Bien appliquée et combinée à des réformes permettant d’améliorer le climat des affaires, la Zone de libre-échange africaine pourrait augmenter le flux de marchandises de 53% en Afrique, calcule le FMI.
La ZLECAf (Zone de libre-échange continentale africaine) offre à ses membres l’occasion de tirer parti de l’expansion des échanges commerciaux pour stimuler la croissance et relever les niveaux de vie sur l’ensemble du continent. Tel est la conclusion d’une étude du FMI (Fonds monétaire international) qui examine les perspectives d’intégration commerciale en Afrique dans le contexte d’un monde en mutation, marqué par le changement climatique, les risques de fragmentation géopolitique, le progrès technologique et l’essor démographique.
La ZLECAf, c’est 1,3 milliard d’habitants, avec un PIB combiné de 3 000 milliards de dollars en 2022.
Analysant plusieurs scénarios, cette étude examine les politiques à mettre en œuvre pour assurer le succès de l’entreprise, lesquelles, associées à des réformes complémentaires, permettraient de maximiser les gains potentiels d’une intégration renforcée des échanges en Afrique.
Le commerce transfrontalier a connu une croissance relativement modeste en Afrique au cours des dernières décennies, avec une croissance limitée du commerce des marchandises et une part du commerce des services dans le PIB restant inchangée.
Les tendances actuelles du commerce international, notamment la nature plus diversifiée des échanges intra-africains, laissent entrevoir les gains significatifs pour le commerce africain qu’apporteraient la constitution de chaînes de valeur régionales, l’unification du paysage des politiques commerciales et le renforcement du cadre des échanges.
La mise en œuvre de la ZLECAf entraînera d’importantes réductions des barrières tarifaires et non tarifaires entre les pays africains. Selon un scénario médian, ces réductions pourraient accroître de 15 % le flux des échanges de marchandises entre les pays africains et de 1,25 % le PIB réel par habitant.
Si la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires s’accompagne d’une amélioration notable du climat des affaires, les gains pour les pays seraient nettement plus élevés, fait observer le FMI.
Entre incertitudes et opportunités
Des réformes globales conjuguées à la mise en œuvre de la ZLECAf pourraient augmenter le flux des échanges de marchandises de 53 % entre les pays africains et de 15 % avec le reste du monde, et de ce fait augmenter le PIB réel par habitant du pays africain de plus de 10 %.
Ce résultat fait écho aux conclusions des travaux publiés selon lesquelles les réformes commerciales pourraient contribuer à réduire de 30 à 50 millions de personnes supplémentaires la prévalence de l’extrême pauvreté sur le continent.
L’établissement de la ZLECAf intervient à un moment où l’évolution de l’environnement mondial présente à la fois des opportunités et des difficultés pour l’Afrique. Une intégration plus poussée des échanges peut aider le continent à tirer parti des possibilités offertes par les évolutions technologiques et les tendances démographiques et à renforcer sa résilience face à des chocs comme le changement climatique et la fragmentation géopolitique.
En particulier, une plus grande ouverture aux échanges aiderait les pays à s’adapter au changement climatique et à renforcer la sécurité alimentaire, notamment en améliorant la disponibilité et l’accessibilité des denrées alimentaires. La diversification et l’expansion des échanges pourraient atténuer les effets des perturbations sur des marchés et produits spécifiques qui peuvent résulter des changements dans la structure du commerce mondial. C’est principalement au moyen du commerce international que l’émergence de nouvelles technologies et la numérisation, conjuguées à une main-d’œuvre en croissance rapide, pourraient créer des emplois nouveaux et mieux rémunérés.
« Pour saisir ces opportunités, il faudra investir dans le capital physique et humain, créer un cadre robuste sur le plan macroéconomique et du climat des affaires propice à une croissance tirée par le secteur privé, et moderniser le dispositif de protection sociale afin de soutenir les plus vulnérables pendant la période de transition qui placera le continent sur une trajectoire de croissance plus élevée », juge le FMI.
Si les pays africains vont de l’avant, la composition des échanges changerait également pour inclure des produits plus sophistiqués. Cela favoriserait l’intégration dans les chaînes de valeur régionales et mondiales, ouvrant des possibilités de diversification des secteurs et d’expansion des industries manufacturières. L’amélioration de l’environnement commercial stimulerait les exportations de services d’environ 50 %.
De plus, le renforcement du rôle du commerce en Afrique permettrait aux pays de saisir les opportunités offertes à l’Afrique par l’augmentation de la population en âge de travailler sur le continent, dans le contexte des progrès technologiques en cours, afin d’augmenter les revenus et le niveau de vie de tous.
Un progrès partagé par tous
L’amélioration de l’environnement commercial offrirait également des avantages en matière de diversification, de disponibilité et d’accessibilité des denrées alimentaires, de résistance aux chocs tels que les catastrophes naturelles, y compris celles dues au changement climatique, et de capacité à naviguer et à s’adapter aux dislocations ou aux changements dans les structures du commerce mondial.
Outre les politiques qui facilitent directement l’expansion du commerce, des politiques complémentaires sont nécessaires pour garantir que les gains de l’intégration commerciale puissent être maintenus et que les avantages soient partagés aussi largement que possible par la population, reconnaît le FMI.
Pour que la main-d’œuvre croissante puisse profiter des opportunités offertes par l’intégration commerciale, il sera important d’investir dans son éducation et ses compétences. Pour protéger ceux qui sont affectés par la transition, il faudra améliorer les filets de Sécurité sociale afin de pouvoir cibler efficacement les plus vulnérables d’une manière durable sur le plan budgétaire. Plus généralement, pour que les réformes globales soient durables et génèrent les plus grands bénéfices possibles en termes de création de revenus et d’emplois, elles doivent s’inscrire dans des cadres politiques et institutionnels qui préservent la stabilité macroéconomique et promeuvent un environnement favorable aux entreprises.
Enfin, comme partout ailleurs, le changement climatique entraîne des défis et des risques sans précédent pour l’Afrique. Le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes qui l’accompagnent pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales, créer des pénuries, endommager les infrastructures et faire grimper les prix.
Le changement climatique pourrait également affecter les coûts de transport à l’avenir en raison de la tarification du carbone ou de l’utilisation de carburants plus coûteux. À moyen terme, les politiques d’atténuation du changement climatique pourraient faire baisser la demande de combustibles fossiles et affecter les perspectives des pays qui dépendent fortement des exportations d’hydrocarbures.
Dans ce contexte, l’intégration commerciale régionale en Afrique peut constituer un élément important d’une stratégie d’adaptation au climat. Par exemple, en soutenant la diversification et la croissance, l’intégration commerciale régionale pourrait renforcer la résilience des pays en réduisant leur dépendance excessive à l’égard de secteurs qui risquent de plus en plus d’être touchés par des catastrophes naturelles liées au changement climatique.
En outre, en facilitant la circulation des marchandises à travers les frontières, l’intégration commerciale régionale aiderait les pays à diversifier les sources de produits vulnérables au climat. Enfin, l’intégration commerciale régionale pourrait ouvrir des possibilités d’accroissement du commerce régional lié aux infrastructures, aux services et à la finance en rapport avec le climat.
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