Les prêts garantis par les ressources naturelles sont une catastrophe pour l’Afrique, avertissent le FMI et la Banque africaine de développement

Le Fonds monétaire international (FMI) a fermement soutenu l’appel lancé par le Groupe de la Banque africaine de développement pour que les pays africains cessent de contracter des emprunts garantis par leurs ressources naturelles.

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a rencontré, jeudi 5 octobre 2023, le président du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, à Abidjan, en Côte d’Ivoire. C’est la première fois qu’un dirigeant du FMI effectuait une visite au siège de la Banque créée en 1964.

« Les prêts garantis par les ressources naturelles manquent de transparence, sont coûteux et compliquent la résolution de la dette », a déclaré M. Adesina, avertissant que si la tendance devait se poursuivre, « ce serait une catastrophe pour l’Afrique ».

L’équipe de direction du Fonds « effectuera une évaluation approfondie. Nous parlerons d’une voix forte pour dire aux pays de ne pas ouvrir la voie à des prêts prédateurs et asservissants », a répondu Mme Georgieva.

La question sera également débattue lors de la table ronde mondiale sur la dette souveraine, qui réunit des créanciers bilatéraux, des créanciers privés et des pays emprunteurs, a-t-elle précisé. Cette table ronde est coprésidée par le FMI, la Banque mondiale et la présidence du G20. L’Union africaine a rejoint le G20 en septembre en tant que membre permanent.

Mme Georgieva se rend à Marrakech, au Maroc, afin de participer aux Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du FMI, qui se sont tenues pour la dernière fois en Afrique il y a 50 ans.

La directrice générale du FMI a déclaré que sa visite en Afrique intervenait à un moment où le continent est porteur de grandes promesses pour une croissance plus dynamique dans le monde.

« Nous nous focalisons souvent sur les défis auxquels le continent est confronté parce que c’est ici que l’impact du changement climatique est le plus grave, où l’instabilité macroéconomique et financière ainsi que la dette sont amplifiées », a-t-elle souligné.

« Mais nous voulons nous concentrer sur les opportunités en Afrique pour la simple et bonne raison que le capital se trouve au Nord et qu’une population jeune se trouve au Sud, principalement ici en Afrique. Si nous ne construisons pas une passerelle pour que les capitaux puissent aller là où on en a le plus besoin, cela pourrait engendrer un problème plus important. », a poursuivi Mme Georgieva.

M. Adesina a salué les efforts audacieux déployés en 2021, au plus fort de la pandémie de Covid-19, par la dirigeante du FMI et la secrétaire au Trésor américain Janet Yellen, pour soutenir l’économie mondiale, en allouant 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS).

L’Afrique, qui compte plus de 1,2 milliard d’habitants, a reçu environ 33 milliards de dollars de DTS, ce qui représente seulement 5 % de l’allocation totale, soit la part la plus faible parmi les différentes régions du monde.

La Banque africaine de développement continue de mener des discussions et d’élaborer des modèles qui permettront de réacheminer des DTS par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement (BMD). Les BMD ont la capacité à multiplier par trois ou quatre la valeur initiale de ces ressources grâce à un effet de levier. M. Adesina a remercié le FMI d’avoir collaboré avec l’équipe de la Banque africaine de développement sur une initiative qui pourrait permettre de réacheminer les DTS par l’intermédiaire des BMD.

« En collaboration avec la Banque interaméricaine de développement, nous avons élaboré un modèle qui préserve le statut d’actif de réserve du FMI. Si vous réacheminez cinq milliards de dollars par l’intermédiaire de la Banque, nous utiliserons la puissance de notre effet de levier et cela pourrait facilement se transformer en 20 milliards de dollars de nouveaux financements pour l’Afrique », a détaillé M. Adesina.

Le président de la Banque a déclaré que cette initiative apporterait un soutien indispensable aux pays d’Afrique, où la dette post-pandémie demeure un défi de taille. « C’est plus grave pour les pays à faible revenu qui sont membres du Fonds africain de développement, le guichet concessionnel du Groupe de la Banque. Ils sont aussi les plus vulnérables face au changement climatique », a-t-il alerté.

Mme Georgieva, qui a publiquement soutenu l’initiative de la Banque sur les DTS, a précisé que les deux institutions continueraient à collaborer pour trouver des moyens de déployer les DTS en tant que capital hybride.

« Je soutiens officiellement les efforts de la Banque, et s’ils aboutissent, il y aura une expansion significative de la capacité financière des pays, qui se poursuivra même au-delà de nos années de mandat », a-t-elle déclaré.

La proposition de DTS du Groupe de la Banque africaine de développement est soutenue par les dirigeants africains ainsi que par le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres.

Mme Georgieva a également salué l’initiative de la Banque, en collaboration avec l’Union africaine, visant à mettre en place un Mécanisme africain de stabilité financière afin de protéger le continent contre les chocs exogènes tels que l’impact de la pandémie de Covid-19.

Selon M. Adesina, « l’Afrique est la seule région du monde qui ne dispose pas d’un filet de sécurité contre les chocs. L’Europe en a un. L’Asie en a un. L’Amérique en a un. Le Moyen-Orient en a un ».

Lors de son Sommet tenu en février 2022, l’Union africaine avait approuvé la proposition du Groupe de la Banque africaine de développement concernant ce mécanisme.

BAD

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