Après 4 relèvements des taux directeurs par sa banque centrale (BCEAO), la zone UEMOA devrait connaître un repli de l’inflation. Mais les dynamiques de cette évolution ne sont pas maitrisées et les investisseurs restent prudents sur le long terme.
Répondant à une question posée par l’Agence Ecofin lors d’une rencontre avec des journalistes au siège du FMI, à Washington DC, Abebe Aemro Selassie, le directeur pour l’Afrique du Fonds a reconnu le caractère importé de l’inflation dans la sous-région couvrant l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA).
« Oui, dans une large mesure, nous avons constaté que la pression sur l’inflation a été importée. Ainsi, si vous êtes un pays importateur de pétrole, vous êtes confronté à des prix internationaux du pétrole plus élevés en ce moment… Et cela constitue une source d’inflation. De même, les prix des denrées alimentaires ayant augmenté après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cela représente également un canal par lequel l’inflation a augmenté » a reconnu le responsable.
Face à cette situation qui relève davantage de l’exposition à une situation extérieure qui s’est dégradée, M. Selassie a pourtant défendu l’option d’un recours à des politiques de durcissement des taux par les banques centrales. « Ce que nous ne pouvons pas dire, c’est qu’augmenter les taux d’intérêt ne fonctionne pas. Bien sûr, cela fonctionne, car c’est la réponse standard de la politique monétaire », a-t-il expliqué.
Cette position est en ligne avec les perspectives ajustées de l’économie mondiale qui indiquent que, dans la plupart des pays de l’UEMOA, le rythme d’évolution des prix devrait se retrouver dans les normes communautaires (+ ou – 2%) dans la plupart des pays sur les périodes 2023 et 2024. Mais il n’est pas certain que ce sont les 4 relèvements des taux de la banque centrale depuis juin 2022 qui ont soutenu cette amélioration.
Dans son plus récent rapport de politique monétaire, la BCEAO a indiqué que l’assouplissement de l’inflation dans ses pays membres était lié à deux facteurs : le premier est d’ordre extérieure. La normalisation des taux de change avec le dollar US qui a réduit la facture des importations, souvent supérieures aux exportations. Le deuxième est de nature interne, mais concerne l’amélioration des rendements agricoles qui a réduit la pression sur les prix. Il faut rappeler que le secteur de l’alimentation est celui qui tirait les prix vers le haut dans tous les pays.
Aussi, la non-transmission de la politique des augmentations des taux de la BCEAO aux économie de l’UEMOA peut se vérifier à travers les statistiques de la masse monétaire publiées par la banque centrales. A la fin décembre 2022, sa composante constituée des encours de crédits à l’économie avait atteint les 51 760 milliards de FCFA, en hausse de 20,2% comparée à celle de la même période en 2021. Ainsi, malgré des taux en hausse les banques ont continué de prêter à l’économie à un rythme plus soutenu, car en 2021, la hausse des encours nets de crédits à l’économie était seulement de 16,5%.
Il n’est pas exclu que cette tendance s’inverse, mais ce sera au détriment de la quelque centaine des banques actives dans cette sous-région. Des taux de refinancement élevés ont réduit leurs marges, alors qu’elles sont les principaux investisseurs des obligations émises par les Etats. Au cours du premier trimestre 2023, on a noté comme un ralentissement de la participation aux emprunts des Etats et surtout un positionnement sur les emprunts à court terme. Mais il faudra attendre pour bien comprendre les mécanismes derrière ce phénomène.
Le directeur Afrique du FMI semble conscient de cet état de chose, car il a aussi rappelé qu’il y a un besoin de bien analyser les dynamiques de l’inflations dans la zone UEMOA, afin de distinguer celles qui sont le fait des facteurs importés, et celles qui relèvent d’une hausse de la demande intérieure. Une analyse de ce type a déjà été menée par l’équipe de la plateforme Ecofin Pro, qui apporte une contribution africaine à cette discussion globale.
(Agence Ecofin)