Originaire de Thiès, bachelière à Dakar, Coura Carine Sène est une ingénieure en Informatique formée à Paris. Revenue en 2012 aux sources, elle est aujourd’hui l’une des fines têtes de la Fintech sénégalaise. Après des expériences à la Nma Sanders et des collaborations avec Orange, Cash Cash, elle occupe présentement le poste de Directrice régionale de Wave dans l’espace Uemoa, avec l’ambition d’avoir une influence positive et de favoriser l’inclusion financière avec des moyens de paiement simples et adaptés.
Ce mardi 14 Juin 2022, le Sénégal fait partie des pays à l’honneur en marge de l’Africa Ceo Forum organisé à Abidjan par le Groupe Jeune Afrique et la société financière internationale (Sfi). En cette matinée, autorités sénégalaises et chefs d’entreprises débattent de l’attractivité du Sénégal à travers le panel « Invest in Sénégal ». En attendant le début des travaux, l’heure est aux interminables salutations et accolades entre compatriotes qui ne s’étaient pas vu depuis quelques temps. Une dame aux dreadlocks, de noire vêtue attire les attentions, et se distingue de la mêlée. Démarche assurée, visage joyeux, elle distribue des gestes de sympathie à des hommes et femmes du monde des affaires. Les encouragements pleuvent sur la jeune dame qui s’est faite une place dans le secteur de la Fintech. Coura Carine Sène, directrice régionale de Wave dans l’espace Uemoa est en effet une fierté sénégalaise.
« Wave a été un client différent qui m’a fascinée par son ambition, sa détermination. J’ai accompagné le groupe en tant que Consultante en 2016. J’ai intégré Wave en 2018 comme directrice du Business développement dans l’espace Uemoa. Après ça, je suis devenue directrice générale au Sénégal en janvier 2020, puis directrice régionale dans l’espace Uemoa où je supervise le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso » dit-elle, la mine radieuse. Plusieurs expériences dans des entreprises sénégalaises ont précédé cette consécration. L’une des plus marquantes est sa collaboration avec Nma Sanders du défunt homme d’affaires sénégalais Ameth Amar.
« J’ai accompagné plusieurs groupes Sénégalais dont le Nma que je porte dans mon cœur. Feu Ameth Amar a été un mentor pour moi. J’ai été très touchée par son décès parce qu’il m’a appris à être professionnellement Sénégalais car il était socialement intelligent pour pouvoir travailler avec les gens », se rappelle-t-elle d’une voix émue. Son expertise a également a été mise au service de Multinationales implantées au Sénégal. « Je me suis ensuite intéressée au mobile money avec Wizall qui s’implantait dans le réseau Total. Et je le découvre en tant que solution. Pour moi, tout est commerce, tout est argent. J’adore ça, ensuite j’ai accompagné Orange, Cash Cash », égrène-t-elle, dans le calme de la salle Kigali de l’hôtel Ivoire d’Abidjan.
Un retour au pays pour préserver un « héritage »
Très à l’aise dans la langue Wolof, Coura Carine Sène n’a pas désappris. Malgré un long séjour en France pour des études, elle s’est enracinée avant de s’ouvrir au monde de l’Informatique puis celui des finances. « Je suis partie en France après mon Bac scientifique decroché à Dakar. J’ai obtenu là-bas, un diplôme en Informatique. J’ai travaillé là-bas pendant plus de 10 ans », informe-t-elle. Malgré les assurances professionnelles, elle décide de rentrer au bercail avec les réalités des incertitudes du marché sénégalais. « En venant je ne savais même pas comment chercher du travail. En France il y a des plateformes de mise en relation entre les nouveaux diplômés et les entreprises. Ce qui n’était pas le cas au Sénégal », dit-elle. Ce retour « risqué » est favorisé par l’intention de préserver un héritage identifié et valorisé par l’un de ses oncles. « Je me souviens, étant en France, l’un des mes oncles m’a dit Coura, ton héritage, c’est le Sénégal et pas la France. J’ai ainsi décidé de rentrer d’amener avec moi mes enfants qui sont nés là-bas. Je voulais prendre du temps pour eux qui sont nés là-bas pour favoriser leur retour aux sources », rappelle-t-elle.
Son intégration et celle des enfants a été, à ses yeux, une réussite dans une société qui était déjà la sienne. Et cela était accompagné par l’ambition de « participer à la transformation du pays » pour toute une génération de Sénégalais établis à l’étranger. « Et c’est en 2012 que je suis rentrée au pays. En ce moment-là, il fallait s’adapter car j’avais quitté le Sénégal à 17 ans. C’était une année d’espoir et beaucoup d’entre nous sont rentrés pour participer à la construction de notre pays. Et depuis lors, je me bats aux côtés de tous les Sénégalais pour que notre pays se développe encore plus. On veut que Dakar soit un jour comme Paris, nous avons l’obligation de travailler », affirme-t-elle, sereine. L’intégration professionnelle, souligne-t-elle, a été réussie avec les différentes expériences dans des entreprises locales. Celle sociale l’est aussi puisqu’elle préfère toujours du « Ceebou dieune à midi et du thieré (couscous), le soir.
Influence et inclusion
Coura Carine Sène s’est faite un nom et une place dans le monde des Affaires, dans le milieu de la Fintech. En tant que Sénégalaise, être à cette place constitue une fierté pour elle. L’un de ses défis, signale-t-elle est d’avoir une influence positive sur les femmes. « C’est un sentiment de fierté. Nous avons toujours été un modèle féminin. Il y a des figures sénégalaises qui inspirent et je suis dans ce sillage. On doit donner de la force aux jeunes filles, leur faire savoir que ce monde là n’est pas fermé. Je suis fière des femmes », clame l’originaire de la Cité du Rail.
Un autre combat pour lequel, Coura ne se ménage pas c’est l’inclusion financière avec la digitalisation au service de tous. « Notre plus grand défi aujourd’hui est la démocratisation du paiement marchand parce que la monnaie électronique permet aux gens d’effectuer des opérations financières. Nous souhaitons réduire au maximum l’utilisation du Cash pour plus de sécurité et d’hygiène. C’est un grand défi car la part informelle de notre économie est très grande et nous voulons participer à la digitalisation de cette économie et la rendre formelle pour le bien des économies de nos États et de la Banque centrale. Il s’agit de favoriser la rencontre entre la technologie et des personnes exclues de la Technologie. Raison pour laquelle, nous avons l’application sur les smartphones aux Codes Ussd. C’est plus facile et le taux de pénétration est plus important », estime Coura Carine Sène. Aujourd’hui âgée de 45 ans et mère de trois enfants, elle rêve encore plus grand et déborde d’envie de continuer au développement de son pays, qui à ses yeux, a complètement changé depuis 2010 sur le plan de la technologie, des infrastructures, etc.
Demba DIENG
Source: Le Soleil