« La plus grande opportunité est l’avènement de ZLECAf » (Oumar Sangaré, Ecobank UEMOA)

Ecobank, l’une des institutions financières les plus actives en Afrique, participera au séminaire sur les chaînes de valeur durables organisé par l’Institut Choiseul le 14 septembre à Abidjan. A cette occasion, Oumar Sangaré, Directeur Corporate Business, région UEMOA de Ecobank, nous explique le positionnement du groupe bancaire panafricain sur cette thématique. 

 

Agence Ecofin : Quelle importance ce séminaire de l’Institut Choiseul revêt-il pour Ecobank ?  En participant à un tel évènement, quel message transmettez-vous aux divers acteurs économiques en Afrique ?

Oumar Sangaré : Cet évènement revêt une grande importance pour Ecobank car le thème du séminaire est au centre de notre stratégie et de notre mission qui est de contribuer au développement économique et à l’intégration financière du continent. A travers notre participation, nous voulons indiquer aux divers acteurs économiques en Afrique que notre Banque est présente à leurs côtés afin de les supporter pour créer des chaînes de valeur durables.

EA : Comment Ecobank s’implique-t-elle dans la création ou le soutien de chaînes de valeur durables sur le continent africain, notamment en Afrique de l’ouest où les industries sont encore naissantes ?

Oumar Sangaré : En tant qu’institution financière, nous soutenons la création de chaînes de valeur durables sur le continent africain à travers les financements que nous octroyons, mais aussi à travers notre vaste palette de produits et services (gestion de trésorerie, commerce international, conseils, etc.) qui permettent aux entreprises de se développer. Nous contribuons également aux réflexions en cours sur le sujet à travers notre participation à des séminaires tels que celui organisé par l’Institut Choiseul.

EA : Ecobank a-t-elle des projets en cours ou prévus en partenariat avec des acteurs locaux pour favoriser des chaînes de valeur durables ?

Oumar Sangaré : Nos premiers partenaires sont nos clients que nous accompagnons avec nos financements et autres produits. Nous sommes également en partenariat avec des Institutions Financières de Développement tels que Proparco ou la BAD pour ne nommer que celles-là, qui contribuent aux financements, mais qui participent également aux réflexions que nous menons pour apporter des solutions innovantes à cette problématique. Parallèlement à cela, la holding du Groupe Ecobank, ETI, a été la première institution financière d’Afrique subsaharienne à émettre des obligations Tier 2 conformes aux normes de développement durable d’un montant de EUR 350 million, et qui servent à financer des projets conformes à notre cadre de financement durable.

EA : Combien avez-vous dédié aux projets durables ces dernières années ? Que représentent ces projets dans le portefeuille d’Ecobank (région Uemoa) ?

Oumar Sangaré : Le Groupe Ecobank a dédié plusieurs centaines de millions de dollars aux projets durables ces dernières années. Sans donner de chiffres précis, nous pouvons affirmer que ces projets représentent déjà une part considérable de notre portefeuille dans la région UEMOA, et nous comptons l’augmenter dans les années à venir.

EA : Lorsqu’on parle de financement durable, quels sont les secteurs qui bénéficient le plus de l’attention d’Ecobank ?

Oumar Sangaré : Les principaux secteurs sont :

  • l’agro-industrie avec notamment la transformation de matières premières telles que le cacao, le coton, l’huile de palme, l’hévéa, le soja, etc
  • l’industrie : à titre d’exemple nous avons participé aux cotés de la SFI au financement d’ une unité de production «  bas carbone » pour une cimenterie au Sénégal qui transforme le calcaire extrait localement. Il s’agissait du premier financement de la SFI au profit d’investissement durables dans le secteur des matériaux de construction en Afrique
  • les infrastructures : nous avons participé au financement de la zone industrielle d’Adétikopé au Togo (PIA) au sein de laquelle des industries pourront transformer des matières premières locales et produire des biens durables. A titre d’exemple, une société d’assemblage de motos électriques y est installée.

EA : L’Afrique est un continent où d’importantes infrastructures de transformation restent à construire dans les prochaines décennies. Contrairement à d’autres continents, le terme transition semble inadapté. Comment Ecobank envisage-t-elle le financement de la durabilité comme un levier pour influencer positivement ces projets d’infrastructures, en plus des chaînes de valeur traditionnelles ?

Oumar Sangaré : Effectivement, la durabilité est un enjeu mondial qui fait partie des priorités de tous les décideurs et à ce titre, elle peut servir de levier pour accélérer le développement d’infrastructures de transformation. Ecobank continuera à faire bénéficier son expérience en termes de levée de fonds « verts » aux privés, mais aussi aux Etats en les conseillant et en les accompagnant dans cette démarche. Ces fonds seront une source de financement additionnelle pour ces projets d’infrastructures, et permettront d’accélérer leur mise en place.

EA : Une banque vise principalement le profit. Dans un environnement où les modèles économiques liés au développement durable ne sont pas encore totalement éprouvés, comment Ecobank concilie-t-elle l’objectif de rentabilité avec son engagement envers la création de chaînes de valeur durables et résilientes en Afrique ?

Oumar Sangaré : Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles. La mise en conformité aux normes de développement durables peut affecter la rentabilité du projet du point de vue du promoteur, mais n’a pas d’impact sur la rentabilité d’un financement pour la Banque. Au contraire, à nos yeux, la durabilité d’un projet est une valeur ajoutée qui fait partie de nos critères de sélection, en ligne avec notre engagement de soutenir la création de chaînes de valeur durables et résilientes en Afrique.

EA : Alors que l’adaptation climatique est une composante incontournable des projets de développement en Afrique, face au changement climatique, ce domaine a traditionnellement été géré par le secteur public en raison de sa faible rentabilité supposée. Le secteur privé ne s’y aventure que rarement.  Au-delà des initiatives de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), comment Ecobank s’engage-t-elle pour aborder cette problématique cruciale ?

Oumar Sangaré : Effectivement, ce domaine a traditionnellement été géré par le secteur public car cela fait partie de ses prérogatives. Toutefois, nous accompagnons les Etats dont les budgets servent à mettre en place des politiques pour faire face à cette problématique

EA : Quels sont les principaux défis et opportunités que vous identifiez pour les entreprises cherchant à développer des chaînes de valeur durables en Afrique ?

Oumar Sangaré : Les principaux défis sont l’accès au financement, le déficit d’expertise technique, le manque de profondeur des marchés nationaux/régionaux et le manque de compétitivité face à la concurrence mondiale dans certains secteurs.

La plus grande opportunité est l’avènement de ZLECAf qui permettra à terme aux entreprises africaines de vendre leur produits et services au-delà de leurs marchés nationaux, au sein d’un marché unique africain sans frais douaniers. Elle encouragera les investissements directs étrangers et permettra également de rendre nos industries plus compétitives grâce à la réduction des couts de production. Selon les simulations de la CEA (Commission Economique pour l’Afrique des Nations Unies), la mise en œuvre de la ZLECAf devrait générer à l’horizon 2045, un accroissement des échanges intra-africains de 33,8 % (seulement moins de 20 % en 2020). Nous encourageons les entreprises africaines à investir dans le développement des chaines de valeur afin de pourvoir tirer profit des avantages de la ZLECAf. Afin d’aider les entreprises africaines dans ce sens, Ecobank a créé l’Espace d’échanges commerciaux au sein du Marché Unique qui est une plate-forme de mise en relation en ligne permettant de trouver des clients ou fournisseurs dans les pays où nous sommes présents. Cet Espace est aussi une source d’information sur la ZLECAf..

Agence Ecofin

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