Plus d’un siècle après avoir accueilli une première filiale, en 1911 en Tunisie, l’Afrique a perdu sa valeur stratégique pour Société Générale, ou du moins, n’a pas su atteindre une dimension suffisante pour peser dans les décisions. Selon les chiffres publiés par Les Echos, le produit net bancaire (PNB) de ces filiales africaines représente une part modeste, 7%, des revenus totaux des groupes français.
Le Groupe, en quête d’une rentabilité plus forte, a fait le choix de se réorienter sur des marchés jugés plus porteurs, et donc offrant de meilleures conditions, notamment en termes de taille et de conformité, pour y consacrer ses ressources. Si la banque française a entamé sa sortie par la cession de filiales plus modestes, au Congo ou encore au Tchad notamment, la vente récente son navire amirale dans la région, Société Générale Maroc, sa filiale la plus importante et la plus rentable, ne laisse plus aucun doute sur son projet. En l’occurrence, le sort des filiales en Côte d’Ivoire et au Sénégal, les deux plus importantes en Afrique subsaharienne (hormis le Cameroun) lancées en 1962, semblent bien scellé désormais, bien au-delà du doute raisonnable. Mais dans le fonds, que valent ces deux établissements ?
Société Générale Côte d’Ivoire, la pépite en Afrique noire
” On ne souhaite pas la grosseur à l’éléphant, cela va de soi “, édicte un proverbe mandingue. Société Générale Côte d’Ivoire est un géant au rein bien solide qui trône depuis belle lurette sur le marché bancaire de l’UEMOA. En 2022, la banque revendiquait 3 354 milliards FCFA de total bilan, soit 5,1 milliards d’euros, 2 685 milliards FCFA de dépôts ‘4,09 milliards d’euros) et 2 159 milliards FCFA de crédits (3,3 milliards d’euros). A chaque fois, l’écart était d’au moins 1 000 milliards FCFA comparé à son poursuivant direct. Fin 2023, le total bilan s’était à nouveau consolidé pour culminer à 3 438 milliards FCFA (5,2 milliards d’euros).
Sur ces cinq dernières années, entre 2019 et 2023, le PNB (chiffre d’affaires) a augmenté de plus 100 milliards FCFA, passant de 150,3 milliards FCFA à 253,2 milliards FCFA (386 millions d’euros). Et le résultat net a presque doublé sur la période à 97,2 milliards FCFA en fin d’exercice dernier. Il est fort à parier qu’elle pourrait franchir la barre des 100 milliards FCFA de bénéfices au terme de cet exercice.
Chef d’orchestre de ces évolutions, Aymeric Villebrun, qui a dirigé la banque entre 2018 et 2023, aura marqué l’établissement qu’il aura transformé en machine à créer de la valeur. Un dynamisme qui s’est ressentie sur la valeur SGCI à la BRVM qui s’est bonifié de plus de 150% depuis 2019 ! Pour sa succession, le groupe a fait appel à un de ses hauts cadres, Patrick Blas, dépêché pour prendre le relais et renforcer le profil d’une banque qui s’arroge elle seule environ 20% de parts d’un marché animé par une trentaine d’acteurs.
Société Générale Sénégal arrache la première place du marché local
Société Générale Sénégal est l’autre grande filiale dont le groupe bancaire devrait se séparer. Actif sur un marché dont il dispute âprement le leadership avec la CBAO, filiale du marocain Attijariwafa bank, l’établissement y est un acteur historique en activité depuis 1962. Elle s’impose comme la deuxième filiale subsaharienne la plus rentable après la Côte d’Ivoire, avec un PNB de 82,6 milliards FCFA (126 millions d’euros) pour un bénéfice dépassant les 25 milliards FCFA (38,1 millions d’euros) en 2023.
Si à Abidjan, le processus de désengagement porgressif du marché africain coïncide avec le départ remarqué d’Aymeric Villebrun, à Dakar, le groupe a maintenu sa confiance à Harold Coffi, l’une de ses références dans la région, un temps pressenti pour prendre les manettes de la franchise ivoirienne, avant l’arrivée de Villebrun. Alors directeur général adjoint de Société Générale Côte d’Ivoire, ce banquier, ancien de JP Morgan, passé directeur de la trésorerie chez Ecobank, puis Directeur général adjoint chez NSIA Banque, toujours en Côte d’Ivoire, cumule aujourd’hui une bonne dizaine d’année dans le top management de filiales du groupe français dans la région. Une confiance qui peut bien s’expliquer le succès de sa mission à la tête de Société Générale Burkina Faso, une entité dont il a réussi à consolider les performances dans un contexte difficile et qui revendiquait 11,8 milliards FCFA de résultat net fin 2022, son dernier exercice.
Mais également, Harold Coffi devra réussir à aider la filiale à franchir un nouveau cap pour tenter de prendre définitivement l’ascendant sur son rival, la CBAO, qui lui a ravi sa place de leader en 2022. Un pari en bonne voie. Fin 2023, la banque enregistrait un bond de plus de 60 % de son bénéfice et revendique depuis le début de l’année le statut de première banque du Sénégal en termes de crédit.
” Nous sommes fiers [de] … de répondre aux attentes en assurant une activité intense, diversifiée et toujours plus proche des clients, tout en ayant une forte orientation vers les résultats “, confiait-il récemment au confrère Forbes Afrique. ” Nous finançons encore plus de projets pour nos clients. Des innovations impactantes sont en cours, comme le bank to any wallet, qui est une réalité aujourd’hui “, soulignait-il.
Partira ou partira pas ?
Au niveau du Groupe, c’est bouche cousue. Aucune annonce officielle. Du côté des filiales, en Côte d’Ivoire en particulier, la consigne est bien d’assurer que la banque est encore là et travaille à son développement. Mais après les annonces, parfois surprises, de cessions des filiales – au Congo par exemple, l’Etat avait fait valoir son droit de préemption pour ensuite choisir un repreneur à sa convenance -, rien n’est à écarter.
Mais déjà les rumeurs pullulent, entre mobilisation d’investisseurs locaux désireux de reprendre ces fleurons stratégiques, ou même ingérence des Etats intéressés ou à défaut désirant avoir un droit de regard sur les éventuels acquéreurs.
Sikafinance