De la décision de l’investissement public

Une politique publique peut être définie comme une vision/stratégie traduite en un ensemble d’actions cohérentes et coordonnées dans le but de contribuer à l’amélioration des conditions économiques et sociales de la collectivité (communauté) dans laquelle il sera réalisé (Rosenfeld F.). De ce point de vue, son évaluation (ou celle des actions qui la composent) cherche à déterminer la valeur ajoutée sociétale qu’elle va créer (évaluation ex ante) ou qu’elle a créé (évaluation ex post) au sein de la collectivité.

Ainsi, pour l’Etat, dans son rôle de service public, la décision de mettre en œuvre ou non une politique publique dépend moins de critères de rentabilité financière (taux de rendement interne, viabilité, etc.) que de ceux de la rentabilité économique. Cette dernière consiste à voir, de manière ex ante, si les bénéfices nets qui seront générés au niveau des différentes parties prenantes du projet/programme dépassent ou non le coût de l’investissement. Il est clair que la décision d’investir dépend d’une réponse affirmative à cette question. Cette décision est d’autant plus importante qu’elle génère un coût d’opportunité et que l’argent investi ne peut plus être investi pour d’autres fins.

Donc, pour comprendre cette décision il faut prendre connaissance du degré de maturité du projet, c’est-à-dire l’analyse exhaustive, faite au cours de l’évaluation ex ante et portant sur un horizon analytique bien précis, de toutes les parties prenantes, en vue de voir les avantages et les inconvénients (quantifier monétairement) générés par le projet au niveau de chacune d’elle. La simple comparaison de ces deux composantes permet de déterminer les bénéfices nets (total avantages moins total inconvénients). Bien sûr, si seulement la situation avec projet génère plus de  bénéfices nets que la situation sans projet. Dans le cas contraire il n’y a point intérêt à investir.

Par conséquent, au-delà de l’alignement stratégique, l’investissement doit constituer une réponse à un besoin réel (pertinence), l’option ou la stratégie choisie doit permettre d’atteindre les résultats escomptés (efficacité/Performance), être la moins coûteuse (efficience) et en cohérence avec les autres politiques publiques. Le respect de ces quatre principes permet à l’Etat de mieux rationaliser l’utilisation des ressources des contribuables (présents ou futurs) dans le financement des projets d’investissement.

Donc, pour l’Etat, il y a enjeu de communiquer sur les résultats des évaluations desquelles dépend la mise en œuvre des investissements publics. Car l’évaluation, au-delà d’être une exigence technique, constitue une exigence politique en ce sens qu’elle permet de rendre compte (redevabilité) et permet de ce point de vue de renforcer la gouvernance démocratique.

Cependant, force est de reconnaître que si l’impression est donnée que la logique du « presque » Tout économique (profit) se positionne comme principal critère d’appréciation dans certains investissements publics, c’est du fait de la montée en puissance de nouveaux modèles de financements innovants tels que les Partenariats public-privé.

Le cadre législatif et réglementaire relatif à ce type de financement a beaucoup évolué au Sénégal, depuis la loi 2004-13 du 1er mars 2004 sur les CET (Construction-Exploitation-Transfert), modifiée par  les lois 2009-21 du 4 mai 2009 et 2011-11 du 28 avril 2011, à la Loi n° 2021-23 du 02 mars 2021 relative aux contrats de partenariat public-privé, en passant par la Loi la loi 2014-09 du 20 février 2014.

Si un tel mode de financement permet à l’Etat de transférer le risque, son recours abusif peut dévier ce dernier de son rôle de service public qu’il doit remplir surtout, quand l’option « Paiement par les usagers » est retenue, comme c’est le cas avec l’autoroute à péage, entre autres. C’est pour cela qu’il convient de faire moins recours à ce type financement pour financer les services sociaux de base dont l’accès est considéré comme des droits humains fondamentaux et dont la mise en œuvre de projets d’infrastructures structurantes ne peut justifier leur violation.

Ndongo Mané KEBE, Docteur en Sciences économiques, Spécialiste en Evaluation économique de Projets / 77 514 27 87

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