Malgré les progrès accomplis au cours de la dernière décennie et ses atouts, les chocs économiques et sanitaires mondiaux ont exacerbé les difficultés de la Côte d’Ivoire, comme le manque de marge de manœuvre budgétaire et l’accès limité aux financements.
« La Côte d’Ivoire est à la croisée des chemins », écrit la Banque mondiale dans son Rapport national sur le climat et le développement consacré au pays. Si la formule peut paraître galvaudée, ses auteurs l’expliquent longuement. En dépit de ses difficultés, « le pays a aujourd’hui l’occasion de faire suivre à sa croissance une trajectoire plus durable, à la fois en répondant aux aspirations d’une population croissante et en s’adaptant mieux aux effets de plus en plus marqués du changement climatique ».
« Une croissance forte repose sur la viabilité budgétaire et la soutenabilité de la dette, qui dépendent à leur tour de la mobilisation des recettes intérieures, de la gestion responsable de la dette et des réformes économiques structurelles. »
La Côte d’Ivoire subit déjà les effets du changement climatique dont les conséquences négatives entraîneront une baisse des performances économiques et auront un impact disproportionné sur les populations pauvres. Dès lors, « faire face au changement climatique constitue un impératif national ». Ce qui passe par une transformation structurelle de l’économie, en passant des secteurs peu rémunérateurs orientés vers l’extérieur, tels que l’agriculture, à des activités industrielles et de prestation de services à plus forte valeur ajoutée. Le rapport de la Banque mondiale passe au crible diverses recommandations.
Ses auteurs entendent faire passer trois messages principaux. En premier lieu, le maintien du statu quo ne permettra plus de soutenir la croissance économique de la Côte d’Ivoire et ses ambitions de devenir un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure à l’horizon 2030, tout en réduisant considérablement la pauvreté. Le changement climatique pourrait réduire le PIB du pays de 13% à horizon 2050, si rien n’est fait.
En deuxième lieu, des secteurs économiques clés, dont le cacao et l’énergie, courent le risque de connaître des contre-performances si aucune mesure n’est prise maintenant même pour faire face aux impacts climatiques et tirer parti des mutations technologiques ou des changements réglementaires. En outre, des menaces planent sur les centres urbains, les réseaux de transports et autres infrastructures.
Enfin, en troisième lieu, « la Côte d’Ivoire n’est pas actuellement prête à faire face aux conséquences du changement climatique », préviennent les auteurs.
Un secteur privé insuffisant
Sa capacité d’adaptation en est encore à ses « balbutiements », ses institutions et sa coordination de l’action en faveur du climat sont fragmentaires, et ses politiques et programmes ne sont pas à la hauteur du défi climatique auquel sont confrontées les populations vulnérables.
Bien sûr, la croissance du secteur privé est palpable, « mais elle n’atteint pas encore son potentiel en termes de portée et d’échelle, si bien qu’elle doit encore se développer pour jouer son rôle essentiel à l’adaptation aux effets du changement climatique et à leur atténuation ».
Certes, face aux menaces, la Côte d’Ivoire a un programme ambitieux en matière de climat, en témoigne sa contribution déterminée au niveau national (CDN). Toutefois, « compte tenu du niveau d’action actuel, des ressources disponibles et des dispositifs institutionnels existants pour faire face au changement climatique, le pays aura du mal à atteindre les objectifs de la CDN », c’est-à-dire les ODD.
De plus, la Côte d’Ivoire ne dispose pas encore d’un cadre juridique et réglementaire complet conforme à ses objectifs d’adaptation et d’atténuation.
Face à cela, il existe des « approches intelligentes », explique le rapport, qui détaille par exemple le changement de « mix-énergétique » que pourrait adopter le pays, dépendant de la biomasse. Compte tenu de la baisse rapide des coûts des énergies renouvelables, « la Côte d’Ivoire a la possibilité d’assurer sa sécurité énergétique future tout en réduisant les émissions liées à l’énergie en augmentant l’utilisation des énergies renouvelables et en décarbonisant les opérations de la chaîne de valeur du pétrole et du gaz ». Sachant que le pays a un atout : le secteur de l’électricité est bien développé et a la possibilité de se développer davantage, par exemple en misant sur le solaire.
En revanche, le pays a un impératif : mettre un terme à la dégradation des terres et à l’érosion des sols, le fait est bien documenté. « Une meilleure gestion des terres pour l’agriculture de subsistance permettrait de remédier à la baisse de la productivité — un frein majeur à la réduction de la pauvreté en milieu rural — et d’accroître la résilience aux chocs climatiques. »
Des investissements à prévoir
Voilà pourquoi le pays doit freiner la déforestation, accroître la production agroforestière de cacao et améliorer encore les perspectives d’exportation du cacao. Cela passe aussi bien par des mesures agraires que de nouvelles mesures réglementaires, foncières.
En matière de développement urbain, – « un défi de productivité et de résilience aux chocs climatiques » –, la Côte d’Ivoire doit « mettre l’accent sur un exercice complet de planification urbaine », juge la Banque mondiale. Que ce soit pour les villes côtières, celles de l’intérieur, ou celles du Nord, vulnérables aux déplacements forcés en provenance des pays du Sahel.
Au plan macro-économique, « une croissance forte repose sur la viabilité budgétaire et la soutenabilité de la dette, qui dépendent à leur tour de la mobilisation des recettes intérieures, de la gestion responsable de la dette et des réformes économiques structurelles, ainsi que de la politique de la concurrence », résume la BM. Qui recommande d’intensifier la croissance de la productivité et les investissements, afin d’absorber l’arrivée d’une jeune main-d’œuvre.
Enfin, « la transition climatique de la Côte d’Ivoire dépend de l’accélération du financement des investissements intelligents face au climat », analyse le rapport.
Qui juge, selon des estimations prudentes que le pays a besoin d’investissements supplémentaires d’au moins 0,2 % à 0,4 % du PIB par an entre 2023 et 2050. Ce qui suppose de diversifier les sources de financement.
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