (2015) et budgétaires (2019). En rachetant les dettes des Etats comme un assureur qui règle des sinistres de marché, la BCE assure ainsi la solvabilité des banques et des Etats en créant un contexte financier qui fausse complètement la structure à terme des taux d’intérêt. Depuis la hausse du taux des années 2011 sous Jean-Claude Trichet, la croissance et l’inflation ont complètement disparu en zone euro ; pour rappel, le taux d’emprunt d’Etat portugais de maturité dix ans était autour de 16 % en 2011, de 1,5 % en 2017 et se retrouve négatif aujourd’hui. La zone euro se retrouve plongée dans un univers de dettes souveraines et de services de dettes qui n’inquiètent plus les Etats emprunteurs (taux d’emprunt d’Etat durablement nuls ou négatifs) ; un univers de hausse démesurée de la dépense des Etats européens qui détruit progressivement la croissance au sens du PIB. Depuis l’arrêt des accords de Breton Woods, la croissance et l’inflation s’effondrent progressivement en Occident ; à l’image de la FED, la BCE s’entête depuis la crise de 2008 à vouloir acheter de la croissance par la dette en ciblant un niveau d’inflation. Seulement, une mesure convenable de la croissance aujourd’hui nécessite une capacité de quantifier la productivité d’un smartphone ou celle d’un e-mail.

En résumé, l’Industrie Financière occidentale a créé un Espace Economique qui n’est plus conforme à une quantification de la croissance et de l’inflation. Le financier a pris le pas sur l’entreprenariat et le capitalisme est complètement détruit. Immergées dans l’industrie financière, les banques centrales occidentales à la fois en  mutation et en crise, assistent comme des acteurs économiques en pseudo-banque, à la fabrique des nouvelles monnaies à travers l’innovation financière (la monnaie c’est exactement du crédit rendu liquide). Ainsi, les notions de monnaie et d’émission de monnaie ont complètement changé ; la Banque des Règlements Internationaux (BRI), banque centrale des banques centrales, a même reconnu qu’elle avait sous-estimé la masse monétaire des marchés financiers (à voir dans le catalogue de la BRI sur les erreurs des banques centrales). Incapable de comprendre les rouages de l’industrie financière, les banques centrales sont sorties de leur rôle de pilotage des taux d’intérêt et de surveillance des banques commerciales, pour devenir des compagnies d’assurance et de réassurance des marchés financiers et des Etats. C’est cette industrie financière qui dépasse une bonne partie des économistes occidentaux et qui a contribué à casser leurs boussoles.

L’Occident doit se remettre en question et reconstruire ses bases financières et économiques conformément à ses réalités ; un pays comme la France doit sortir de la prison de ses économistes et journalistes économiques néoclassiques. Ces derniers doivent quitter le terrain de l’objectivisme pour revenir vers l’objectivité, sortir du comment pour retourner vers le pourquoi, distinguer mesure et calcul car la bijection entre les deux, souvent visible en physique, n’est pas évidente en économie. Ils doivent aussi aller à l’école de Galilée pour comprendre que personne ne sait ce qu’est le temps, et discourir de la nature du temps c’est perdre son temps ; ce qui est possible, c’est de  savoir s’il est variable ou paramètre d’un modèle économique. De Kepler à Galilée en passant par d’autres hommes que l’histoire retiendra, on apprend que la puissance de la science physique vient précisément de ce qu’elle a su limiter ses ambitions aux seules questions qui sont mathématisables. C’est ce travail que certains économistes occidentaux ont très mal fait et que d’autres qui ne l’ont toujours pas fait devraient faire. Ce travail doit être réalisé en prenant le chemin de l’école de Paul Dirac afin d’apprendre à ne  parler que pour dire des choses justifiées ; apprendre à comprendre que prédire ce n’est pas expliquer, que le peuple n’attend pas d’eux une prédiction de l’avenir mais plutôt l’explication de la situation économique actuelle et les moyens de l’améliorer. Avec des modélisateurs, des ingénieurs, des financiers et des météorologues, certains économistes néoclassiques ont participé à l’instrumentalisation, la récupération et le détournement de la science mathématique. Mais cette science est, et restera la reine des sciences qui s’applique correctement à la science physique et non à la biologie ; si elle doit s’appliquer à l’économie, ce sera certainement par le raisonnement et surtout la logique sur laquelle aucune concession ne peut être faite. En acceptant au 19ième siècle que Napoléon était un évènement qu’il ne pouvait pas prévoir, Ricardo interprétait juste un scénario de catastrophe économique ; l’année 2020 a révélé pire.  Si les économistes de l’Occident sont globalement en accord de devoir saisir l’essence des concepts économiques par l’essence des mathématiques, nos économistes du continent noir doivent prendre conscience des erreurs de leurs collègues pour réformer l’école de la pensée économie africaine. Une réforme qui passera certainement par le combat qui appelle tous nos confrères africains à quitter l’économie standardisée et linéarisée pour migrer vers une économie de la perception de l’espace de nos réalités.

 La politique monétaire post Covid en zone CFA peut-elle continuer à cibler l’inflation ?

La monnaie est au cœur d’un modèle économique ; elle constitue avec l’Etat (Nation) les deux faces d’une même pièce ; la preuve encore que l’Europe n’est ni Etat ni union d’Etats, que la Chine est un Etat-Continent, et que la zone CFA doit en tirer toutes les leçons pour se projeter dans le futur.

Cibler l’inflation en lieu et place de la croissance nominale, n’est-ce pas l’erreur monumentale de la zone euro qui l’a installée dans la déflation depuis 2015 et le fait converger vers un Japon bis (où le contexte économique est complètement différent suite au quasi-plein emploi) ?

Comme en 2020 l’Occident a avoué devoir changer de projet de société, notre conception des agrégats économiques héritée peut-elle perdurer ? Comme en 2020 il a été exposé clairement que l’Occident ne réfléchit plus par la cible Inflation, la politique monétaire post COVID en zone CFA peut-elle rester invariante ? En rappelant que depuis 2010 notre coopération avec la France impose à nos banquiers centraux d’Afrique subsaharienne de cibler l’inflation, j’en profite pour rappeler ma conception du mot que j’avais exposée dans un article en 2017 (***) : l’inflation est un phénomène monétaire. Un retour sur les évènements des 50 dernières années illustre très bien qu’elle a toujours pris sa source à la hausse de la masse monétaire et s’est traduite par le changement des prix relatif entre la monnaie et d’autres actifs ; cette hausse de la masse monétaire a toujours eu des effets sur les prix relatifs et non sur les prix absolus.

  • La grande inflation des années 70 était issue d’une hausse de la quantité de dollars qui avaient inondé l’Occident, suite à l’arrêt de sa convertibilité en or (fin des accords de Bretton Woods) ; à la perte de valeur de la monnaie impériale, les Etats Unis choisirent la solution par la rareté de l’or noir (guerre du Kippour 1973, embargo des pays arabes contre les pays occidentaux, envolée des prix du pétrole de 400%). Comme le pétrole ne pouvait s’acheter qu’avec la monnaie impériale, la hausse de son prix avait entraîné partout la hausse des prix à la consommation (tout en permettant au dollar de s’apprécier).
  • La deuxième vague d’inflation est arrivée sous Ben Bernanke (la bulle monétaire qui cachait les ratios d’endettement sur fonds propres des banques américaines émettrices des crédits ‘Subprime’) ; cette hausse de la masse monétaire avait entraîné une hausse de l’immobilier, suivie d’une hausse de valeurs boursières (prix des actifs financiers) qui s’était traduite par les crises financière et économique de 2008.
  • La troisième vague de l’inflation est en cours car en 2020, les assouplissements monétaires quantitatifs et les monétisations de la Covid-19 ont mis tous les clignotants au rouge ; la question est de savoir contre quoi les monnaies occidentales changeront leur prix relatif. Certainement les taux de change car l’euro et le dollar n’ont plus de fonction de devise face à la Chine et ses alliés asiatiques et pacifiques qui n’ont pas monétisé la Covid-19. Les monnaies occidentales risquent de chuter en taux de change et non en prix de détail de l’économie réelle.

Ainsi la hausse d’une masse monétaire ne se traduit pas toujours par la hausse des prix à la consommation et l’inflation relève d’une dimension multiple (domestique, importée, sous-jacente et l’inflation des mobilisations ou des biens à duration longue). Les injections de liquidité pour monétiser la Covid-19 se faisant en monnaie banque centrale (donc non circulante), n’impacteront certainement pas les prix à la consommation mais plutôt les actifs financiers, tant que les marchés et les Etats occidentaux seront sous couverture des banques centrales par le biais des taux bas et des rachats de dettes. Ces actions risquent de continuer jusqu’à la dépréciation des monnaies occidentales par rapport aux monnaies de la zone concurrente (Asie, Pacifique et Russie) ou leur écroulement. L’élément d’ajustement  est le taux de change  car si par malheur une zone tombe et qu’une autre rebondit alors le cours de la monnaie peut s’effondrer avec des effets d’inflation ; mais tant que les Etats Unis et l’Europe sont dans la même situation de galère monétaire, alors le risque est faible. C’est la raison pour laquelle l’Occident doit porter une attention à ce nouveau bloc concurrent dirigé par la Chine. Polémiquer autour d’une inflation disparue, qui ne reviendra plus, ou qui reviendra avec un cortège de problèmes, c’est simplement ne pas comprendre ce qu’est un modèle ; il fut un intervalle de temps dans l’histoire où la France avait près de 19% d’inflation des prix à la consommation au grand bonheur de ses enfants.

L’indice des prix à la consommation n’est pas un indice du coût de la vie, mais uniquement un indice de prix. Il ne reflète ni la réalité de ce que les peuples vivent au quotidien, ni l’évolution du pouvoir d’achat des ménages et quelle que soit l’espace économique en question. La lutte contre l’inflation des prix à la consommation, créée de toutes pièces par l’oligarchie financière occidentale pour protéger ses biens, n’est pas et ne doit pas être un sujet dans la zone CFA post Covid-19 ; notre vrai sujet c’est le coût de la vie.

 Conclusion

Les occidentaux acceptent la nécessité de repenser le rôle des banques centrales et de reconstruire un système financier ;  nos banquiers centraux africains peuvent en profiter pour changer d’orientation. Il est temps que la zone CFA s’écarte des croyances économiques religieuses des occidentaux pour revenir dans un espace économique réel et bâtir son propre modèle. Nous vivons dans un nouveau monde et l’économie financiarisée sur les cinquante dernières années a abouti en 2020 à une preuve que la zone franc CFA peut monétiser ses projets et accroître la dépense de ses Etats pour construire ses structures sans crainte d’une inflation des prix à la consommation et sans crainte d’une déstabilisation financière. Une monétisation intelligente (différente d’une planche à billets), basée sur la technique de circulation de la monnaie pour irriguer l’économie et non sur la quantité de monnaie. Nos banquiers centraux et nos Etats disposent de toutes les manettes pour régler les problèmes primaires de la zone CFA que sont la faim, la soif, l’hygiène, la protection sociale, l’éducation et les infrastructures. S’il existe dans ce monde une zone monétaire qui a réellement besoin d’une monétisation de ses projets, ce n’est pas la zone euro mais plutôt la zone CFA qui a toutes ses structures à construire. S’il existe dans ce monde une zone monétaire qui a réellement besoin d’une croissance de la dépense de ses États, ce n’est pas la zone euro mais plutôt la zone CFA dont la croissance au sens du PIB, supérieur à 5% en moyenne sur les six dernières années,  n’a jamais contribué au développement de nos structures. La politique monétaire pratiquée en Occident depuis 2015 n’est pas appropriée à l’espace économique en question. Par contre, en l’utilisant avec intelligence et conformité à nos réalités africaines, elle peut être appropriée à l’espace économique de la zone franc CFA.

La solidarité est au cœur de la culture financière africaine et la seule discipline qui l’intègre c’est l’assurance. Raison de plus pour axer nos systèmes sociaux et financiers autour de l’assurance qui doit constituer le principal vecteur d’orientation de nos futurs projets africains, par sa double capacité à rassembler pour partager et partager pour progresser. L’assurance est à la croisée d’éléments fondamentaux de notre environnement (l’économie, la finance, la protection sociale) et leur interaction nécessite une solidarité nationale ; cette solidarité donne naissance au principe de la mutualisation qui est au cœur de toute forme d’émergence. Il nous faut juste libérer le génie africain pour construire notre propre modèle économique.

Adja-Ewé, Aka, Bambara, Bamiléké, Bakongo, Bété, Fang, Fon, Haoussa, Malinké, Peulh, Sara, Sénoufo, Wolof, etc., tous gilets jaunes du renouveau africain.

ANNEXES :

(*) Suite de la revue de presse occidentale 2020 :

«     

  • Un monde sans croissance, c’est possible ; Nos problèmes relèvent de la mondialisation des chaines de valeurs
  • Le partage de la valeur ajoutée a été déformé au détriment des salariés
  • La bourse ne finance plus les entreprises
  • L’Occident n’a jamais eu autant besoin d’alternatives
  • Les économistes occidentaux ont plutôt besoin de science que d’opinion, plutôt besoin de réflexion que de prise de position
  • Le capitalisme se suicide, nous devons revoir en profondeur nos modèles ainsi que les indicateurs économiques pour qu’ils puissent répondre aux réalités de notre temps
  • L’économie étant une science sociale, il n’existe pas une seule vérité ; les économistes bidouilleurs ont un pied dans le système et un pied dehors
  • Les économistes veulent se donner un vernis de scientificité
  • Trop de variables entrent en jeu donc impossible de comprendre l’économie
  • Pour ne pas avoir à utiliser des mathématiques au-delà de leur niveau, ils s’en tiennent à des hypothèses restrictives, s’engagent parfois dans des raisonnements dictés par les conclusions qu’ils veulent atteindre en fonction de leurs objectifs politiques
  • Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit fou, soit un économiste…… ».

.

 

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