Crise du secteur du BTP : l’entrepreneur Abdel Kader Ndiaye propose huit remèdes

 

Le président du Syndicat national des entreprises du bâtiment et des travaux publics du Sénégal (SNBTP), Abdel Kader Ndiaye, a préconisé, jeudi 30 octobre, lors d’une intervention à un forum organisé par les travailleurs du secteur, huit mesures qu’il juge nécessaires pour sauvegarder la fonction vitale du BTP pour l’économie sénégalaise. L’une d’elles va consister à payer intégralement la dette due par l’État aux entreprises dudit secteur.

Le syndicaliste et entrepreneur intervenait à un forum national sur ‘’le secteur du bâtiment et des travaux publics au Sénégal’’, une rencontre au cours de laquelle les professionnels du BTP devaient proposer des remèdes à la ‘’crise’’ dont est victime cette branche de l’activité économique.

 Pour que le BTP continue à booster la croissance et à créer de la richesse, les pouvoirs publics sénégalais doivent veiller à ‘’l’apurement intégral de la dette intérieure due par l’État aux entreprises [dudit secteur], qui se chiffre à plus de 350 milliards de francs CFA’’.

Cette mesure est nécessaire, dans la mesure où les entrepreneurs ‘’ne peuvent plus endosser le secteur’’, sa ‘’croissance’’ et sa ‘’survie’’ étant compromises, selon M. Ndiaye.

‘’Sans efforts appréciables dans l’apurement’’ de cette dette, ‘’le pacte national de stabilité sociale  risque de voler en éclats, car nos entreprises se trouvent aujourd’hui au-delà de la limite admissible de la résilience’’, a-t-il prévenu.

Abdel Kader Ndiaye propose aussi de ‘’relancer le secteur du BTP en levant toutes les contraintes d’arrêt et de suspension des chantiers’’.

Cette mesure est nécessaire, ‘’si l’on veut sauver encore des emplois’’, dit-il en suggérant ensuite de ‘’relancer les investissements publics’’ du bâtiment et des travaux publics.

Créer un comité paritaire de suivi et d’évaluation de l’activité du BTP

Le président du SNBTP préconise, comme quatrième mesure, de ‘’préserver les emplois menacés en mettant en branle les offres de PPP (partenariats public-privé) du secteur privé’’.

Il suggère aussi, pour assurer la ‘’survie’’ du secteur, de ‘’faciliter le financement des entreprises et des ménages surtout en matière de logement (prêt aux taux zéro)’’.

M.Ndiaye invite l’État à ‘’accompagner les entreprises en difficultés’’, qui sont ‘’affectées par la dette intérieure’’.

Il recommande aux autorités de ‘’mettre en place un plan de réinsertion et de reconversion pour les travailleurs mis au chômage’’.

La dernière mesure proposée par le président du Syndicat national des entreprises du bâtiment et des travaux publics du Sénégal est de ‘’créer un comité paritaire de suivi et d’évaluation (public-privé)’’ du BTP.

Avant de proposer ces remèdes, Abdel Kader Ndiaye a présenté un diagnostic saisissant de ce secteur d’activité.

Le BTP doit rester un moteur économique pour booster la croissance et le développement, créer de la richesse et de la valeur ajoutée, générer des emplois et continuer de stimuler ses effets multiplicateurs avec les autres secteurs économiques, a-t-il analysé.

Dynamiques et en plein essor, le bâtiment et les travaux publics sont ‘’l’une des locomotives de notre économie nationale’’, a-t-il souligné, ajoutant qu’ils génèrent près de 7 % du produit intérieur brut du pays.

‘’Une chute livre de l’activité en 2025’’

Le BTP est un grand pourvoyeur d’emplois, précisément 200 000 emplois déclarés, voire 600 000 si les emplois indirects sont pris en compte, a indiqué le président du SNBTP.

Selon lui, ce secteur génère 30 % des investissements publics et a cumulé un volume d’investissements de plus de 10 000 milliards de francs CFA au cours des cinq dernières années.

Durant la même période, ces investissements ont favorisé la réalisation de grandes infrastructures d’autoroutes, de routes – soit 16 500 kilomètres, à savoir 6 000 kilomètres en asphalte et 10 500 en routes classées revêtues -, la construction de la nouvelle ville de Diamniadio et la production de logements (plus de 5 000 unités par an), a signalé Abdel Kader Ndiaye.

S’y ajoutent, selon lui, la construction de nombreux ouvrages sportifs, sanitaires, scolaires, industriels, administratifs, ainsi que la réalisation de plusieurs programmes d’assainissement et d’alimentation en eau potable, d’assainissement, d’électrification, d’éclairage public, etc.

Toutes ces performances font dire à M. Ndiaye que ‘’le BTP fait partie incontestablement des piliers de notre développement économique et social’’.

Après la pandémie de Covid-19 et ‘’les évènements malheureux de 2021’’, dont le secteur garde encore leurs stigmates, une relance hardie a commencé à juguler leur impact jusqu’en 2023, a-t-il rappelé.

‘’Toutefois, après une année 2023 marquée par une croissance de 23 % du chiffre d’affaires du secteur, le marché a connu un ralentissement en 2024, qui a été suivi d’une dégradation continue, d’une chute livre de l’activité en 2025, ce qui a abouti à ce jour à une crise’’, a analysé le président du SNBTPS.

‘’D’importantes pertes d’emplois et un lourd préjudice à l’économie’’

La crise ‘’a mis à genoux tous les acteurs, les majors et toutes les petites entreprises’’, en plus d’avoir ‘’plongé nos travailleurs dans un total dénuement’’, a-t-il signalé.

Cette situation résulte de ‘’l’accumulation de la dette intérieure (plus de 350 milliards) en 2025, malgré les nombreuses promesses de règlement’’, des ‘’arrêts brusques des projets et programmes publics en cours de développement’’, des ‘’nombreux arrêts et suspensions de chantiers privés’’, de la ‘’crise de confiance qui a affecté l’investissement’’, a observé l’entrepreneur.

La crise est en même temps une conséquence du ‘’blocage des crédits bancaires courants’’, lequel découle de ‘’l’endettement des entreprises et des difficultés d’accès au crédit’’.

Analysant les difficultés auxquelles est confronté le BTP au Sénégal, M. Ndiaye relève que ‘’70 % de la commande publique en valeur échappent aux entreprises, surtout s’agissant des grands travaux’’.

Par conséquent, ‘’la croissance générée reste extravertie et ne profite ni à l’économie nationale, ni aux entreprises, ni à nos industries’’, observe-t-il.

‘’Le recours à l’expertise locale n’est pas respecté lorsque les entreprises disposent en la matière de compétences et d’expériences avérées, ce qui affecte leur compétitivité et les exclut de l’effort de construction nationale’’, ajoute Abdel Kader Ndiaye.

Il estime que ‘’les arrêts généralisés et brusques [de] chantiers ont occasionné d’importantes pertes d’emplois et un lourd préjudice à l’économie’’.