L’Europe doit tenir compte des agriculteurs africains

Par: Abraham Baffoe 

La réglementation qui garantit que les pays de l’Union européenne n’importent pas de produits directement liés à la déforestation est la bienvenue, mais elle présente des risques pour les producteurs africains.

 

Dans les salles de conseil d’administration et les conférences des entreprises en Europe, ainsi que dans les salles communales et les bureaux gouvernementaux en Afrique, les normes un sujet brûlant. Pourquoi ? Le règlement de l’Union européenne sur les produits sans déforestation (EUDR), adopté par le Parlement européen et le Conseil en avril et mai de cette année, signifie que les grandes entreprises devront s’y conformer d’ici à décembre 2024.

“Les gouvernements de l’UE doivent reconnaître et développer les efforts déjà entrepris par les agriculteurs à travers l’Afrique, tels que les systèmes agroforestiers de cacao en Afrique centrale.”

Il faut se féliciter d’une réglementation qui vise à garantir que l’Union européenne n’importe plus de produits de base directement liés à la déforestation. C’est l’occasion de s’assurer que nous jouons tous un rôle dans l’arrêt et l’inversion de la déforestation dans les paysages de production partout dans le monde.

Nous devons reconnaître le rôle que joue le développement des matières premières agricoles en tant que moteur de la déforestation, et l’impact que cela a sur le climat régional et mondial, ainsi que sur les personnes et les communautés qui vivent dans les forêts et en dépendent.

Cependant, les produits agricoles couverts par le règlement (bétail, cacao, café, huile de palme, soja, bois, caoutchouc, charbon de bois et produits en papier imprimé) sont également des moteurs économiques essentiels pour de nombreux pays africains, où l’agriculture représente jusqu’à 25 % du PIB et parfois 60 % de l’emploi.

Le cacao, par exemple, n’est pas seulement une source essentielle de revenus, il crée des emplois et contribue à la réduction de la pauvreté dans les régions rurales. L’impact économique va plus loin, car la production de cacao contribue de manière significative à la croissance globale et aux recettes d’exportation de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. En outre, le marché de l’Union européenne représente l’un des marchés les plus importants et les plus lucratifs pour les produits du cacao.

Avec l’augmentation de la population africaine, la pression sur les systèmes alimentaires s’accroît, de même que la nécessité d’augmenter la production pour l’exportation et le développement économique. La protection des ressources naturelles du continent, des forêts, de l’eau et de la biodiversité, sera essentielle pour atténuer les pires effets du changement climatique sur un continent déjà vulnérable.

D’importants défis de productivité

Lors des dialogues au Cameroun et en République du Congo, Proforest, ainsi que le WWF et la Tropical Forest Alliance, ont entendu les producteurs parler de certains des autres défis qu’ils prévoient pour la mise en œuvre de l’EUDR sur le terrain.

Les défis administratifs et juridiques, notamment la planification de l’utilisation durable des terres, nécessiteront l’harmonisation des réglementations et des cadres juridiques relatifs à l’attribution et à l’utilisation des terres. Il est nécessaire d’accélérer les réformes dans des domaines tels que le droit foncier et la sylviculture afin de garantir un environnement plus propice aux pratiques durables.

Les défis en matière de productivité sont particulièrement importants dans la production de cacao et de café, et touchent principalement les petits producteurs. L’amélioration de la productivité par hectare devient cruciale pour répondre aux demandes du marché tout en respectant les exigences de durabilité.

 

L’insuffisance des ressources financières, matérielles et humaines entrave également la mise en œuvre des protocoles de durabilité. Les coûts associés à l’adoption et au respect des mesures de durabilité constituent un fardeau, en particulier pour les petits producteurs qui ne disposent pas des ressources nécessaires.

Le règlement peut servir à nettoyer certaines chaînes d’approvisionnement européennes de produits agroalimentaires, tout en détournant les produits associés à la déforestation vers d’autres marchés d’exportation. La lutte contre les fuites dues à la déforestation nécessite une approche globale qui tienne compte de l’interconnexion des chaînes d’approvisionnement et de l’impact mondial des décisions prises par le marché.

Le manque de synergie entre les différents organes administratifs impliqués dans la production de matières premières et les initiatives nécessitera une coordination et une collaboration entre ces organes afin de rationaliser les efforts et de garantir une mise en œuvre efficace des pratiques durables.

Nous devons travailler ensemble pour nous mettre d’accord sur un objectif commun. Nous devons adopter une approche collective, car aucune partie prenante ne détient à elle seule la solution pour lutter contre la déforestation dans les chaînes d’approvisionnement en produits de base.

Simplifier les procédures

Des plateformes multipartites bien établies, telles que l’Initiative pour des produits de base durables en Afrique, un engagement de dix pays d’Afrique occidentale et centrale en faveur d’une production responsable, peuvent offrir un espace de collaboration et de discussion, ainsi qu’un canal d’action et d’investissement.

Avec l’EUDR, les gouvernements de l’UE doivent reconnaître et développer les efforts déjà entrepris par les agriculteurs à travers l’Afrique, tels que les systèmes agroforestiers de cacao en Afrique centrale. Les entreprises doivent également rechercher des possibilités de collaboration avec les communautés et les organisations des pays producteurs afin de renforcer les capacités en matière de pratiques agricoles durables, d’amélioration de la qualité et de respect des normes internationales.

La simplification de la procédure de diligence raisonnable est un autre moyen de réduire la complexité et de fournir des lignes directrices claires afin que les acheteurs puissent plus facilement évaluer et atténuer le risque de déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnement, tout en reconnaissant et en récompensant les producteurs qui font preuve d’un engagement en faveur de la durabilité.

Si l’EUDR ne fonctionne pas pour l’agriculteur africain, il ne fonctionne pour aucun d’entre nous.

Abraham Baffoe est le directeur mondial et africain de Proforest.

Source: Le Magazine de l’Afrique

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