Jeremy Awori, CEO Groupe Ecobank TI «Notre vision est de construire une banque de classe mondiale et contribuer à l’intégration financière et économique de l’Afrique !»

En fonction depuis mars 2023 en tant que CEO du premier groupe bancaire panafricain, le banquier kenyan Jeremy Awori a accordé un entretien exclusif à Financial Afrik. Un tour d’horizon qui a porté sur les perspectives de Ecobank Transnational Incorporated (ETI), ses choix prioritaires pour relever le niveau de rentabilité, le cas de certains pays stratégiques et la decorrélation entre le cours de l’action du groupe et ses fondamentaux. Exclusif. 

 

Vous êtes depuis quelques mois à la tête du Groupe Ecobank TI, le premier groupe panafricain par son réseau géographique. Quelles sont les actions que vous jugez prioritaires ?

Depuis mon installation, je suis allé à la rencontre de nos principaux collaborateurs. J’ai visité 14 pays, rencontré des régulateurs, des partenaires, des clients, des directeurs de filiales et leurs staffs. Notre vision que j’ai héritée de mes différents prédécesseurs est de construire une banque de classe mondiale et contribuer à l’intégration financière et économique de l’Afrique.

A ce propos, la Zone de libre-échange continental (ZLECAf) revêt une importance particulière dans nos perspectives. Nous nous positionnons comme une banque qui facilite les échanges commerciaux en Afriuqe, au sein des pays et entre différents pays. Actuellement, nos services couvrent 35 pays du continent dont l’Ethiopie et l’Afrique du Sud (NDLR : Ecobank couvre ces deux pays bien que n’y disposant pas encore de licence bancaire), un espace où les paiements et les transferts d’argent se font en temps réel à travers notre plateforme, un guichet unique permettant aux opérateurs économiques, aux PME et aux entreprises de toutes catégories, d’obtenir un accompagnement technique et financier dans leurs opérations import-export, dans leurs démarches d’investissement. En outre, la plateforme donne aux opérateurs accès à del’information nécessaire pour conduire leurs affaires. Notre plateforme est en plus une passerelle intra-africaine mais aussi un pont entre l’Afrique et le reste du monde. Nous offrons des solutions multiples aux petites entreprises, contribuant à l’inclusion financière à des prix compétitifs. Les PME, moteur de l’économie, y compris celles qui sont informelles, bénéficient de toute l’assistance technique à travers notre plateforme ou au sein de nos agences. Ecobank est une banque inclusive.

L’autre priorité pour nous est le Nigéria, l’un de nos plus grands marchés où nous avons un saut quantitatif et qualitatif à faire à la hauteur du potentiel de la première économie ouest-africaine. Les autres marchés ne sont pas en reste, notre objectif étant aussi d’accompagner les opérateurs économiques et les PME dans leurs stratégies de croissance. Notre positionnement est aujourd’hui clair. Sur 15 marchés, nous sommes numéro un ou deux (cas de la Côte-d’Ivoire, du Sénégal et, entre autres, du Ghana), ce qui nous positionne pour accompagner le déploiement de la ZLECAf. Nous voulons nous diversifier davantage, en passant d’une banque avec une forte influence corporate à une banque universelle reconnue également pour ses services de la banque de détail, délivrant du crédit à la consommation et ses services aux PME. Notre plateforme offre un guichet unique exclusif aux opérateurs de toutes catégories avec l’avantage du paiement en temps réel.

Votre bilan est consolidé en dollar. Comment vous couvrez-vous contre les risques de dépréciation des monnaies de pays dans lesquels vous êtes présent ?

En effet, en tant que banque présente dans 35 pays, nous faisons face aux dépréciations de certaines monnaies locales par rapport au dollar. La force du groupe ETI reste cependant la diversification de sa présence. Etant présent en zone UEMOA reliée a l’euro, au Nigeria avec ses propres réalités, en Afrique Centrale et de l’Est, nous bénéficions d’une sorte de ‘hedging naturel ’ du fait de la dispersion des risques de change. De même, certains de nos revenus sont aussi libellés en dollars. En outre, les fonds du capital social de nos filiales sont en monnaies locales, ce qui limite ce risque de change. Toutefois, nous le reconnaissons, le risque de dépréciation est réel. Si vous considérez le premier semestre 2023, notre résultat avant impôt est en hausse de 67 % en monnaies locales constantes depuis le début de l’année. La conversion en dollar entraine une dépréciation de 18%. C’est un challenge sur lequel nos équipes disposent d’un savoir-faire et des stratégies.

Ecobank est cotée sur trois places financières ouest-africaines. Cette exposition n’est-elle pas finalement destructrice de valeur quand on voit le faible niveau de valorisation du groupe comparé à certaines de ses filiales ?

D’abord, il faut dire que la raison qui prévalait au moment de l’introduction en Bourse dans les places du Ghana, du Nigeria et de l’UEMOA était de permettre au plus grand nombre d’acheter des actions Ecobank. De plus, c’était une stratégie pour supporter la croissance des marchés capitaux dans ces pays. Il y a eu des périodes d’importantes baisses mais sur une base annuelle, le cours de ETI est en augmentation jusqu’à 42% sur ces places financières. Au lieu de nous focaliser sur le cours, en interne, nous travaillons pour générer plus de valeur de profits et de dividendes pour les actionnaires.

Vous avez rejoint récemment la plateforme PAPPS d’Afreximbank. Qu’attendez-vous de cette plateforme ?

La première chose c’est de booster les échanges commerciaux interafricains limités actuellement entre  14 et 15 % des échanges du continent avec le reste du monde. Comme le relevait la CNUCED, en portant ces échanges à 33%, l’on réduit le déficit de 51%. La plateforme PAPPS réduit les délais de paiement entre fournisseurs et clients et facilite les paiements transfrontaliers. Notre plateforme s’inscrit en complément au PAPPS.

Pour finir, quel rôle doivent jouer les grandes banques comme Ecobank pour accélérer la ZLECAf ? 

Le marché commun africain est fort de 1,4 milliard de consommateurs. Ecobank offre un service inclusif accessible à tous les acteurs. La digitalisation permet de toucher les populations autrefois exclues.  Le rôle des banques c’est d’accompagner cette intégration en offrant des solutions pratiques et abordables pour les opérations transfrontalières.

Propos recueillis par Adama Wade

Source: www.financialafrik.com

Author: admin