Le cri d’alarme d’Akinwumi Adesina

Le manque de financement adéquat pour lutter contre le changement climatique en Afrique est devenu catastrophique et étouffe le continent, considère le président du Groupe de la Banque africaine de développement.

 

Akinwumi Adesina a tenu une conférence de presse auprès de dizaines de journalistes d’Afrique et du monde à l’occasion du lancement des assemblées annuelles 2023 de la BAD (Banque africaine de développement) à Sharm El Sheikh, en Égypte. Le président du groupe de la BAD a notamment reproché aux pays développés de ne pas honorer la promesse de financement de 100 milliards de dollars par an qu’ils ont faite aux pays en développement pour lutter contre le changement climatique. Un discours réitéré lors de l’ouverture des Assemblées de la BAD.

« Si l’Afrique avait cet argent, le Sahel aurait de l’électricité. Si l’Afrique avait cet argent, nous rechargerions le bassin du Tchad, qui a fourni des moyens de subsistance à des millions de personnes au Tchad, au Nigeria, au Niger et au Cameroun. »

Aussi a-t-il exorté les journalistes présents à « transmettre les nouvelles », en l’occurrence « les efforts déployés, les défis rencontrés et l’extrême urgence d’obtenir le financement climatique dont l’Afrique a tant besoin ».

Les Assemblées générales de la BAD placent au cœur de leur problématique les moyens pratiques de « mobiliser le financement du secteur privé pour le climat et la croissance verte en Afrique », conformément au thème des assemblées de cette année.

« L’Afrique a besoin d’être accompagnée pour s’adapter au changement climatique et le maître-mot, c’est la mobilisation des financements. Nous avons besoin de tous les capitaux, que la provenance soit locale ou étrangère. »

Ce thème a été choisi pour attirer l’attention sur le besoin urgent de financement de la lutte contre le changement climatique. « Où que l’on regarde en Afrique aujourd’hui, le changement climatique fait des ravages », a déclaré Akinwumi Adesina. Dans le Sahel, les températures plus élevées assèchent les réserves d’eau, provoquant un stress hydrique pour les cultures et le bétail et aggravant l’insécurité alimentaire. La restauration du bassin du lac Tchad devient une priorité ; elle permettra de réduire la crise sécuritaire de la région, juge la BAD.

Dans de vastes régions d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, ainsi que dans la Corne de l’Afrique, la combinaison de sécheresses et d’inondations entraîne des pertes massives en termes de population et d’infrastructures, ce qui se traduit par un nombre croissant de réfugiés.

 

La transition énergétique n’est pas négociable

Il reste encore beaucoup à faire, car le financement du secteur privé africain en faveur du climat devra augmenter de 36 % par an. Pourtant, la BAD a consacré 63 % de son financement à la lutte contre le changement climatique, soit le taux le plus élevé de toutes les banques multilatérales de développement.

Par exemple, le nouveau guichet d’action climatique de la BAD soutiendra des millions d’agriculteurs en leur permettant d’accéder à des semences résistantes au climat. L’institution a également lancé l’initiative Desert to Power pour développer 10 000 mégawatts d’énergie solaire au profit de près de 250 millions de personnes dans le Sahel. Le président de la BAD a salué l’action de certains « pilotes » en matière d’énergie solaire, comme le Maroc.

Pour autant, a plaidé une nouvelle fois Akinwumi Adesina, il n’est pas question pour l’Afrique de renoncer aux énergies fossiles ; si l’investissement dans la transition énergétique « n’est pas négociable », les Africains doivent pouvoir exploiter leurs ressources, notamment le gaz.

Akinwumi Adesina a salué certaines initiatives africaines comme le plan Maroc vert.
Akinwumi Adesina a salué certaines initiatives africaines comme le plan Maroc vert.

La BAD et le Centre mondial pour l’adaptation ont lancé le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP) afin de mobiliser 25 milliards $ pour soutenir l’adaptation de l’Afrique au changement climatique. Elle a également créé l’Alliance pour les infrastructures vertes (AGIA), en partenariat avec d’autres institutions, afin de mobiliser 10 milliards $ d’investissements privés pour les infrastructures vertes.

Et pourtant, selon les estimations de la BAD, l’Afrique aura besoin de 2 700 milliards $ d’ici à 2030 pour financer ses besoins en matière de changement climatique.

Et Akinwumi Adesina de marteler : « Si l’Afrique avait cet argent, le Sahel aurait de l’électricité. Si l’Afrique avait cet argent, nous rechargerions le bassin du Tchad, qui a fourni des moyens de subsistance à des millions de personnes au Tchad, au Nigeria, au Niger et au Cameroun. Tout changera dans tous ces pays ; nous reverdirons le Sahel. Nous assurerons chaque pays africain contre les événements climatiques catastrophiques. »

De son côté, le capital naturel mesuré de l’Afrique est estimé à lui seul à 6 200 milliards $ ; s’il est bien exploité, ce capital peut stimuler la croissance économique rapide et la création de richesses.

Le Magazine de l’Afrique

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