- INTRODUCTION
L’année 2019 a été marquée par une croissance de l’économie mondiale estimée à 2,8% par le FMI. Elle a été aussi, à partir du mois de décembre, le point de départ de la pire crise sanitaire du 21ème siècle avec l’apparition et la propagation rapide du virus de la COVID 19. L’effet dévastateur de ce virus sur l’économie mondiale et surtout sur celle des pays les plus pauvres est considérable. La récession de 3,3% en 2020 en est la plus parfaite illustration.
Les mesures de riposte envisagées par tous les pays en vue de ralentir la transmission de la maladie se sont traduites par des restrictions sur les mouvements de personnes et de biens, sur les rassemblements donc sur les activités économiques. Ces restrictions ont eu des conséquences importantes sur les activités du secteur privé en général et du secteur informel en particulier dont la place dans les économies africaines est très étendue.
Ainsi, beaucoup d’industries ont été quasiment à l’arrêt, surtout durant le premier semestre 2020, les services privés comme publics ont été fortement impactés accentuant les crises sociales.
En Afrique, la plupart des Etats ont mis en place des plans de résilience et/ou de relance économique ayant entre autres objectifs, la résilience du secteur privé.
Nous allons indiquer l’impact sur les économies en Afrique, passer en revue quelques exemples de Plan de riposte avant d’analyser les enjeux et défis du Secteur privé dans le cadre de la reprise économique.
- IMPACT ECONOMIQUE DE LA CRISE EN AFRIQUE ET RIPOSTE FACE A LA PANDEMIE EN 2020
II.1 Impact de la crise sanitaire sur la croissance économique en Afrique
En Afrique subsaharienne, le taux de croissance économique est retombé à – 1,9% en 2020 alors qu’elle a été de +3,2% en 2019. Dans la zone CEDEAO, il s’est situé à -0,8% après un niveau appréciable de +3,5 % en 2019.
Pour la zone UEMOA, en 2020, la croissance économique a ralenti : +1,9% contre +5,7% en 2019.
Globalement la plupart des pays africains ont connu une récession du fait de la crise sanitaire.
Les pays dont les économies sont les plus affectées sont les suivants :
Afrique du Sud (-6,4%), Algérie (-4,7%), Angola (-5,4%), Botswana (–8,5%), Cap-Vert (-14,8%), Congo-Brazzaville (-8,2%), Guinée-Equatoriale(-4,9%), Lesotho(-5,4%), Libéria -3%), Madagascar(-6,1%), Maurice (-14,9%),Maroc (-5,9%),Rwanda(-3,4%), Seychelles(-12,9%),Soudan du Sud(-6,6%),Tunisie (-8,8%), Zambie(-3%), Zimbabwe(-4,1%).
L’impact de la COVID sur la baisse de l’activité industrielle, le tourisme et les activités connexes, les services financiers, le prix du pétrole et d’autres produits de base, explique notamment cette contraction notée du PIB de ces pays.
Certains pays du continent ont mieux résisté. C’est le cas notamment du Bénin (+3,8%), du Burkina Faso (+2,5%), de la RDC (1,7%), de la Côte d’Ivoire (+2,0%), de l’Éthiopie (+6,1%), de l’Égypte (+3,5%) du Ghana (+0,4%), de la Guinée (+7%), du Malawi (+0,9%), du Niger (+3,5%), de la RCA (+1%), de Sao Tomé (+3%), du Sénégal (+1,5%) de la Tanzanie (+4,8%), du Togo (+1,8%).
L’Ethiopie a pu maintenir un niveau de croissance remarquable malgré la baisse par rapport à 2019 (+8,4%) grâce au secteur des services.
La résilience de l’économie guinéenne (+5,6% en 2019) face à la COVID, est due, notamment, à la forte augmentation de la demande chinoise en bauxite et en aluminium, dont la Guinée est depuis 2017, le principal fournisseur en supplantant l’Australie. De manière générale, la rapide reprise économique en Chine du fait de la maîtrise de la COVID a pu bénéficier à certaines économies ayant des liens poussés avec ce pays.
Il est également remarquable que les économies des pays de la Zone UEMOA, en dehors de celles de la Guinée Bissau (-1,4%) et du Mali (-1,6%), ont résisté aux chocs dus à la COVID.
II.2 Plans de riposte et de relance économiques
Face à la pandémie de COVID-19, les Etats africains ont mis en place des plans de riposte et de relance économique, avec l’appui des institutions économiques et financières internationales,
Dans la zone UEMOA, le coût global des plans élaborés par les huit Etats membres, s’élève à 6576,7 milliards après une première estimation de 5284,9 milliards. Les plans de riposte qui ont réservé une part importante au Secteur privé, ont porté sur:
- le renforcement des fonds déjà disponibles pour les PME
- la mise en place de nouveaux Fonds de soutien aux entreprises formelles et informelles ;
- l’allègement des conditions d’accès à la commande publique ;
- la systématisation des paiements aux PME des avances de démarrage pour les marchés publics ;
- le report d’échéances ;
- l’accompagnement et le soutien à la production agricole ;
- le soutien à la consommation, à la production et à la sauvegarde de l’emploi
- l’encadrement des prix pour contenir l’inflation ;
- le soutien aux entreprises à travers des subventions et ou des reports d’échéances fiscales, ou l’adoption des modalités de paiements plus souples de certains impôts et taxes.
Le tableau ci-après indique le niveau d’exécution des Plans de riposte au 30 juin 2021
Comme on le voit, les plans de relance ont permis au secteur privé d’être résilient au point de garantir une croissance positive dans la quasi-totalité des Etats membres de l’UEMOA. Les Etats ont consenti des efforts sans précédent.
Au Sénégal par exemple le Plan de Résilience Economique et Social (PRES) s’est chiffré à un montant dépassant 1000 milliards FCFA correspondant à 7% du PIB.
Principale leçon apprise
Aujourd’hui, il est clairement admis que les mesures de restriction comme le confinement, la fermeture de sites de production et de services ne peuvent plus être envisagées tant elles ont eu des effets dévastateurs sur les économies, même si elles ont permis de freiner la progression du virus et des maladies qu’il engendre.
Il faut vire avec le virus ! l’économie doit fonctionner !
- ENJEUX LIES A LA REPRISE ECONOMIQUE : LA PLACE DU SECTEUR PRIVE
Dans le cadre de la reprise économique qui est souhaitable, nécessaire et inéluctable, le Secteur privé a un rôle essentiel à jouer. Pour cela il faut qu’il saisisse véritablement les enjeux y attachés : i) la relance économique ; ii)la diversification de l’offre et le développement de production de souveraineté ;iii) l’intégration régionale et l’ouverture des marchés ; iv)les opportunités des Investissements Directs Etrangers (IDE) et le Partenariat Public Privé (PPP) ; v) le financement.
II.1 la relance économique
Si la gestion de la pandémie a été essentiellement conduite par les Etats ainsi que les Institutions économiques et financières régionales comme internationales, la relance économique pour être efficace sera le fait du secteur privé principalement.
En effet, pour d’abord combler le gap de production et de services dû à la COVID et ensuite satisfaire la demande effective, il faut absolument que le secteur privé prenne toute sa part : c’est un enjeu fondamental.
III.2 la diversification et la production de souveraineté
La COVID a révélé la nécessité de produire sur place en Afrique des biens essentiels qui jusque-là sont importés. Le secteur privé africain doit s’adapter aux situations de crise mondiale pour diversifier son offre. Les métiers et services de substitution développés lors de la crise sanitaire comme les télé services, la livraison à domicile ouvrent de nouvelles voies au Secteur privé.
Aussi, l’urgence de disposer d’une souveraineté dans certains domaines vitaux comme l’alimentation, la santé, la pharmacie constitue un enjeu important et une opportunité réelle pour le secteur privé africain.
III.3 l’intégration régionale et l’ouverture des marchés
L’intégration des marchés au plan continental par la ZLECAF et au niveau sous-régional à travers les différentes Communautés économiques constitue une opportunité formidable pour le secteur privé africain pour accroître la création de richesses et favoriser un développement endogène. Les règles juridiques sur la libre circulation des biens et la concurrence mises en place dans le cadre de l’intégration régional ou sous-régional sont, en effet, des atouts certains.
III.4 les opportunités des IDE et des PPP
La crise de la COVID a montré au monde les capacités de résilience extraordinaire de l’Afrique grâce notamment à la jeunesse de sa population, à son climat et à son histoire sanitaire.
Pour Les pays développés, l’Afrique apparaît désormais comme un véritable réceptacle de sites de production et de services dans ce contexte où la durée de la crise sanitaire est de plus en plus incertaine comme en témoigne l’apparition sans cesse de nouveaux variants.
Les Investissements directs étrangers devraient connaître un bond en Afrique et le Secteur privé devra se préparer à prendre une place légitime dans le partenariat.
Le Partenariat Public Privé étant un mécanisme adapté, l’enjeu pour le Secteur privé est de participer à la conception du cadre juridique et à anticiper sur les opportunités qu’il suscite.
III.5 le financement
Les nouvelles perspectives qui s’offrent au Secteur privé africain impliquent la disponibilité de ressources financières importantes. L’engagement des Etats et des Institutions financières à accompagner la relance économique à travers des mécanismes comme les Fonds d’appui, d’amorçage ou de garantie est un atout à saisir. Il s’y ajoute que par la rigueur dans l’élaboration de projets et dans l’organisation, le Secteur privé peut assoir sa crédibilité et gagner la confiance des institutions de financement.
Le Secteur privé devra aussi diversifier les sources de financements et de garanties: Il doit rechercher grâce à l’appui des cabinets spécialisés :
- les couvertures assurantielles efficaces
- les soutiens à la trésorerie (banques d’investissement , marchés financiers africains)
- des outils de protection par rapport aux risques de change et monétaires qui sont une vraie problématique, notamment pour les PME.
Il doit, en particulier, solliciter les bailleurs de fonds institutionnels et publics en vue de profiter des opportunités de financement annoncées en juin dernier.
En effet, les institutions de financement du développement (Development Finance Institutions – DFI) du G7, la SFI, la filiale de la Banque africaine de développement dédiée au secteur privé, la BERD et la Banque européenne d’investissement s’engagent à investir 80 milliards de dollars dans le secteur privé africain au cours des cinq prochaines années afin de soutenir la reprise économique et une croissance durable en Afrique suite à la crise de la COVID.
- DEFIS DU SECTEUR PRIVE
La crise sanitaire nous a aussi appris que nous sommes dans un monde où le réflexe de survie peut conduite à un repli sur soi, à un certain « égoïsme » et à une concurrence féroce, parfois déloyale. Avoir les « armes appropriées » pour gagner sa place est devenu plus que vital en période de crise ou d’incertitude. Pour pouvoir jouer le rôle qui lui est dévolu dans la relance économique, le Secteur privé africain doit être en mesure de relever les défis liés à la compétitivité, à l’organisation et à la qualité des ressources humaines, à la transparence dans la gouvernance des entreprises ainsi qu’à l’agressivité commerciale.
IV.1 la compétitivité
Le Secteur privé africain doit être en mesure d’offrir de manière efficiente des biens et services à consommer sur le continent et en dehors. C’’est le pari. La compétitivité des entreprises privées est essentielle. C’est un défi majeur.
Evidemment les Etats doivent lui faciliter cela en mettant en œuvre un environnement juridique, institutionnel et infrastructurel adéquat.
L’appui des États devra consister à:
- mettre en œuvre d’un environnement juridique, institutionnel et infrastructurel adéquat ;
- garantir une compétitivité saine entre les entreprises privées notamment par une transparence des appels d’offres ;
- simplifier le code des impôts et réduire le taux marginal effectif d’imposition sur le capital ;
- réformer le code du travail pour le rendre plus flexible et plus adapté aux objectifs de création d’emplois ;
- améliorer l’encadrement de l’économie informelle
IV.2 l’organisation, la qualité des ressources et l’innovation
Pour jouer un rôle déterminant dans cette nouvelle ère le Secteur privé africain doit changer de paradigmes. La rigueur dans l’organisation, pas de place pour l’informel, des ressources humaines de qualité, l’utilisation des technologies de pointe, l’innovation doivent être le crédo. Les talents qui émergent aussi bien sur le continent que dans la diaspora devraient être utiles dans la quête de l’excellence gage de l’efficacité.
La limitation au maximum, voir l’élimination des activités informelles est indispensable.
IV.3 la transparence
Les enjeux évoqués plus haut exigent du Secteur privé une fiabilité et une sincérité de sa démarche, de ses procédures et de son fonctionnement au quotidien. La crédibilité du Secteur privé vis-à-vis des Etats, des partenaires techniques et financiers, fournisseurs, des clients, des personnels est fondamental. La veille sur la transparence dans les opérations de tous les jours et à tout instant ainsi que l’audit régulier des procédures doivent être un défi permanent. La numérisation des process, l’usage de technologie de pointe et l’innovation constitue des recours essentiels.
IV.4 l’agressivité commerciale
Dans ce monde de compétition et de concurrence, le Secteur Privé doit sortir des sentiers battus. Chaque entrepreneur doit avoir à l’esprit qu’il produit des biens ou des services pour tout consommateur potentiel quel que soit sa situation géographique. C’est ce nouvel état d’esprit qu’il faut cultiver : Un vrai défi.
- CONCLUSION
En définitive, même si la COVID a engendré une situation économique difficile et des drames sociaux, elle ouvre des perspectives de relance certaines si les Etats et surtout le Secteur privé saisissent les enjeux et relèvent les défis.
C’est à ce prix que le pessimisme qui se dégage du Rapport publié en Octobre 2021 sur les perspectives économiques en Afrique par le FMI, intitulé « une planète, deux mondes, trois réalités » pourrait être conjuré malgré l’émergence observée depuis quelques jours d’un nouveau variant du virus qui ne sera certainement pas le dernier.
Grant Thornton Senegal