L’horizon de la dette s’éclaircit pour la Côte d’Ivoire

L’économie ivoirienne se diversifie et renforce sa résistance aux chocs externes, y compris aux tensions politiques, salue Moody’s qui souligne les efforts budgétaires de l’État.

Moody’s a relevé ses notes à l’égard de la dette de la Côte d’Ivoire, à « Ba3 » et « Ba2 » pour les émissions en francs CFA et en devises. Voilà qui place le pays dans la catégorie « moyenne inférieure » de la grille de notations de l’agence américaine, à un cran de la catégorie « moyenne supérieure » qui débute à « Ba1 ». Fort logiquement, la perspective favorable de la note passe à « stable ».

Ce relèvement reflète « la résilience économique accrue de la Côte d’Ivoire, soutenue par une diversification économique croissante, des niveaux de revenus en hausse à partir d’un niveau bas et des perspectives économiques robustes, le tout stimulé par l’augmentation des investissements du secteur privé et un historique d’améliorations régulières de la gouvernance », résume la note de Moody’s communiqué à ses clients le 1er mars 2024.

Seul motif d’inquiétudes : « Les niveaux élevés de pauvreté et l’inégalité croissante des revenus pourraient menacer la stabilité politique à l’avenir, indépendamment des taux de croissance élevés du pays. »

En outre, les efforts d’assainissement budgétaire déployés dans le cadre du programme actuel du FMI et « la gestion efficace » du profil de la dette publique se traduiront par « des améliorations durables des indicateurs budgétaires du gouvernement et une réduction des risques de liquidité ».

La perspective stable reflète des risques équilibrés à moyen terme. Moody’s s’attend à ce que la performance économique de la Côte d’Ivoire soit globalement « résistante » aux chocs émanant de la crise politique en Afrique de l’Ouest, tandis que la politique intérieure pourrait s’affaiblir. Malgré la croissance rapide de son économie, les risques d’émergence de déséquilibres importants restent faibles, en partie grâce à la stabilité financière découlant de la participation à l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et au vaste programme du FMI.

L’engagement en faveur de l’assainissement budgétaire signifie que la réduction progressive du fardeau de la dette – 50 % du PIB d’ici à 2030 – et l’amélioration des indicateurs budgétaires du gouvernement qui en découle « ne risquent pas d’être déréglés ».

Résilience et diversification

Les analystes de Moody’s observent que le PIB réel a suivi une trajectoire ascendante rapide, augmentant à un taux moyen de 7,1 % entre 2012 et 2023, et atteignant un montant estimé à 79 milliards de dollars en 2023. Moody’s s’attend à ce que cette tendance se poursuive, avec une croissance moyenne du PIB réel de 7 % jusqu’en 2026, une prévision soutenue par la mise en œuvre du Plan de développement national 2021-2025. Parallèlement, les niveaux de revenus de la nation ont augmenté rapidement à partir de faibles niveaux, renforçant ainsi sa capacité à gérer les chocs économiques ou fiscaux. Moody’s prévoit que le PIB par habitant dépassera 10 000 $ d’ici à 2030, contre 6 485 $ en 2022.

L’augmentation des investissements du secteur privé, en particulier dans les secteurs de l’énergie et de l’industrie manufacturière, soutient les perspectives de croissance, la compétitivité et la diversification de l’économie, détaillent les analystes. Notamment, au cours de la dernière décennie, la croissance de l’investissement privé a atteint 8,6 % en moyenne. La croissance et la diversification de l’économie devraient encore bénéficier de l’expansion de la production d’hydrocarbures, tirée par l’augmentation de la production des champs pétroliers offshore de Baleine.

« En complément de ces éléments, la solidité institutionnelle et la gouvernance de la Côte d’Ivoire n’ont cessé de s’améliorer depuis 2011, comme le montrent les indicateurs mondiaux de gouvernance, renforçant ainsi les performances économiques globales du pays et sa capacité à gérer efficacement les chocs. »

Le deuxième moteur de ce relèvement est l’effort d’assainissement budgétaire du gouvernement, mis en évidence par la réduction du déficit budgétaire de 6,8 % du PIB en 2022 à 5,3 % en 2023, et qui devrait continuer à s’améliorer. Cette amélioration est principalement due à une augmentation des recettes fiscales totales et à la mise en œuvre de réformes fiscales.

La mise en œuvre de nouvelles mesures fiscales l’année dernière, dans le cadre du nouveau programme du FMI, renforce la probabilité que le gouvernement réussisse dans ses efforts pour améliorer la mobilisation des recettes. Moody’s s’attend à ce que cette stratégie se traduise par une augmentation des recettes fiscales globales d’au moins 0,5 % du PIB chaque année au cours des deux prochaines années.

Un risque politique modéré

Compte tenu de ces facteurs, Moody’s s’attend à ce que le déficit budgétaire poursuive sa contraction, diminuant à 4 % du PIB en 2024 et s’alignant sur le seuil de 3 % de l’UEMOA d’ici 2025. L’assainissement budgétaire atténue aussi progressivement le risque de liquidité en réduisant les besoins de financement. D’ailleurs, l’État adopte une « stratégie proactive » en la matière, comme l’illustré la récente émission d’euro-obligations, dont une partie a été affectée au règlement de dettes extérieures et de prêts commerciaux existants, ce qui a permis d’améliorer encore le profil de maturité de la dette.

De plus, Moody’s s’attend à ce que les tensions politiques intérieures continuent à s’atténuer dans les années à venir, même si les élections de 2025 peuvent s’accompagner de tensions nouvelles. Sentiment confirmé par les élections de septembre 2023, auxquelles tous les partis politiques ont participé.  « Ceci est important compte tenu de la faiblesse relative du cadre institutionnel et de gouvernance du pays, qui reste une contrainte à long terme pour le profil de crédit de la Côte d’Ivoire, malgré les améliorations constantes apportées au fil des ans », nuance Moody’s.

Qui reconnaît : « Les niveaux élevés de pauvreté et l’inégalité croissante des revenus pourraient menacer la stabilité politique à l’avenir, indépendamment des taux de croissance élevés du pays. » Alors que les autorités continuent de donner la priorité aux efforts visant à rendre la croissance économique plus inclusive et que l’accès aux services de base s’est amélioré, l’exposition aux risques sociaux reste élevée.

Enfin, la Côte d’Ivoire reste « modérément exposée » aux risques environnementaux liés aux sécheresses, à la déforestation et à la dégradation des sols, compte tenu de l’importance du secteur agricole qui fournit des revenus aux deux tiers de la population et représente la plus grande part des recettes d’exportation.

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