Serge Ekue, Président de la BOAD
L’agence de notation se montre sereine à l’égard de la Banque ouest-africaine de développement. La levée des sanctions contre le Mali et le Burkina Faso atténue considérablement les risques, tandis que le soutien des actionnaires ne se dément pas.
Le 18 mars 2022, Moody’s avait décidé de mettre la BOAD (Banque ouest-africaine de développement) sous surveillance, en vue d’un éventuel déclassement de sa note. Finalement, l’agence de notation a maintenu son rating à « Baa1 », assorti d’un avis de « perspectives stables ».
Les experts s’inquiétaient d’un éventuel affaiblissement de la qualité des actifs de la banque, suite aux sanctions prolongées contre le Mali et à un environnement opérationnel de plus en plus difficile dans certaines parties de la région d’opération. À l’inverse, ils voulaient juger de l’efficacité d’une réponse politique potentielle de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) pour soutenir la position du capital de la BOAD.
Bien que Moody’s continue de juger que la situation politique au Mali et plus largement au Sahel reste « très risquée », l’agence juge que le risque d’une détérioration sévère de la qualité des actifs a été considérablement réduit. Le gouvernement malien a retrouvé l’accès à son compte de trésorerie, ouvrant ainsi la voie à un nouvel accès aux marchés de capitaux régionaux, à la reprise des remboursements de la dette et à l’apurement des arriérés.
Ceci fait suite à la décision de la CEDEAO, le 3 juillet, de lever les sanctions financières et économiques imposées au Mali depuis le début de l’année ainsi qu’au Burkina Faso depuis la fin du mois de mars. « En outre, l’ensemble des initiatives lancées par la banque en vue de renforcer son profil de crédit, une fois réalisées, atténuent les risques de baisse », commentent les analystes.
Retour à la normale pour le Mali
La perspective stable reflète « des risques équilibrés » pour les 12 à 18 prochains mois. La cristallisation potentielle de nouveaux chocs émanant de la région du Sahel, ou les conséquences des expositions élevées à la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires dans certains pays membres de l’UEMOA, pourraient affecter la performance des actifs de la BOAD et entraîner des pertes. Mali et au Burkina Faso représentait 23,7 % du portefeuille de prêts de la BOAD à la fin de 2021.
Les sanctions, qui empêchaient notamment le gouvernement malien d’accéder à son compte de trésorerie et d’effectuer tout paiement transfrontalier, ont conduit le gouvernement à faire défaut sur ses instruments de dette émis sur le marché régional des capitaux et à accumuler des arriérés envers toutes les banques multilatérales de développement, y compris la BOAD. Au cours du premier semestre, le stock d’arriérés envers la BOAD a atteint près de 26,5 milliards de F.CFA (42 millions d’euros) entre les prêts directs au gouvernement et la dette malienne détenue par la banque. Moody’s s’attend à ce que le Mali puisse commencer à apurer ces arriérés relativement rapidement dès qu’il aura retrouvé son accès au marché régional des capitaux.
C’est pourquoi le Mali devrait respecter ses obligations de paiement envers la BOAD dans un avenir prévisible. « Néanmoins, la situation dans la région du Sahel reste une source de chocs potentiellement importants pour la banque ainsi que les effets de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires sur les pays membres de l’UEMOA », préviennent les experts.
« Contre ces risques, la banque met en œuvre plusieurs initiatives pour fortifier son profil de crédit », poursuit Moody’s qui fait allusion à l’augmentation de capital et l’arrivée de nouveaux actionnaires.
Solidité affirmée
En effet, la structure de capital permettra de mieux atténuer les futurs chocs importants. La situation du capital de la BOAD bénéficiera d’une augmentation de 897 millions de dollars, dont 651 millions seront versés au cours des cinq prochaines années dans le cadre de l’augmentation générale du capital. Laquelle devrait être officiellement adoptée par les actionnaires de la BOAD, en septembre 2022. La banque s’attend à ce que les premiers versements de capital libéré commencent au quatrième trimestre de 2022, avec potentiellement certains actionnaires acceptant d’accélérer leurs versements. « L’arrivée prévue de nouveaux actionnaires non régionaux avec une qualité de crédit très élevée soutiendra également la qualité du capital exigible. »
La position en capital de la BOAD bénéficiera également de deux injections de liquidités.
Enfin, la BOAD devrait éviter l’érosion de sa solidité financière intrinsèque à la suite de chocs récurrents, et la banque mettra en œuvre avec succès son plan stratégique Djoliba 2021-2025. De même, elle devrait élargir son portefeuille pour soutenir les membres sans compromettre la qualité des actifs.
Moody’s s’attend également à ce que la BOAD mette en œuvre certaines des initiatives visant à fortifier son profil de crédit, à la faveur de son augmentation de capital. Enfin, Moody’s s’attend également à ce que la liquidité de la banque reste robuste, la BOAD s’appuyant de plus en plus sur les marchés internationaux pour financer ses opérations.
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