Pour la quatrième fois en neuf mois, la Banque centrale ouest-africaine relève ses taux directeurs, redoutant une spirale inflationniste. Sa décision est facilitée par des niveaux de croissance et de liquidités satisfaisants, dans l’Union monétaire.
Le CPM (Comité de politique monétaire) de la BCEAO (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest a une nouvelle fois décidé, le 1er mars, relever de 25 points de base son principal taux directeur. À compter du 16 mars, la Banque centrale prêtera ses ressources aux banques à un taux de 3,00%. De même, le taux d’intérêt sur le guichet de prêt marginal passe de 4,75% à 5,00%.
Cette hausse, qui est la première de cette année 2023 et la quatrième depuis juin 2022, s’inscrit dans le cadre de « la normalisation graduelle de la politique monétaire de la Banque centrale », explique le CPM dans un communiqué. Elle devrait contribuer à ramener l’inflation dans l’intervalle cible de la Banque Centrale (1% à 3%) sur le moyen terme. Jean-Claude Kassi Brou considère que la politique monétaire est « calibrée » pour lutter contre l’inflation sans nuire au dynamisme de la croissance économique.
Bien que le taux d’inflation dans l’Union ait commencé à baisser, il reste encore à un niveau élevé. Il s’est situé à 6,0% en janvier 2023 après 7,0% en décembre 2022. La baisse observée a été notamment soutenue par les bons résultats de la campagne agricole 2022-2023 ainsi que par les mesures de politique monétaire prises par la Banque centrale et les efforts des États pour lutter contre la vie chère.
Toutefois, le taux d’inflation est ressorti supérieur à 7,0% en janvier 2023 dans plusieurs pays de l’Union. En outre, l’inflation sous-jacente, qui mesure l’évolution du niveau général des prix hors produits frais et énergie, s’est également maintenue à un niveau élevé de 4,7% en janvier 2023 après 4,8% en décembre 2022.
Dans le même temps, au niveau du secteur bancaire de l’Union, la liquidité reste « adéquate » et devrait permettre aux banques de poursuivre le financement des économies.
Un argument détaillé par le gouverneur Jean-Claude Kassi Brou, en conférence de presse. « La croissance dans notre région reste soutenue (5,6% en 2022), portée par l’ensemble des secteurs économiques », a expliqué le banquier central. La croissance devrait atteindre 6,5% ; pour autant, « l’inflation reste une préoccupation », comme en témoigne cette quatrième hausse des taux directeurs, la première ayant eu lieu en juin 2022. La hausse des prix tournait autour de 7% l’an dernier, contre un objectif de 1% à 3%. « Or, la priorité d’une Banque centrale est bien la stabilité des prix », a rappelé Jean-Claude Kassi Brou. Qui s’inquiète que dans certains pays de l’Union, l’inflation demeure au-dessus de 7%.
Un nouveau signal
De plus, en 2022, on a observé une dégradation des échanges avec l’extérieur. En raison de la hausse des prix pétroliers, alimentaires, en particulier. Cette dégradation exerce une pression sur les réserves de change de l’Union monétaire, principale variable d’ajustement dans une zone à taux de change fixes. Les réserves seraient de 4,4 mois, ce qui reste « confortable », rassure le banquier central, mais la tendance à la baisse est bien là. De même, la liquidité bancaire reste « confortable » et les banques gardent une grande latitude pour accorder des crédits à l’économie réelle. Ces crédits devraient d’ailleurs augmenter en 2023, prévoit la BCEAO.
Voilà pourquoi, selon le gouverneur, il faut donner « un nouveau signal » de vigilance face aux risques.
Plus généralement, le gouverneur a rappelé que durant la période de crise, la BCEAO a pris « des mesures exceptionnelles », en matière de taux, d’obligations prudentielles pour les banques, etc. L’heure est à une certaine normalisation. « Nos mesures ont permis de soutenir l’économie durant la période de crise 2020-2021. » Malheureusement, à partir de 2022, la résurgence de l’inflation a modifié la donne. D’où un retour progressif à « la norme », facilité par le fait que le niveau de liquidités dans l’économie est « satisfaisant ».
D’ailleurs, le gouverneur a fait observer que les autres Banques centrales ont augmenté les taux de manière bien plus agressive que la BCEAO. Il considère que la politique monétaire est « calibrée » pour lutter contre l’inflation sans nuire au dynamisme de la croissance économique. La Banque centrale ne saurait se satisfaire d’une inflation proche des 6%, d’autant que subsistent certains risques.
Lesquels sont à rechercher, de nouveau, du côté des prix des produits énergétiques et alimentaires. De plus, les attaques terroristes, dans certaines régions, ont déstabilisé la production agricole ; il en est de même pour les déréglementés climatiques. Jean-Claude Kassi Brou redoute également une spirale auto-entretenue par les demandes de hausse des salaires ; aussi, est-il urgent, selon lui, de « casser la dynamique » de l’inflation.
Le Magazine de l’Afrique