Une grande pénurie de financement

Le FMI détaille les raisons structurelles et conjoncturelles, pour lesquelles l’Afrique subsaharienne est en panne de financements. Le continent est loin d’être sans recours, juge toutefois l’institution, qui dégage quatre pistes de sortie de crise.

L’Afrique subsaharienne fait face à « une grande pénurie de financement » consécutive au tarissement de l’Aide au développement et à l’accès de plus en plus restreint aux financements privés. Tel est le constat du FMI (Fonds monétaire international) dans ses Perspectives économiques régionales, publiées ce 14 avril 2023.

Dans ce contexte, la croissance économique de la région devrait glisser à 3,6 % cette année, marquant une deuxième année de ralentissement de croissance, après le rebond de 2021. La croissance pourrait repartir à 4,2% en 2024.

« Les pays africains doivent veiller à ce que les nécessaires mesures de financement de l’action climatique ne soient pas prises au détriment des besoins élémentaires comme la santé et l’éducation. »

Cette année, « la croissance dans la région varie d’un pays à l’autre », commente Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du FMI. Selon qui certains pays, en particulier ceux de la Communauté d’Afrique de l’Est et les pays riches en ressources non pétrolières, devraient mieux s’en sortir que d’autres. Tandis que certains des pays les plus importants d’Afrique sur le plan économique tirent le taux de croissance moyen de la région vers le bas : c’est le cas de l’Afrique du Sud, où la croissance devrait fortement ralentir pour s’établir à seulement 0,1 % en 2023.

La dette publique et l’inflation sont à des niveaux jamais vus depuis des décennies ; la moitié des pays de la région sont en proie à une inflation supérieure à 10 %, qui réduit le pouvoir d’achat des ménages et frappe de plein fouet les couches les plus fragiles de la population.

Le resserrement rapide de la politique monétaire au niveau mondial a fait augmenter les coûts d’emprunt des pays africains sur les marchés intérieurs comme sur les marchés internationaux. L’ensemble des pays préémergents d’Afrique subsaharienne sont privés d’accès aux marchés financiers depuis le printemps 2022. L’année dernière, le taux de change effectif du dollar a affiché un niveau jamais atteint en vingt ans, ce qui a eu pour effet de renchérir le remboursement des dettes libellées dans cette monnaie. Au cours de la décennie écoulée, le ratio des paiements d’intérêts sur les recettes publiques a doublé, en moyenne, dans la région.

Des conditions d’emprunt restreintes

Cette évolution, conjuguée à la réduction des budgets d’aide au développement et des entrées de capitaux en provenance des partenaires de la région, entraîne une grande pénurie de financement.

« Les habitants d’Afrique subsaharienne ressentent les effets de la crise de financement. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le coût de la vie a augmenté, l’emprunt est devenu plus onéreux et l’accès à des financements à des conditions abordables s’est restreint », résume Abebe Aemro Selassie.

Les spreads (écarts de taux) sur les obligations souveraines émises par les pays d’Afrique subsaharienne ont grimpé en flèche et sont désormais trois fois plus élevés que dans la moyenne des pays émergents depuis le début du cycle mondial de durcissement des politiques monétaires. En 2022, la hausse des taux d’intérêt sur les bons du Trésor américain et le repli sur les actifs sûrs dans un contexte d’incertitude mondiale ont poussé le taux de change effectif du dollar américain à son plus haut niveau en vingt ans, ce qui a eu pour effet de renchérir la dette libellée en dollars et les paiements d’intérêts libellés en dollars. La conjugaison de ces facteurs a alourdi les coûts d’emprunt extérieur des pays de la région.

Résultat, les coûts d’emprunt ont considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, au point que la part des paiements d’intérêts dans les recettes a doublé pendant cette période. À un niveau de 11 % des recettes hors dons en 2022, les paiements d’intérêts dans le pays médian d’Afrique subsaharienne sont à peu près trois fois plus élevés que chez les pays avancés.

Parmi les changements structurels à l’origine de cette augmentation des coûts d’emprunt, figure la baisse des budgets d’aide en faveur des pays de la région, qui a conduit certains d’entre eux à se tourner vers les marchés financiers, plus coûteux. En outre, du fait de l’approfondissement des marchés financiers intérieurs et de l’intégration accrue des pays au sein des marchés internationaux de la dette, il est devenu plus facile pour le secteur privé de souscrire des emprunts à des conditions non concessionnelles. Enfin, les flux de capitaux en provenance de Chine, qui ont un temps représenté une source de financement considérable, ont nettement marqué le pas ces dernières années.

Quatre « recours » possibles

Voici aussi pourquoi le ratio dette publique sur PIB de l’Afrique subsaharienne s’élevait à 56 % en 2022, un niveau jamais vu depuis le début des années 2000.

« Faute de mesures appropriées, cette pénurie de financement entravera les initiatives déployées par les dirigeants de la région pour favoriser l’émergence d’une population instruite et qualifiée et devenir la force motrice de l’économie mondiale dans les années à venir », prévient l’économiste du FMI.

Toutefois, l’Afrique subsaharienne est loin d’être sans recours, juge l’organisme qui distingue quatre pistes prioritaires pour remédier aux déséquilibres financiers et macroéconomiques dont souffre la région :

Premièrement, il importe de renforcer la gestion des finances publiques et de rééquilibrer les budgets, sur fond de durcissement des conditions financières. Pour ce faire, les autorités devront poursuivre l’augmentation des recettes publiques, améliorer la gestion des risques budgétaires et faire preuve de plus de volontarisme dans la gestion de l’endettement. « Certains pays nécessitent une restructuration ou un rééchelonnement de leur dette », reconnaît le FMI.

Deuxièmement, il est nécessaire de juguler l’inflation. Les autorités monétaires devront s’« armer de prudence » tant que l’inflation n’aura pas emprunté une trajectoire clairement descendante et qu’elle ne se sera pas rapprochée de la fourchette visée par les banques centrales.

Troisièmement, il convient de laisser les taux de change s’ajuster, tout en atténuant les effets économiques néfastes des dépréciations, comme l’accélération de l’inflation et la hausse de l’endettement.

Enfin, quatrièmement, « les pays africains doivent veiller à ce que les nécessaires mesures de financement de l’action climatique ne soient pas prises au détriment des besoins élémentaires comme la santé et l’éducation. Le financement de l’action climatique par la communauté internationale doit venir s’ajouter aux montants d’aide actuels », conclut le FMI.

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