Le Conseil des ministres de l’UEMOA qui s’est tenu le 21 décembre 2023 a décidé le relèvement du capital social minimum des banques de 10 à 20 milliards de FCFA. Entre autres objectifs, il est question de renforcer la résilience du secteur bancaire. En réalité, le secteur financier présente des vulnérabilités certaines qui expliquent cette décision des autorités de l’Union monétaire.
C’est connu, les fonds propres détenus par les banques sont gage de protection contre les crises bancaires pour les déposants et pour la collectivité. Aussi le relèvement du capital social minimum des banques de 10 milliards de FCFA depuis 2008 à 20 milliards de FCFA, décidé le 21 décembre 2023 par le Conseil des ministres de l’UEMOA, vise-t-il l’accroissement des fonds propres des banques de l’Union. Le tout dans l’optique de minimiser le risque systémique.
Certes le système bancaire de l’UMOA affiche un visage relativement résilient aux chocs de croissance économique et d’inflation. Cependant, une fois gratté le vernis, il apparaît un degré élevé de concentration de crédit et une insuffisance de liquidité des banques qui constituent les principaux risques du système financier de l’Union. C’est du moins ce que révèle le Programme d’évaluation du secteur financier (FSAP –Financial assessment program) de l’UMOA, mis en place il y a peu, par le FMI.
3 types de risques ont été analysés au moyen de ces tests de résilience (stress tests) dans le programme du FMI: le risque de crédit; le risque de concentration ; et le risque de taux d’intérêt.
Pour le premier, les résultats des tests ont montré «un effet significatif de la détérioration des conditions économiques sur la rentabilité du système bancaire et son ratio de capital moyen».
En outre, l’étude a identifié 20 banques «fragiles» et une trentaine de banques «vulnérables». De plus, un peu moins de 20 banques parmi les 100 incluses dans le stress test, sont déjà en dessous des seuils réglementaires de fonds propres dans les conditions les plus favorables.
Par ailleurs, les résultats du stress test de solvabilité ont indiqué que les capitaux nécessaires pour recapitaliser le système bancaire afin de respecter l’exigence minimale de fonds propres après un choc sont modérés, allant de l’ordre de 0,5 et 1,2% du PIB régional.
L’étude intitulée “Note technique sur les stress tests, la concentration du crédit et les risques de taux d’intérêt” et publiée le 25 août 2022, constate également que les besoins éventuels de recapitalisation sont similaires d’un pays à l’autre – entre 0,5 et 1% du PIB régional, sauf pour la Guinée-Bissau et le Togo, pour lesquels les coûts sont plus proches de 3% du PIB national, en raison de vulnérabilités spécifiques et de la taille relativement plus importante du secteur bancaire de ces deux pays.
Pour le deuxième risque, il s’avère que le secteur bancaire de l’UMOA est surtout confronté au risque de crédit, amplifié par la concentration du crédit (donc concentration du risque). Plus d’un tiers des banques de l’Union dépassent le ratio de couverture de 55% des fonds propres de leur plus grande exposition, tandis que deux tiers d’entre elles sont en dessous de 25% en couverture des fonds propres.
Dans la même veine, plus de 75% des banques ont des réserves de fonds propres «insuffisantes» pour faire face à leur exposition la plus importante.
En revanche, le capital nécessaire pour couvrir le risque de concentration reste «modéré» au niveau régional mais demeure important pour quelques pays. Ainsi, les besoins de recapitalisation vont de 1,5% du PIB national pour l’économie la plus importante et la plus diversifiée de l’UEMOA (la Côte d’Ivoire) à environ 7% pour le Sénégal et le Togo (les secteurs bancaires les plus importants en termes de PIB national).
Quant au troisième risque qui porte sur les taux d’intérêt, on note qu’il est modélisé par l’impact de l’inflation sur la rentabilité des banques dans différents scénarios. Pour rappel, le risque de taux d’intérêt est la probabilité que le capital (et les investissements) perdent de la valeur en raison de changements des taux d’intérêt. Ainsi, il est ressorti que le montant des fonds propres nécessaires aux banques pour satisfaire aux exigences minimales de fonds propres à la suite d’un choc inflationniste est modéré (de l’ordre de 0,6 à 1,5% du PIB régional). De même, sur le marché des capitaux, le risque est non négligeable pour les investisseurs détenant notamment des obligations.
De quoi pousser le conseil des ministres à serrer la vis.
Couteau à double tranchant
Les banques sous capitalisées sont donc une menace pour les déposants et pour la stabilité du système financier et de l’économie. Mais comme tout médicament qui comporte des effets secondaires, le relèvement du capital social des banques est susceptible d’impacter négativement le rendement des actionnaires mais aussi surenchérir le loyer de l’argent pour les emprunteurs.
Tout est dans la manière dont les banques mettront en œuvre cette décision. En considérant qu’un peu moins de 20 banques parmi les 100 incluses dans le stress test, sont déjà en dessous des seuils réglementaires de fonds propres dans les conditions les plus favorables, il faut espérer qu’elles ont suffisamment de réserves pour procéder à une augmentation de capital par incorporation. De ce fait, les actionnaires n’auront pas à mettre la main à la poche.
A contrario, les actionnaires devront alors casquer ou à tout le moins rechercher une fusion.
Quelque soit le cas de figure, le risque d’éviction des petites par les grandes banques est réel. Toujours est-il qu’une augmentation de capital en numéraire poussera probablement certaines banques à réviser à la hausse leurs tarifs pour dégager plus de bénéfices et conserver le rendement de leurs actions. C’est ça le capitalisme.
En conséquence, si les règles de prudence fixées par les régulateurs notamment le ratio de solvabilité des banques, sont fonction du niveau des fonds propres de chaque banque, ce sont les banques «fragiles» qui devraient être l’objet des préoccupations. De manière générale, les banques devraient également avoir à cœur de diversifier leurs portefeuilles d’investissements et de crédits.
Malick Ndao
1 thought on “Relèvement du capital social des banques de L’UEMOA : Des «cafards» sous le vernis”
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