Pourquoi le Sénégal a besoin du FMI et comment éviter une hausse du coût de l’énergie

Le Sénégal traverse une phase critique sur le plan financier, marquée par des déficits budgétaires persistants et un endettement en forte hausse. La combinaison d’un service de la dette de plus en plus lourd et de besoins de financement annuels dépassant largement les capacités de mobilisation interne place l’État face à un dilemme : comment préserver la stabilité économique et sociale tout en respectant ses engagements financiers ?

Dans ce contexte, le recours au Fonds monétaire international (FMI) s’impose comme une option incontournable, non par choix idéologique, mais par nécessité pragmatique. Les prêts concessionnels offerts par cette institution peuvent jouer un rôle d’amortisseur, à condition qu’ils s’inscrivent dans une stratégie globale qui inclut la gestion soutenable de la dette publique — un volet qui reste absent du Plan de Redressement Économique et Social (PRES).

Un besoin structurel de financement non spécifique au Sénégal

Sur la période 2025–2028, les besoins de financement de l’État (déficit + amortissement de la dette) dépassent en moyenne 5 000 milliards FCFA par an. Même en optimisant au maximum les ressources internes, ce montant ne peut être entièrement couvert. Dans ce contexte, le recours au FMI, qui offre des prêts concessionnels à des conditions avantageuses, apparaît comme un levier essentiel pour stabiliser les finances publiques.

Des économies plus grandes que le Sénégal ont eu recours au FMI. La Grèce, en pleine crise de la dette, et plus récemment l’Argentine, qui a bénéficié d’un programme d’assistance massif, illustrent que même des États disposant de marchés financiers plus développés n’hésitent pas à solliciter le soutien du FMI.

L’Argentine a obtenu, vendredi 11 avril 2025, un ballon d’oxygène de la part du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale (BM) et de la Banque interaméricaine de développement (BID), avec pas moins de 42 milliards de dollars au total (24 271 milliards FCFA !), un soutien présenté par la Banque mondiale comme un « important vote de confiance » envers le gouvernement.

Un accord avec le FMI, sans flambée des factures d’électricité ni du prix des carburants
Emprunter de l’argent coûte cher, surtout quand un pays a déjà beaucoup de dettes. Les marchés financiers peuvent prêter, mais souvent à des taux d’intérêt élevés. Le FMI, lui, propose des prêts dits « concessionnels » : cela veut dire que les taux sont beaucoup plus bas et que le remboursement se fait sur une plus longue durée. Cela permet au Sénégal de respirer un peu et d’éviter de payer trop cher pour se financer.

Il est tout à fait possible de parvenir à un accord avec le FMI sans recourir à une augmentation du coût de l’énergie, évitant ainsi les lourdes conséquences sociales et économiques qu’une telle mesure entraînerait. Dans notre scénario d’ajustement budgétaire, basé sur un taux de croissance annuel moyen de 6,5 %, un taux d’inflation annuel moyen de 2,5 % et visant un déficit budgétaire ramené à 3 % du PIB en 2027, tout en maintenant la stabilité des prix de l’énergie, l’effort cumulé sur la période 2025–2028 s’élève à 2 031 milliards FCFA, répartis comme suit :

  • Rationalisation des dépenses de fonctionnement : 812 milliards FCFA (40 %),
  • Mobilisation fiscale accrue (élargissement de l’assiette et amélioration du recouvrement) : 609 milliards FCFA (30 %),
  • Réduction des niches fiscales : 406 milliards FCFA (20 %),
  • Valorisation et cession partielle d’actifs publics : 204 milliards FCFA (10 %).

Cette combinaison de mesures permet d’atteindre les objectifs de redressement budgétaire tout en préservant presque intégralement le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des entreprises.

Possibilités de financement régional limitées

Refuser toute coopération avec le FMI impliquerait de compenser la perte de financements extérieurs par une augmentation des impôts et une captation de l’épargne domestique par l’Etat, au détriment du secteur privé. Cela entraînerait une baisse de l’investissement, une hausse de l’inflation, et une crise économique. Le gouvernement pourra lever des fonds sur le marché régional UMOA-Titres, mais ces ressources seront très insuffisantes pour couvrir l’ampleur des besoins de financement. De plus, elles seront obtenues à des taux d’intérêt élevés, ce qui alourdira le coût de la dette et pourrait devenir insoutenable à moyen terme.

En conclusion, le Sénégal a structurellement besoin du FMI pour assurer la stabilité budgétaire et éviter un choc économique majeur. Toutefois, cet appui doit être négocié de manière à préserver la cohésion sociale, en évitant des mesures trop brutales comme une hausse du coût de l’énergie, et en misant sur des réformes structurelles qui soutiennent la croissance et renforcent le développent endogène de l’économie.

Pr Amath Ndiaye

FASEG-UCAD

 

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