Nommée Directrice générale de la Boad Titrisation en avril 2022, Adji Sokhna Mbaye est passée par plusieurs places financières notamment Natixis, Citigroup et Morgan Stanley. À la tête de cette filiale de la Banque ouest-africaine de développement (Boad), l’une de ses ambitions est de standardiser la Titrisation. Une manière pour elle de bien représenter le Sénégal dont elle se dit « très très fière ».
Dans un hôtel de Lomé, c’est le défilé des sommités de la finance mondiale et africaine. D’un après-midi du jeudi 16 novembre, les forces de l’ordre togolaises déroulent le tapis rouge successivement au ministre de l’Économie et des Finances du pays, Sani Yaya et au Gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), Jean Kassi Brou. Pendant ce temps, l’espace networking grouille de monde. Au milieu des stands des différentes banques de la zone, hommes et dames, qui se voient pour la première fois, échangent leurs cartes de visite, sous une ambiance chaleureuse. Pour les anciennes connaissances, c’est le moment d’aborder les tendances du marché et les nouvelles des différents pays.
C’est dans ce lieu au cadre chic et détendu que nous a donné rendez-vous la Directrice générale de Boad Titrisation, Adji Sokhna Mbaye. À 10 heures 28 minutes, elle se pointe déjà au stand de sa structure, toute souriante, d’un teint noir rayonnant et tout de beige vêtue. Démarche lente, elle prend la peine d’échanger quelques mots avec des connaissances, avant de prendre place dans le calme et la quiétude du Vip Lounge. « Je vous remercie tout d’abord pour l’intérêt. J’avoue que je ne suis pas trop média, mais j’ai une très belle image du Soleil. D’ailleurs mon père y a publié un texte en 1986 », dit Adji Sokhna Mbaye, fière et enthousiaste à l’entame de l’entrevue. Inconnue du grand public, elle a attiré l’attention des médias à la suite de sa nomination à la tête de Boad Titrisation en juin 2022. À cette station elle se dit fière de représenter son pays mais également les femmes. « C’est l’une des missions du président (de la Boad) Serge Ekué, d’avoir une représentation plus élargie de la gent féminine pour l’accompagnement dans le développement du marché financier dans l’Uemoa, mais également la titrisation », souligne Adji Sokhna Mbaye.
Plus de 10 ans au cœur de la Finance
« J’ai effectué plus de dix ans dans les banques d’investissements en Europe, en Asie et aux États-Unis », rappelle-elle, avec fierté. Sa carrière a commencé en Asie, notamment Hong Kong, au sein de Natixis dans le desk Trading où elle passe deux ans (2012 à 2014), avant de rejoindre la place londonienne, précisément Citigroup en tant qu’analyste quantitative. Après deux ans, elle rejoint l’équipe de structuration spécialisée dans l’élaboration des stratégies quantitatives. S’ensuit une parenthèse new-yorkaise, à Citigroup, avant un retour à Londres où elle rejoint la filiale américaine de Morgan Stanley. Au sein de cette structure, elle devient rapidement Directeur exécutif des stratégies quantitatives d’investissement.
Côté études, l’actuelle Directrice générale de Boad Titrisation a fait toute sa scolarité dans des établissements français : Bac scientifique, Prépa au lycée Henri IV à Paris, ensuite l’École normale supérieure où elle était en double cursus. Elle est diplômée de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, de l’Ecole des Mines de Paris, des universités Paris-VII (Diderot) et Paris-VI (Pierre-et-Marie-Curie). Adji Sokhna Mbaye est aussi titulaire d’un certificat en négociation et de leadership obtenu à la Harvard Business School. Amoureuse de la finance et du développement, elle milite également pour le progrès des femmes tant au niveau de la responsabilité que du salaire. « Les défis aujourd’hui au niveau du genre est de continuer à avoir une représentation équilitable des femmes, d’avoir une équité salariale », indique-t-elle.
L’ambition de standardiser la titrisation
« Je suis ravi d’avoir pu convaincre Mme Mbaye de nous rejoindre au sein de Boad Titrisation et très heureux de l’accueillir parmi nous», avait témoigné le Président de la Boad, Serge Ékué. Ainsi à la tête de la filiale de ce grand groupe, Sokhna Adji Mbaye a plusieurs ambitions. L’une d’elles, est la standardisation de la titrisation. « Nous voulons standardiser la titrisation. Nous avons comme mission principale d’accompagner la mise en œuvre du plan stratégique de la Boad. Il est important que la titrisation soit un vecteur de financement pour les Pme, de financement pour les logements abordables, du développement des marchés financiers », considère-t-elle. À l’en croire, l’un des mérites de la titrisation, est sa capacité à favoriser la diversification des sources de financement. Ainsi, poursuit Adji Sokhna Mbaye, la titrisation permet d’apporter une innovation sur le marché et aux banques d’accéder à des liquidités de façon diversifiée. Ce qui permet de ne passer par des levées de fonds classiques mais de s’appuyer sur des bilans, des créances existantes qu’elles recyclent, à travers une rotation des actifs.
Alors quel est l’événement qui a marqué Adji Sokhna Mbaye ? Aucune seconde d’hésitation, elle cite, l’opération historique qui a consisté à lever, en avril 2023, 150 milliards de FCfa pour la Boad. « Nous sommes fiers d’avoir réalisé notre opération historique en levant, en avril 2023, 150 milliards de FCfa. C’est l’opération de titrisation la plus importante en termes de taille par un émetteur non souverain, mais c’est surtout une opération avec une structuration inédite. J’en parle avec autant de fierté parce qu’on nous disait que le marché financier de l’Uemoa n’était pas prêt pour ce type de transaction. Nous avons réussi à démontrer le contraire », explique-t-elle, la mine joyeuse. Le message le plus important, selon elle, est que cette opération a été suivie de très près par les investisseurs internationaux, que ce soient les banques américaines, les fonds d’impact et plusieurs gouvernements hors zone Uemoa.
« Je suis très fière d’être Sénégalaise »
À l’heure où l’émigration clandestine fait des ravages en Afrique, Adji Sokhna Mbaye se dit meurtrie, dans la mesure où, constate-t-elle, l’image de l’Occident incarnant le rêve est dépassée. « Je n’ai jamais été aussi épanouie, aussi inspirée dans ma carrière comme je le suis ici en Afrique. J’ai travaillé aux États-Unis, en Europe, j’ai grandi dans cet écosystème, mais je peux vous dire que nous n’avons rien à envier aux autres. Nous sommes riches de cultures, de potentiels. Ainsi j’aimerai dire aux jeunes et aux femmes que toutes les opportunités sont en Afrique et que tout est possible », conseille Adji Sokhna Mbaye, d’une voix étreinte par l’émotion. La culture sénégalaise ancrée en elle, la jeune dame tire la plus importante valeur qu’elle incarne de son père. Il s’agit, selon elle, de donner le meilleur de soi-même pour aller le plus loin possible. « Il faut toujours donner le meilleur de soi même, avoir l’ambition de l’excellence quel que soit le domaine, quelles que soient les circonstances. Cela favorise forcément la réussite », conseille Adji Sokhna Mbaye.
Représentant le Sénégal dans l’une des plus importantes instances régionales, Adji Sokhna Mbaye ne manque pas de clamer sa fierté de voir le « pays bouger, ses fils rayonner ». « Je suis très fière d’être Sénégalaise, très fière de le représenter, très fière de ce que les Sénégalais font au niveau international », dit-elle, toute souriante. Certes à près de trois heures de vol de Dakar, Adji Sokhna Mbaye se connecte quotidiennement au mode de vie, à l’art culinaire sénégalais grâce au « ceebu jën ». « Man ceebu jën bou wekh am soul ak beugueudj mom la beug », rigole-telle. Elle en raffole. Un saut au pays le temps d’une tour de table.
Demba Dieng (le Soleil)