La compagnie malienne de développement du textile a commencé a exporter son coton via le port de Nouakchott !
En début de semaine dernière, 57 camions maliens transportant du coton ont mis le cap sur le port de Nouakchott en Mauritanie. A cause de l’embargo imposé par la Cedeao et l’Uemoa en janvier, le Port autonome de Dakar commence à perdre des parts de marché sur le trafic malien. A terme, il pourrait perdre totalement le trafic malien qui constitue l’essentiel de son activité. Une grosse catastrophe en perspective pour le Sénégal.
Les images de la télévision malienne montrant en boucle ce vendredi 25 février le départ des camions maliens transportant le coton du pays vers le port de Nouakchott sonnent comme un triomphe chez nos voisins. Triomphe d’avoir pu réussir à contourner le blocus imposé par la Cedeao et l’Uemoa en janvier pour sanctionner la décision de la junte militaire de jouer les prolongations en effectuant une transition de cinq ans. Ce vendredi 25 février, l’opérationnalisation du corridor Bamako-Nouakchott est devenu, pour la première fois dans l’histoire, une réalité. Le premier convoi de 53 camions, soit 1600 tonnes de coton fibre, s’est ébranlé pour le port de Nouakchott. A Bamako, l’ouverture de ce corridor, dit-on, a été rendu possible grâce à un partenariat entre le Mali et des pays partenaires comme la Guinée Conakry, la Mauritanie et l’Algérie. En temps normal, un tel évènement devait être ordinaire puisque c’est un simple partenariat commercial. Mais Bamako a cherché à en faire un spectacle médiatique, une sorte de doigt d’honneur aux dirigeants de la Cedeao et de l’Uemoa. A grand renfort médiatique, le départ des 53 camions a mobilisé des ministres maliens aux côtés des dirigeants de la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) et des opérateurs privés locaux. « Avec la situation en cours dans notre pays, nous avons pu démarcher des pays comme la Guinée Conakry, la Mauritanie, l’Algérie qui ont des ports. Cet embargo ne doit pas avoir les impacts souhaités sur notre quotidien, parce que nous pouvons amener nos marchandises hors du pays, à travers d’autres pays voisins » a annoncé fièrement, sur les ondes de la RTM, ce vendredi 25 février le ministre du Développement rural, Modibo Keïta. A l’en croire, les sanctions infligées aux Maliens par les pays de la CEDEAO doivent servir de leçon aux uns et aux autres. « Même si ces sanctions sont levées, je pense qu’il faudra continuer à exporter les marchandises à travers ces mêmes voies. Si ça ne tenait qu’à moi seul, tous les cotons du Mali doivent désormais continuer à passer par les ports de la Mauritanie, de la Guinée Conakry et de l’Algérie » a déclaré Modibo Keïta selon qui l’initiative est venue des responsables de la CMDT. Ce sont eux qui ont suggéré cette voie au Gouvernement. « Ce système permettra aux Maliens d’avoir une autre solution aux problèmes liés au transport du coton. Auparavant, certains de nos camions pouvaient faire un mois dans ces pays fermés (Ndlr, Sénégal et Côte d’Ivoire), sans être déchargés. Cette initiative mettra un terme à cela » a ajouté le ministre malien du Développement rural. Le lancement des travaux d’évacuation des fibres de coton s’est fait en présence de Nanko Dembélé, le directeur de la CMDT. Le Mali a produit l’année dernière plus de 740.000 tonnes de coton. « Cela faisait près d’un mois que les responsables de la CMDT travaillaient sur ce projet, parce que les cotons étaient bloqués à l’intérieur du pays, depuis l’embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA sur le Mali », a expliqué le directeur de la CMDT à la RTM.
Menaces sur le port de Dakar.
Au niveau de la direction du Port autonome de Dakar, cette ouverture d’un corridor Bamako-Nouakchott inquiète terriblement. Les collaborateurs du Dg Aboubacar Sedikh Bèye suivent attentivement l’évolution de la situation en souhaitant surtout que les autorités supérieures de notre pays puissent prendre les mesures urgentes pour rouvrir le corridor Dakar-Bamako. On apprend d’ailleurs que la direction générale du Port autonome de Dakar s’en est déjà ouverte aux plus hautes autorités, notamment au président de la République et aux ministres de tutelle, histoire de les sensibiliser sur les conséquences désastreuses qui découleraient d’une rupture du Mali avec le Port autonome de Dakar. Ce pays voisin reste en effet le premier partenaire commercial du Sénégal qui y exporte des marchandises pour une valeur de plus de 250 milliards de frs par année. Le Mali est donc le principal client du Port autonome de Dakar avec un transit quotidien assuré par plusieurs centaines de camions (on parle plus de 400 camions par jour). En 2020, le transit malien a représenté plus de 2.750.000 tonnes. Il est en hausse constante puisque, rien qu’en 2019, il a connu une progression de 200.898 tonnes selon le Tam-Tam du Docker (le journal du Port de Dakar). Le même document indique que « l’augmentation en 2020 du tonnage en Transit Mali import de clinker (+119%), de pommes de terre (+58%), des oignons (+32%), du blé (+47%), de l’urée (+27%) et des produits pharmaceutiques (+20%) a largement contribué au résultat enregistré ». Depuis son arrivée à la tête du Port de Dakar, le directeur général Aboubacar Sédikh Bèye a multiplié les initiatives pour faire sauter les goulots d’étranglement sur le corridor Dakar-Bamako. Il a mis en place une Cellule de Développement de l’Hinterland dirigée par Mamadou Laye Seck dont la mission est uniquement la mise en place d’un nouveau mode d’exploitation, de reconquête et de fidélisation des acteurs des corridors. D’ailleurs, un fait inédit s’est produit dans l’histoire du corridor Dakar-Bamako. Du 22 au 26 septembre 2021, le Dg du Pad Aboubacar Sédikh Bèye en compagnie de ses collaborateurs, des représentants de Cap/Sénégal (Communauté des acteurs portuaires du Sénégal), des Entrepôts du Mali au Sénégal, du président de l’Union nationale des transporteurs du Sénégal et du Directeur général de Tvs (Terminal vraquier du Sénégal) a parcouru les 1265km séparant Dakar et Bamako.
L’objectif principal de la mission « était d’évaluer par une démarche participative l’état général de fonctionnement du corridor Dakar-Kayes-Bamako. Ainsi, la mission a pu mesurer à la fois les enjeux du trafic malien et l’impact sur l’économie des deux pays et la compétitivité du Pad en particulier ». C’est ce trafic vital pour lui que le Port autonome de Dakar risque de perdre définitivement, hélas, si l’embargo de la Cedeao et de l’Uemoa se poursuit. Il convient d’ailleurs de se demander s’il n’est pas trop tard pour récupérer le trafic malien…
Le Témoin