Serge Eku, Président de la BOAD
Comme l’avait martelé Serge Ekué lors d’un forum sur la question à Lomé en novembre dernier, la titrisation est « la seule opération » qui pourrait aider à décupler le bilan des banques locales, un excellent outil qui « va nous permettre d’améliorer la contribution du secteur financier aux plans nationaux de développement ».
La Banque ouest-africaine de développement (BOAD) vient de lancer une opération de titrisation de 150 milliards FCFA (246 millions de dollars).
A travers cette opération, la BOAD cherche à transformer des prêts souverains qu’elle a octroyés à ses Etats membres en titres négociables sur le marché financier régional. Ce mécanisme devrait lui permettre de mobiliser rapidement des fonds pour financer une partie du plan Djoliba, son programme stratégique d’investissements qui s’étend de 2021 à 2025, comme l’indique Adji Sokhna Mbaye, directrice de BOAD Titrisation.
Cette entité est le véhicule de la BOAD en charge de la gestion des Fonds communs de titrisation de créances (FCTC), entité financière créée pour regrouper des créances financières ou des dettes en un seul ensemble, qui est ensuite converti en titres négociables sur le marché financier.
Selon Adji Sokhna Mbaye, les fonds levés à l’issue de cette opération qui se déroule du lundi 20 mars au 3 avril prochain seront injectés dans des projets prioritaires ayant des impacts sur la création d’emplois, la production d’eau potable et de riz, la construction de routes, le PIB des Etats, la production d’énergie et la réduction des émissions de CO2.
Trois sociétés de gestion et d’intermédiation (SGI Togo, Impaxis Securities et NSIA Finance) sont retenues pour former le consortium chargé du placement des obligations (titres) sur le marché financier régional au taux annuel de 6,10 % pour une maturité de 2,8 ans (84 mois).
Pour la DG de BOAD Titrisation, l’opération de titrisation proposée offre un des meilleurs rendements-risque sur le marché. En effet, détaille-t-elle, les créances sous-jacentes bénéficient d’un statut de privilégié avec une très haute séniorité et une notation AAA, ce qui signifie qu’elles ont la priorité en cas de défaut de paiement. De plus, le fait que la BOAD soit considérée comme étant la seule à avoir une notation Investment Grade dans la zone UEMOA devrait renforcer la confiance des investisseurs.
Par ailleurs, avec la présence d’une tranche junior de 1 % souscrite entièrement par la BOAD, qui est une catégorie de titres moins prioritaires dans l’ordre de remboursement que les tranches seniors, l’institution basée à Lomé indique vouloir renforcer l’alignement d’intérêts avec les investisseurs.
Selon les détails fournis par Adji Sokhna Mbaye, un compte de réserve de 5 % minimum sera mis en place, afin d’offrir une protection aux investisseurs en cas de pertes imprévues sur les créances souveraines sous-jacentes.
Autant d’atouts qui devraient, selon l’institution de financement du développement, aiguiser l’appétit des investisseurs régionaux, qui « cherchent des investissements avec des rendements stables et prévisibles, ce qui correspond parfaitement aux caractéristiques de cette opération ».
Timing favorable ?
Avec le contexte régional difficile caractérisé par une tension sur les liquidités, est-ce que cette opération a une chance de réussir ? Surtout que récemment, les annulations d’opérations de levées de fonds se sont multipliées sur le marché régional de la dette. Les derniers exemples en date sont les émissions obligataires par adjudication du Bénin et du Mali sur le marché des titres publics, qui ont été reportées à la veille des délibérations.
A cette interrogation, Kokouvi Etsè, directeur général de SGI TOGO, l’une des trois SGI retenues pour l’opération, essaie de tempérer : « la BOAD est un émetteur de référence sur notre marché financier et tous les investisseurs dans une optique de diversification souhaitent toujours avoir les titres de cette dernière dans leurs portefeuilles. Les titres sont émis via un véhicule de titrisation des créances saines de la BOAD sur des Etats […] au regard de sa qualité de signature, les émissions antérieures de la BOAD ont été soldées et clôturées avec succès sur le marché financier régional.
Contenir le ratio d’endettement
Cette opération permet à la banque de développement basée à Lomé de lever des ressources supplémentaires sans recourir à l’endettement, alors qu’elle tente d’augmenter ses fonds propres pour faire face aux besoins de financement induits par les projets de développement des Etats, ainsi que les besoins du secteur privé, placé au centre de son plan Djoliba. L’autre paire de manches est le ratio/emprunt, qui a atteint les 250 % en 2019. Un indicateur que Serge Ekué s’évertue à contenir depuis son arrivée à la tête la Banque.
L’opération d’augmentation de capital devrait desserrer un tant soit peu l’étau. Au demeurant, la banque aura besoin d’un renforcement de capital de 554 milliards FCFA pour mobiliser un financement total de 5 milliards d’euros sur la période 2021-2025 nécessaire pour dérouler sa feuille de route.
(Agence Ecofin)