Un retrait du Burkina Faso, du Niger et du Mali de la Cedeao pourrait accroître les prêts non performants, même si la BIDC mettait la main sur leur part de capital. Mais au-delà de ces défis politiques, Fitch pointe d’autres indicateurs sur lesquels la banque devrait se concentrer.
Fitch Ratings a confirmé la semaine dernière la note de crédit à long terme “B” de la Banque d’Investissement et de Développement de la CEDEAO (BIDC), tout en mettant en garde contre les défis potentiels liés au retrait annoncé de certains pays membres, ceux de la nouvelle Alliance des Etats du Sahel (AES) de la CEDEAO.
Selon l’Agence de notation américaine, le fait qu’environ la moitié des prêts de la BIDC soient accordés à des souverains, dont aucun n’était en position de défaut, a été décisif dans l’amélioration de la notation moyenne du portefeuille de prêts.
« La notation moyenne du portefeuille de prêts était de ”B-”à fin 2023, inchangée par rapport à 2022. Environ la moitié des prêts sont accordés à des souverains, tous performants à fin 2023. Le statut de créancier privilégié de la BIDC sur ses expositions souveraines conduit à une amélioration d’un cran de la notation moyenne du portefeuille de prêts à “B” », indique Fitch dans son rapport.
Toutefois, alors qu’elle est en pleine phase d’expansion de son portefeuille, la BIDC, qui a vu ses prêts augmenter de 17% en 2023, pourrait faire face à un ralentissement de la croissance de ce portefeuille dans les prochaines années, en raison de l’incertitude géopolitique et économique dans la région, et de certains de ses indicateurs, note Fitch.
Certes, les prêts non performants ont été réduits à 5,7% du total des prêts à la fin de l’année 2023 contre 7,5% en 2022 et 9,8% en 2021, principalement grâce à « l’adoption de critères de souscription plus stricts et à la mise en place de nouveaux indicateurs prudentiels », que l’agence de notation salue notamment. Des réformes qui, selon elle, « commencent à porter leurs fruits » et devraient aider à maintenir les prêts non performants en dessous de 6% à moyen terme.
Cependant, l’agence avertit que le retrait des pays de l’AES, notamment le Burkina Faso, le Mali, et le Niger, qui représentent ensemble 23% du total des prêts de la banque – dont un tiers du montant est détenu par des souverains et le reste par le secteur privé – pourrait sérieusement affecter la stabilité financière de la BIDC. Celle-ci semble encore précaire d’autant plus qu’après une chute importante en 2022, les ratios de capital de la BIDC ont encore diminué en 2023, bien que légèrement, avec notamment un ratio fonds propres-actifs tombant à 29% à fin 2023 contre 31% en 2022.
Si Fitch lui-même indique s’attendre à ce que « ces ratios de capital se stabilisent », un retrait des trois pays sahéliens de la CEDEAO pourrait augmenter les prêts non performants de la banque, insiste-t-il. Et ce, malgré la possibilité pour la BIDC de retenir les 33 millions de dollars de capital versé par ces pays pour couvrir une partie des expositions brutes aux trois souverains, estimées à 124 millions de dollars. Dans un tel scénario, l’exposition nette (écart restant dû) serait encore de 91 millions de dollars (équivalant à 6% des prêts bruts à fin 2023), sapant des années d’efforts d’assainissement.
La gestion des liquidités de la banque reste également une zone de vulnérabilité. Seuls 6% des actifs liquides de la banque sont de qualité Investment grade, avec le reste logé dans des banques locales notées dans la catégorie “B” ou inférieure. De même, l’agence de ratings alerte que « les actifs liquides ne couvraient que 92% de la dette à court terme à fin 2023 ».
Mobilisation des ressources
Avec le soutien de ses actionnaires régionaux, la banque a augmenté son capital autorisé de 1,5 milliard à 3,75 milliards de dollars dès 2023, et a appelé une troisième tranche de 460 millions de dollars, une initiative saluée par Fitch.
Les apports substantiels des principaux actionnaires, avec 19,8 millions de dollars venus du Ghana en 2023 et 29,6 millions obtenus du Ghana et de la Côte d’Ivoire au premier trimestre 2024, ont apporté une bouffée d’oxygène aux ratios de capital de la banque, reconnaissent les analystes de l’agence de notation.
De même, poursuivent-ils, la banque bénéficie désormais de nouvelles sources de financement bilatérales, y compris avec d’autres banques multilatérales de développement ou partenaires bilatéraux. En mars 2022, elle a obtenu une facilité de prêt de 70 millions de dollars sur cinq ans de la Mashreq Bank (Émirats arabes unis).
La diversification des sources de financement s’est poursuivie en avril 2022 avec des prêts garantis par SERV et BPI France auprès de Commerzbank, destinés à financer des projets agro-industriels et d’infrastructures en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Burkina Faso.
Cette stratégie a également permis d’obtenir une ligne de crédit de 50 millions d’euros de Bank One Limited, avec une option d’augmentation jusqu’à 100 millions d’euros.
En novembre 2023, la Saudi Exim Bank a accordé un financement de 25 millions de dollars à la BIDC tandis qu’en octobre de la même année, Afreximbank a mis à disposition une enveloppe de 50 millions d’euros lors des Assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Marrakech.
Enfin, en mars 2024, un accord a été signé avec la Banque africaine de développement (BAD) pour une ligne de crédit bivalente de 50 millions de dollars et 50 millions d’euros.
Aussi, la banque cherche-t-elle à élargir son cercle d’investisseurs, notamment hors de sa zone régionale, puisque 30% du capital est désormais ouvert aux investisseurs régionaux.
(Agence Ecofin)