Lors de sa dernière réunion, le comité de politique monétaire de la BCEAO a relevé ses deux principaux taux directeurs, optant ainsi pour une réduction des liquidités dans l’UEMOA. Si cette mesure semble destinée à contrer l’inflation, son impact réel sur l’évolution des prix reste à voir.
Mercredi 1er juin, le comité de politique monétaire (CPM) de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) réuni en session ordinaire a annoncé le relèvement de ses deux principaux taux directeurs. De 2%, le taux minimum de soumission aux appels d’offres d’injection de liquidité passera à 2,25%, et le taux du guichet de prêt marginal de 4,00% à 4,25%, à compter du jeudi 16 juin prochain.
Ce relèvement des taux directeurs de la Banque de 25 points de base vise, selon le CPM, à contrer l’inflation qui s’accélère dans la région. Celle-ci est passée à 6,8% à la fin avril contre 6,6% en mars, soit deux fois plus que la limite supérieure de 3% fixée par l’institution. En resserrant ainsi la liquidité au sein de l’économie, la BCEAO espère inverser la courbe inflationniste en empêchant une surenchère des prix.
L’utilisation de cet instrument de politique monétaire fait écho aux décisions des banques centrales de plusieurs autres pays tels que le Ghana, le Nigeria ou le Kenya qui font face de leur côté, à des taux d’inflation à deux chiffres. Réduire la masse monétaire au sein de l’économie pour lutter contre l’inflation suppose que cette dernière est alimentée par un surplus de liquidité, une situation que les experts qualifient d’inflation monétaire. Or, dans le cas d’espèce, l’inflation en zone UEMOA, et dans la plupart des pays africains, même si elle n’est pas un phénomène nouveau, est essentiellement liée à la hausse des cours mondiaux des produits de base.
En effet, la BCEAO indique qu’au cours des trois premiers mois de l’année 2022, la masse monétaire dans l’UEMOA a connu une augmentation de 11,9%, en rythme annuel. Or, les chiffres de l’évolution de cet agrégat entre 2018 et 2019 montrent qu’il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle. Au 4e trimestre 2018 ainsi que durant les 3e et 4e trimestres 2019, la masse monétaire de l’UEMOA a progressé respectivement de 12,4%, 8,5% et 10,4% en rythme annuel, sans impliquer un changement des taux directeurs de la BCEAO.
De plus, les dynamiques de l’inflation au sein de l’UEMOA montrent que celle-ci n’est pas monétaire, mais est essentiellement importée. Parmi les catégories de produits ayant enregistré des hausses de prix, c’est le secteur « produits alimentaires » qui a enregistré les plus fortes inflations avec une hausse des prix de l’ordre de 12,1% en avril en rythme annuel contre 12,4%, un mois plus tôt. Les catégories « logement » et « transport » ont elles aussi progressé respectivement de 4,4% et de 4,0%, au cours de la période sous revue, contre 3,7% et 2,8% en mars 2022. Dans le cas des produits alimentaires et du transport, les pays de l’UEMOA sont fortement dépendants des importations, qu’il s’agisse de céréales (riz, blé etc.) ou des produits pétroliers (essence et autres carburants). Des produits dont l’approvisionnement mondial actuel se retrouve perturbé par le conflit russo-ukrainien.
« En avril, l’indice des prix des produits importés par les pays de l’Union s’est accru de 46,2% sur un an, après une augmentation de 41,7% en mars 2022 », souligne d’ailleurs la BCEAO. De ce fait, certains observateurs estiment qu’un resserrement de la liquidité dans l’UEMOA pourrait être insuffisant pour inverser la courbe de l’inflation, et pourrait même avoir des impacts négatifs.
Un retour progressif aux taux pré-covid ?
La décision prise par la BCEAO dans le contexte actuel de l’inflation marque peut-être le début d’un retour aux niveaux en vigueur avant la pandémie de covid-19. En effet, l’institution avait décidé en 2020 de baisser ses taux directeurs, afin de soutenir les plans de relance des Etats de la région, destinés à faire face aux conséquences économiques de la covid-19.
Ce sont donc les mesures d’assouplissement de la BCEAO qui avaient abouti à un taux d’intérêt minimum de soumission aux opérations d’appels d’offres d’injection de liquidité 2% (contre 2,5% auparavant), alors que le taux d’intérêt du guichet de prêt marginal a été ramené de 4,50% à 4,00%.
« Notant que les plans de relance mis en place par les Etats et l’assouplissement progressif des restrictions de déplacement devraient conduire à un redémarrage de l’appareil productif, les membres du CPM ont décidé d’accompagner cette dynamique en baissant de 50 points de base les taux directeurs de la Banque centrale », avait d’ailleurs indiqué le communiqué du CPM.
A ce titre, et dans un contexte de reprise économique, plusieurs observateurs estiment que le relèvement des principaux taux directeurs de la Banque pourrait signifier une fin progressive des mesures d’assouplissement adoptées par l’institution. Ce d’autant plus que les trois premiers mois de l’année ont été marqués par une croissance du PIB réel de 5,6% en rythme annuel dans l’UEMOA, et que les prévisions tablent sur un PIB de l’Union en hausse en 2022 et 2023 de 5,9% et 7,2%, respectivement.
(Agence Ecofin)