Baidy Agne , Président du CNP
Les manifestations violentes qui ont secoué notre pays pendant trois jours au début de ce mois de juin ont provoqué des dommages incommensurables à l’économie nationale. Presque tous les secteurs de la vie économique ont été impactés. Le numérique, le transport, les banques, les services de transfert d’argent, les espaces de vente, les stations service…Des destructions estimées à des milliards de francs CFA avec des dégâts collatéraux à n’en plus finir. C’est dans ce cadre que les acteurs concernés se sont réunis hier au Conseil national du Patronat (CNP) en présence du président de cette organisation, Baïdy Agne. Les bilans établis par les victimes des saccages, incendies et pillages sont tout simplement hallucinants !
Juste après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à une peine de deux ans de prison ferme, le Sénégal s’est embrasé. Casses, incendies, vols, pillages sur fond de pertes en vies humaines… Une vague de violences sans précedent a déferlé sur le territoire national. L’économie, en particulier, a payé un lourd tribut à ces destructions qui ont touché pratiquement tous les secteurs. Dix jours après ces émeutes, le Conseil national du Patronat (CNP) faisait ses comptes hier sous la présidence de Baïdy Agne, le patron des patrons.
Plus de 3 milliards de pertes pour les banques
L’un des secteurs qui le plus fait les frais de ces violences, pillages, saccages et incendies, c’est sans nul doute celui des banques. En effet, si on se réfère aux chiffres avancés par Bocar Sy, les dégâts sont plus qu’importants. Selon le président de l’Association des Banques et Établissements financiers du Sénégal, des milliards sont partis en l’air. ”Au total, nos trente-et-une (31) agences ont été impactées. Il y a eu des destructions d’enseignes, de gabs (Ndlr, guichets automatiques de banques), des incendies…Déjà, il est important de savoir que le coût de la remise en état d’une seule agence, c’est 150 millions de francs CFA. Donc il y a plus de 3 milliards par estimation pour les 31 agences”, a-t-il fait savoir sans oublier de rappeler le traumatisme des clients ou collaborateurs causé par les dégradations, les exactions, les humiliations etc.
Comme le secteur des banques, celui des transports aussi a été gravement impacté. Par la bouche de Mouhamed Abdoulaye Diop, président du Syndicat des Auxiliaires du Transport du Sénégal, ce secteur a lui aussi fait ses comptes après la vague de violences. Selon lui, “cette situation a concerné toute l’Afrique car le Sénégal est un patrimoine africain. Ce n’est pas seulement pour les Sénégalais”. Il s’est surtout appesanti sur les pertes enregistrées par le port de Dakar.
”Le port de Dakar est en compétition avec ceux d’autres pays voisins qui ont aujourd’hui trois places portières. Malheureusement, durant les violences, on a eu des clients, des bateaux de plus de 50.000 tonnes pleins de blé, d’engrais…destinés au Mali qui ont déviés vers d’autres ports. Lorsque la ville était bloquée pendant trois jours, les navires ne pouvaient pas opérer et les conséquences étaient graves”, se désole Mouhamed Abdoulaye Diop.
La coupure d’internet et son lot de conséquences
Pourtant indispensable à notre époque, la connexion internet a été restreinte voire coupée au Sénégal lors des émeutes pour officiellement « couper la transmission des messages de haine » mais aissi désorganiser la chaîne de commandement des émeutiers. Bien évidemment, cette mesure prise par les autorités étatiques n’a pas manqué d’affecter négativement l’économie numérique. Comme il est connu de tous, les services de transfert d’argent ou de transactions financières dépendent sur internet. L’exemple de Wave est patent. D’après Coura Sène, directrice générale de Wave, le service a connu une baisse de 40% des utilisations durant les trois jours de manifestations. Cette situation a impacté plus de 7 millions de clients, selon toujours Mme Sène. Qui s’est toutefois gardée d’évoquer le blocage de la plateforme de Wal Fadjri ordonnée par le gouvernement pour torpiller la campagne de collecte de fonds lancée en faveur de nos confrères…
En outre, d’après les estimations de Abdou Karim Mbengue, responsable à la Sonatel, le secteur du numérique a été frappé par des dégâts estimés à 677 millions de francs CFA. Ce, à cause de la destruction d’agences et autres. À l’en croire, il y a 309 kiosques Orange money détruits pour un montant de 4,5 millions de francs CFA l’unité. De plus, il y a une agence « smart » ultramoderne d’un coût de 500 millions de francs inaugurée récemment et qui a été détruite. En attendant les réparations des agences et autres biens étruits, plus de 300 personnes seront mises au chômage technique.
Auchan, l’une des cibles principales des casseurs.
Chaque fois qu’il y a des manifestations violentes, les magasins Auchan sont particulièrement ciblés. Or, la chaîne française de distribution fait travailler 2 300 collaborateurs sénégalais, 600 fournisseurs et plus d’un millier de prestataires. D’où le coup de colère de Momar Seyni Lô de Auchan Sénégal :“Malheureusement, les magasins restent des cibles en 2023. Cette fois-ci, sept d’entre eux ont été attaqués et pillés. Au vu de la situation d’arrêt collectif et momentané de travail, plus de 300 collaborateurs risquent d’être mis au chômage technique jusqu’à nouvel ordre conformément aux dispositions de l’article L.65 du Code du Travail. »
A côté des magasins Auchan, les stations service constituent l’autre cible privilégiée des fauteurs de troubles. Pendant les récentes violences, beaucoup d’entre elles ont subi la furie des manifestants. Les nombreux dégâts enregistrés par ces stations ont été listés par Mohamed Chaabouni, directeur général de Vivo Energy Sénégal. Selon lui, une centaine de stations service ont été impactées durant les trois jours de violences. Total, qui a subi le plus de dommages, a vu 27 de ses stations saccagées. Ola et Elton déplorent respectivement 6 et 5 stations détruites. Petrosen aussi a été touchée dans sa station phare à Diamniadio. Selon M. Chaabouni, les dégâts vont dépasser les 3 milliards de francs CFA qui viennent s’ajouter aux 3,5 milliards de dommages enregistrés en mars 2021. ”Nous sommes aussi dans un contexte très difficile où la dette, au titre commercial, s’est élevée suite au conflit russo-ukrainien depuis l’année dernière à plus de 146 milliards de francs CFA. Donc l’État nous doit plus de 146 milliards au titre du carburant importé”, a-t-il indiqué.
Le Témoin