Le potentiel inexploité du commerce intra-africain

Dans un marché mondial perturbé, les pays africains ont la possibilité de se tourner vers leurs voisins ; un potentiel identifié et chiffré, qui ne demande qu’à se réaliser.

 

Le département Recherche d’Afreximbank publie son rapport annuel sur le commerce africain, intitulé « Le commerce africain dans une architecture financière mondiale en mutation ». Au-delà de la photographie dudit commerce et de son environnement macro-économique, sur la base des chiffres de 2024, du plaidoyer en faveur de la ZLECAf (Zone de libre-échange continental africaine), le rapport recèle une mine d’informations.

L’« Afrique centrale revêt une importance stratégique pour l’approvisionnement en intrants industriels des bases manufacturières en pleine croissance de l’Afrique », jugent les experts.

En particulier, les experts d’Afreximbank utilisent un modèle conçu par le Centre du commerce international (ITC) pour évaluer le potentiel du commerce intra-africain. Ce modèle identifie les capacités de chaque pays à se diversifier et à répondre à une demande extérieure sur chaque produit.

Il en ressort que, sur la base des chiffres de 2024, le potentiel d’exportation estimé pour le commerce intra-africain dépasse 77 milliards de dollars. Cette projection pourrait porter le niveau actuel du commerce intra-africain à 296,3 milliards $, soit 19,4 % du commerce intra-africain total, en supposant que toutes les autres conditions restent inchangées.

Les produits présentant le plus grand potentiel d’exportation de l’Afrique vers l’Afrique sont les machines, l’électricité, les véhicules à moteur et leurs pièces détachées, les produits alimentaires, les minéraux, les produits de beauté, les produits chimiques, le plastique et le caoutchouc, les métaux ferreux, les perles et les pierres précieuses, ainsi que les engrais.

Parmi ceux-ci, les ressources minérales, les machines et l’électricité présentent l’écart absolu le plus important entre le potentiel et les exportations réelles, « ce qui indique un potentiel considérable pour réaliser des exportations supplémentaires d’une valeur de 6,7 milliards », lit-on dans le rapport.

Le potentiel de commerce intra-africain par région.

Collectivement, les dix catégories de produits présentant le plus grand potentiel d’exportation intra-africain représentaient 41,6 milliards $. « Cette analyse souligne les opportunités inexploitées du commerce intra-africain et met en évidence les secteurs clés dans lesquels des interventions stratégiques pourraient générer des avantages économiques importants et favoriser l’intégration et le développement régionaux. »

 

Le fort potentiel de l’Afrique de l’Ouest

L’Afrique australe apparaît comme la sous-région ayant le potentiel inexploité le plus important, suivie par l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Est. La complexité industrielle et la sophistication économique de l’Afrique du Sud sont les principaux moteurs du fort potentiel d’exportation de l’Afrique australe.

Au total, le potentiel d’exportation intra-africain non réalisé de l’Afrique de l’Ouest est estimé à 7,23 milliards $, sur un potentiel total de 13 milliards $, ce qui renforce l’importance des capacités inexploitées de la région en matière de commerce intra-africain. Six catégories de produits clés représentaient ensemble 2,3 milliards $, soit 32 % de ce potentiel non réalisé. Il s’agit notamment des produits alimentaires transformés, du poisson et des fruits de mer, des engrais et des produits de beauté.

Le potentiel du commerce intra-africain par produits.

 

« Ces produits agro-industriels et semi-transformés soulignent l’avantage comparatif de la région dans le commerce à valeur ajoutée et l’importance de s’affranchir de la dépendance excessive à l’égard des exportations de matières premières », commentent les économistes. Si les machines et l’électricité et les ressources minérales présentent un potentiel plus faible, elles recèlent d’« importantes opportunités » à long terme pour l’intégration industrielle, en particulier au sein des chaînes de valeur régionales.

Dans l’agro-alimentaire, une amélioration des investissements dans le stockage frigorifique, l’emballage, la conformité aux normes de qualité et la logistique intra-régionale pourrait entraîner une forte augmentation des exportations. En matière de débouchés, l’essentiel du potentiel se situe en Afrique de l’Ouest elle-même, puis en Afrique du Nord et en Afrique australe. « Ces données indiquent les prémices d’une diversification interrégionale et soulignent les opportunités offertes par le cadre de la ZLECAf pour élargir l’empreinte continentale de l’Afrique de l’Ouest. »

Du côté de l’Afrique du Nord, le potentiel d’exportation intra-africain non réalisé est estimé à 8,7 milliards $, « ce qui souligne la position sous-exploitée de la région dans le paysage commercial continental ». Sur ce total, 4,8 milliards $ sont concentrés dans seulement huit catégories de produits, notamment les engrais, les machines et l’électricité, les métaux ferreux, les produits chimiques, les poissons et crustacés et les plastiques et le caoutchouc.

 

Les promesses de l’Afrique centrale

Les chiffres suggèrent un « mélange d’opportunités » commerciales réalisées et non réalisées dans les produits industriels et agricoles à forte valeur ajoutée. La concentration du potentiel non réalisé dans les biens industriels tels que les machines, les métaux ferreux et les produits chimiques constitue une opportunité pour l’Afrique du Nord de renforcer sa position en tant que fournisseur de biens intermédiaires et d’équipement pour le reste du continent.

Par destination, l’Afrique de l’Est et l’Afrique de l’Ouest restent les marchés d’exportation les plus prometteurs pour l’Afrique du Nord.

Enfin, concernant l’Afrique centrale, le potentiel d’exportation intra-africain non réalisé ressort à 2,3 milliards $ de dollars, soit la moitié du potentiel total d’exportation intra-africain de la région. Un nombre limité de produits continuent de représenter la majeure partie de cet écart : les produits chimiques, les métaux, le bois et les ressources minérales.

« Cette concentration met en évidence les contraintes structurelles liées à la production, à la capacité de transformation et à la facilitation des échanges en Afrique centrale, ainsi que le rôle essentiel des exportations de ressources naturelles dans la configuration des flux commerciaux », commente Afreximbank.

Du point de vue du marché, l’Afrique australe offre le plus grand potentiel d’exportations supplémentaires pour l’Afrique centrale, une région, constatent les économistes, qui commerce beaucoup avec elle-même, à la faveur de corridors régionaux consolidés.

Cela étant, l’« Afrique centrale revêt une importance stratégique pour l’approvisionnement en intrants industriels des bases manufacturières en pleine croissance de l’Afrique », jugent les experts. Selon qui « Il pourrait être essentiel de développer cette opportunité pour repositionner l’Afrique centrale en tant que pôle commercial plus connecté et plus compétitif ».

Le Magazine de l’Afrique

 

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