Un franc CFA plus fort donne la possibilité aux investisseurs de l’UEMOA, ciblant les produits financiers, de tirer profit de la situation actuelle. Mais une analyse rigoureuse des risques et opportunités est requise pour prendre des décisions efficientes.
Le franc CFA a atteint son niveau le plus élevé face à la monnaie nigériane, dépassant les 2,45 nairas pour un franc au 15 janvier 2024, selon la Banque centrale du Nigeria. Ainsi, les investisseurs des pays de la zone franc pourraient être tentés d’y voir une opportunité, renforcée par un pouvoir d’achat devenu plus important.
Cependant, derrière l’apparente attractivité d’un franc CFA fort, l’analyse des risques inhérents au Nigeria invite à une analyse plus profonde.
La vigueur actuelle de la devise commune des pays de l’UEMOA et de la CEMAC s’explique notamment par la garantie de parité fixe avec l’euro offerte par la France. A l’inverse, la Banque centrale nigériane éprouve des difficultés à enrayer la dépréciation du naira qui a perdu près de 194% de sa valeur officielle face au dollar depuis juin 2023.
Cet écart de compétitivité monétaire peut offrir des perspectives intéressantes aux investisseurs de la zone franc CFA vivant dans la zone UEMOA, qui sont désireux de s’exposer sur le plus grand marché financier ouest-africain. En effet, le Nigeria Stock Exchange, la Bourse de Lagos, depuis le début de l’année 2024, offre une plus-value de 47% à ses investisseurs contre une perte de 1,9% pour la BRVM.
Pour autant, une bonne évaluation des facteurs risques et opportunités reste de mise avant de se lancer à l’assaut de ce marché prometteur. Déjà, la puissance du CFA devrait être relativisée. Elle est davantage le fait de la spéculation sur des ressources stables, et la vraie puissance du naira ne doit pas être ignorée.
Avec ses 33,7 milliards $ de réserves de change, le Nigeria disposait à fin décembre 2023 plus de 7,3 mois d’importations assurées à fin 2022. A titre de comparaison, l’UEMOA disposait à la même période des réserves de 9,7 milliards $. Elles étaient en baisse, et ne représentaient que l’équivalent de 3,4 mois d’importations. Ainsi, la force relative du CFA pourrait rapidement s’inverser.
Par ailleurs, l’hypervolatilité de la monnaie nigériane et l’incapacité des autorités à stabiliser un naira structurellement fébrile hypothèquent toute visibilité à moyen terme. Au Nigeria, il faut actuellement compter en moyenne 11,4 années pour rentabiliser un investissement contre 9,8 ans dans l’UEMOA. Aussi, la solide régulation sur les ressources en devises complique les transferts de capitaux et dividendes vers l’étranger. Entre opportunités à court terme et risque de confinement des capitaux, les investisseurs de la zone franc devront procéder avec discernement.
Ainsi, en dépit d’un différentiel de change historique qui rend le Nigeria plus attractif, les investisseurs de l’UEMOA notamment devront aborder toute initiative visant à y investir sur les produits financiers avec une certaine circonspection. Il sera question de saisir les opportunités en considérant les risques inhérents au Nigeria, mais aussi en évaluant clairement la forte valorisation du fcfa.
(Agence Ecofin)