Profitant d’un contexte marqué par des baisses de taux, les pays, mais aussi les entreprises ont emprunté des ressources à des niveaux records sur les marchés des capitaux du monde. Reste désormais à savoir comment cela sera remboursé, et surtout que gagneront les investisseurs.
10 200 milliards $ ont été levés sur les différents marchés des capitaux dans le monde en 2020, apprend-on d’une synthèse des données publiées par la plateforme Refinitiv du groupe médiatique Reuters.
Ce niveau de ressources mobilisées via des émissions de titres d’emprunts souscrits par des investisseurs est en hausse de 31% comparé à celui de l’année 2019. C’est aussi le niveau d’endettement le plus élevé sur les marchés des capitaux depuis 1980 que les données sont accessibles.
Cette manne a profité à plusieurs acteurs qui interviennent dans ce domaine. Pour soulager les économies face aux problèmes posés par la covid-19, les banques centrales du monde entier ont décidé de baisser leurs taux directeurs, c’est-à-dire la contrepartie qu’elles exigent aux banques pour transformer les crédits qu’elles ont accordés en argent liquide.
Le but est de permettre que les entreprises, les gouvernements, et les institutions de financement spécialisées qui faisaient face à un arrêt spectaculaire et inédit des activités puissent continuer d’accéder aux crédits et aux financements par la dette. Cette situation a conduit à une baisse du coût des emprunts, donnant la possibilité à des emprunts massifs.
Ainsi, les entreprises ayant une bonne note ont profité pour restructurer leurs dettes, et réduire les charges d’intérêts qu’elles payent. Elles ont émis pour 4800 milliards $ de dette sur la période, un record historique.
Les emprunteurs qui sont moins bien notés, c’est-à-dire perçus comme présentant des risques de non-remboursement, ont aussi profité pour avoir plus de ressources financières. Ils ont mobilisé 548,7 milliards $. Avec 222,2 milliards $ de dette contractée, les emprunts pour des projets respectueux du développement durable ont aussi été significatifs.
Enfin, les gouvernements, les institutions de financement du développement et les agences supranationales ont levé pour environ 2200 milliards $ sur le marché des capitaux.
Cette floraison des activités a profité aux grandes banques d’investissement qui se rémunèrent avec des frais de transactions sur chacune de ces opérations.
Au total, 27 665 transactions ont été dénombrées tout au long de l’année. De grandes banques américaines comme JP Morgan, Citigroup, Bank of America Securities, Goldman Sachs ou encore les britanniques Barclays, HSBC et d’autres dont Deutsche Bank, BNP Paribas, en ont pleinement profité pour compenser les pertes de revenus sur le segment banque de détails ou banque des entreprises.
Une aubaine pour les banques d’investissement, mais avec des risques cachés.
De nombreuses questions se posent toutefois aujourd’hui. L’une des plus importantes est celle de savoir qui remboursera ce montant de dette. Selon l’Institute of International Finance (IIF), une association de banques centrales basée à Washington, la dette mondiale a atteint 272 000 milliards $ au 30 septembre 2020. Plus inquiétante que la dette des Etats et institutions supranationales, c’est le niveau de dette des entreprises, notamment les plus petites.
« A 80 000 milliards $, la dette globale des entreprises (hors sociétés financières) représente 103% du PIB mondial contre 92% au quatrième trimestre 2019. En pourcentage des revenus des entreprises, l’accroissement de la dette des entreprises a été encore plus frappant. Il fait ressortir la grande différence qu’il y a entre le stock de dettes des grandes et celui des petites entreprises. Avec une dette qui vaut désormais 9 fois leurs résultats d’exploitation, les petites sociétés sont désormais beaucoup plus endettées que les grandes », peut-on lire dans le rapport de l’IIF.
Dans un contexte de croissance incertaine, les agences de notation avertissent contre des risques futurs de défauts de paiement, si le système financier ne peut pas faciliter les remboursements. L’autre préoccupation concerne certaines catégories d’investisseurs.
Pour répondre aux besoins des emprunteurs, les banques d’investissement utilisent parfois des ressources qui leur sont remises par des fonds de pension. Ces structures gèrent généralement de l’argent mis de côté par des travailleurs, afin de sécuriser leur future retraite.
Lorsqu’une part importante de leurs placements est effectuée avec une faible rentabilité, il y a le risque que cela diminue le capital qu’ils espéraient engranger dans le futur. Des analyses convergentes estiment que si ces volumes d’emprunts continuent dans cet environnement de taux bas, il y a un risque de faire face à une crise des fonds de pension.
Rappelons que bien qu’elle offre de meilleurs rendements, l’Afrique n’a pas été très active sur ces marchés des capitaux. Pour les pays de sa région subsaharienne, une complexité a été introduite avec l’initiative de suspension du service de la dette du G20 et les appuis du FMI, qui interdisait une contraction des dettes dites commerciales. Du côté des entreprises, on est resté très attentif aux évolutions de la conjoncture au niveau international.
Source: Ecofin