La météo économique de l’Afrique s’améliore progressivement, mais les nuages demeurent nombreux et obscurcissent les prévisions, juge le FMI qui pronostique une meilleure croissance en 2024 et de meilleures conditions financières.
« L’année 2023 aura été difficile, mais l’activité économique de la région devrait rebondir l’année prochaine. » Ainsi prédisent les augures du FMI dans les Perspectives économiques régionales publiées ce 10 octobre 2023.
On connaît les facteurs de cette « année difficile », inutile d’y revenir. En 2023, la croissance devrait reculer pour la deuxième année consécutive, en s’établissant à 3,3 %, contre 4,0 % l’an passé. Cependant, la croissance en Afrique subsaharienne devrait se rétablir à 4,0 % en 2024, jugent les experts du FMI qui s’interrogent donc sur l’ampleur de l’« éclaircie à l’horizon ».
Le rebond de croissance en 2024 n’est pas garanti : la pénurie de financement s’estompe, mais sévit toujours, l’endettement se stabilise, mais à un niveau élevé. Les « spreads » diminuent, mais les coûts de l’emprunt demeurent élevés.
Et qui se demande d’ailleurs si le redressement économique de la région n’a pas déjà commencé. Les données économiques, toujours longues à recueillir, montrent que l’activité globale s’est améliorée au cours du deuxième trimestre. Les coupures de courant en Afrique du Sud ont pesé sur la croissance, mais moins que redouté ; or, l’économie sud-africaine représente 19,5 % du PIB de la région.
Bien sûr, la reprise économique de la région ne dépend pas de la seule Afrique du Sud. En effet, la croissance va augmenter pour environ les quatre cinquièmes des pays de la région, ce qui marque une différence très nette avec 2023. Sachant que selon les économistes, les pays de la région dont l’économie est plus diversifiée connaîtront la croissance la plus élevée.
Pour autant, le tableau est loin d’être le même partout dans la région ; en particulier, le FMI s’attend à ce que la divergence persiste entre les pays riches en ressources naturelles et les pays pauvres en ressources naturelles. « Ces deux groupes de pays connaîtront une embellie l’année prochaine, mais pas au même rythme. » Le recul des prix des produits de base continuera à peser sur les exportations de la plupart des pays riches en ressources naturelles, mais dans l’ensemble leur croissance va s’améliorer, en passant de 2,6 % en 2023 à 3,2 % en 2024, principalement grâce à la consommation privée et, dans certains cas, grâce à la (re)mise en service de projets d’exploitation des hydrocarbures (Niger, Sénégal) et au démarrage de la production de plusieurs projets miniers (Liberia, Mali, RD Congo, Sierra Leone).
Pour ce qui concerne les pays pauvres en ressources naturelles, leur croissance devrait bénéficier à la fois de la bonne tenue de la consommation et de l’investissement, et devrait passer de 5,3 % à un niveau « impressionnant » de 5,9 %, jugent les économistes.
Des pressions inflationnistes moindres
Parallèlement, les conditions extérieures s’améliorent. L’environnement mondial demeure certes difficile, mais l’on note un certain nombre d’améliorations : fin de la pandémie, vigueur inattendue de la consommation, des conditions financières internationales qui semblent s’assouplir. À cet égard, l’écart de rendement entre les obligations souveraines des pays africains et celles des pays développés semblent se réduire, ce qui tend à améliorer les conditions de financement.
Enfin, les chaînes d’approvisionnement mondiales se sont rétablies, et les cours des denrées alimentaires et de l’énergie ont chuté. Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont baissé de plus de 20 % au cours des 18 derniers mois. Étant donné que les dépenses alimentaires représentent presque 40 % du panier de consommation des habitants d’Afrique subsaharienne, « il s’agit d’une bonne nouvelle pour une région en proie à une grave crise du coût de la vie et où la pauvreté a déjà pris des proportions inquiétantes ».
De plus, l’inflation semble s’assagir en Afrique subsaharienne, même si là encore, tous les pays ne sont pas à la même enseigne. Les pays en régime de change flexible présentent des taux d’inflation plus élevés que les pays en régime de change intermédiaire.
D’après les experts, l’inflation ne devrait augmenter au cours de l’année 2024 que dans cinq pays : l’Angola, le Burkina Faso, la Guinée équatoriale, le Niger, les Seychelles.
Enfin, les finances publiques des pays de la région se rétablissent progressivement et les niveaux d’endettement se sont largement stabilisés autour de 60 % à partir de 2021, et devraient amorcer un léger repli à partir de 2024, mettant ainsi fin à une tendance haussière qui dure depuis une décennie.
Prime aux économies diversifiées
Alors, bien sûr, le FMI nuance : « Il reste tout de même de gros nuages à l’horizon… »
Le rebond de croissance en 2024 n’est pas garanti : la pénurie de financement s’estompe, mais sévit toujours, l’endettement se stabilise, mais à un niveau élevé. Les « spreads » diminuent, mais les coûts de l’emprunt demeurent élevés.
L’inflation reste préoccupante, prévient le FMI qui redoute que dans les pays où elle persiste, les autorités ne doivent resserrer encore plus leur politique monétaire, de peur d’une hausse des prix auto-entretenue. Ce que le FMI qualifie de « second tour incontrôlé ». Cela risque de peser sur les taux de change.
Enfin, dans une perspective de moyen long terme, les perspectives de prospérité demeurent fragiles, en particulier pour les pays dont les économies sont les moins diversifiées. Car nombreux sont les habitants qui voient leurs revenus stagner, en dépit des « croissances » du PIB. Là encore, les pays à l’économie plus diversifiée présentent les meilleurs augures.
Le Magazine de l’Afrique