La transition énergétique, une opportunité à saisir

Pour l’initiative Carbon Tracker, à contre-courant du discours ambiant, l’Afrique doit dès à présent miser sur les énergies renouvelables, notamment le solaire. L’étude considère que l’intérêt des Européens pour le gaz naturel sera de courte durée.

 

« Les stratégies basées sur les combustibles fossiles risquent de détruire la valeur de la transition énergétique. » Ce propos sans nuance émane du cercle de réflexion Carbon Tracker, dont un rapport récent, intitulé Pourquoi le solaire et non le gaz offre au continent la meilleure opportunité économique dans la transition, souligne le potentiel des énergies renouvelables, notamment le solaire. Une analyse à contre-tendance du discours ambiant sur le besoin qu’à l’Afrique de continuer à exploiter ses énergies fossiles (pétrole et surtout gaz), y compris dans une perspective de transition énergétique vers le renouvelable.

Un certain nombre de nations du monde en développement, et en particulier de l’Afrique, ont cherché à développer stratégiquement les ressources en combustibles fossiles pour créer de la richesse grâce aux recettes d’exportation et pour garantir la disponibilité de l’énergie domestique, principalement le gaz, à des prix compétitifs. Ce, en ayant recours aux services de compagnies nationales ou internationales.L’énergie solaire est déjà l’une des formes d’électricité les moins chères dans certaines régions d’Afrique, et Carbon Tracker prévoit qu’elle supplantera les centrales au charbon et au gaz naturel pour la production d’électricité d’ici à 2030 sur l’ensemble du continent.

Pour le Think Tank, « la transition énergétique implique que de telles stratégies sont à haut risque et que les nations africaines seraient mieux avisées d’accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et les alternatives à faible émission de carbone ».

Le continent doit se préparer à la baisse de la demande de combustibles fossiles, qui se traduira par une diminution des recettes d’exportation, une diminution des investissements (donc des projets créateurs de richesse et d’emplois). Tendance synonyme aussi d’incapacité, pour les pays africains, d’assurer leur sécurité énergétique, considère Carbon Tracker. Qui fait observer que le gaz est souvent un sous-produit de la production pétrolière : la disponibilité du gaz national pourrait être moindre en raison d’investissements moins importants que prévu.

Certes, une baisse des prix du gaz pourrait soutenir la demande. Peu convaincus par cet argument, les experts soulignent que les pays acheteurs, engagés dans la transition énergétique, se détourneront des énergies fossiles, y compris le GNL, quelle qu’en soit l’attractivité. Voilà qui risque de peser sur la stabilité fiscale des pays africains, qui accorderont moins de licence d’exploitation à des compagnies privées.

Un intérêt en trompe-l’œil

« Les exportations de pétrole brut en provenance d’Afrique diminueront à mesure que le reste du monde développé s’engagera dans la transition, ce qui exposera le système énergétique africain à la chute des recettes pétrolières provenant de son marché d’exportation, limitant ainsi la capacité de l’Afrique à financer son marché énergétique national. »

En revanche, l’accélération des investissements dans les énergies renouvelables permettra de disposer d’une source d’énergie domestique stable et abordable.

Telle est la nouvelle réalité énergétique démontrée par la guerre en Ukraine : « Les pays capables de sécuriser les volumes et de payer des prix élevés seront en mesure de sécuriser leurs approvisionnements, tandis que ceux qui ne le peuvent pas, généralement les pays africains, seront exposés à un double risque : celui des volumes et celui de l’impact sur l’accessibilité financière de leurs systèmes électriques. » La conséquence est que l’Afrique est handicapée par un accès peu fiable à l’énergie et par une pression importante sur les consommateurs, les contribuables, voire les budgets publics, en raison de l’exposition à la volatilité des prix des matières premières qui sont déterminés par d’autres facteurs.

Depuis le conflit en Ukraine, nations africaines productrices de gaz (par exemple, le Nigeria, l’Algérie, l’Égypte) comptent « à tort » sur le fait de tirer une richesse économique et financière d’un secteur fossile que les pays du Nord (c’est-à-dire l’Europe) se sont déjà engagés à réduire ; et ce, de plus en plus rapidement.

La ruée actuelle de l’Europe pour sécuriser l’approvisionnement en gaz ne sera que de courte durée. Une mauvaise interprétation de cette nouvelle réalité, à savoir le déplacement de la dépendance au gaz du Nord de la Russie vers le Sud, pourrait retarder les plans de transition vers le net zéro du Sud (dont l’Afrique).

Parallèlement, l’Europe a augmenté sa promesse d’objectif d’énergie renouvelable pour 2030 de 22% à 45% ; un signe de la transition irréversible de la poussée du Nord global des fossiles vers l’énergie propre.

Une opportunité à saisir dès à présent

L’engagement actuel de l’Afrique à construire son réseau gazier dans l’espoir d’étendre son marché d’exportation vers le Nord sera compromis par la baisse rapide de la demande de gaz.

Et pourtant, poursuit Carbon Tracker, « la transition énergétique crée une opportunité pour l’Afrique ».

L’énergie renouvelable, en particulier l’énergie solaire, offre un nouveau et vaste système énergétique sans émissions qui peut être déployé dans toute l’Afrique avec une complexité technique bien moindre.

La transition vers l’énergie solaire offre également une plus grande sécurité énergétique, car elle réduit le risque de dépendre des importations des pays producteurs d’énergie, notamment en période de conflit. Et le Think Tank de rappeler les atouts naturels de l’Afrique, en matière de lumière solaire.

Bien sûr, « la construction de nouvelles installations solaires en Afrique ne nécessite pas seulement une injection de capital, mais aussi des politiques solides qui répondent aux problèmes d’infrastructure et d’instabilité du réseau ».

L’énergie solaire est déjà l’une des formes d’électricité les moins chères dans certaines régions d’Afrique, et Carbon Tracker prévoit qu’elle supplantera les centrales au charbon et au gaz naturel pour la production d’électricité d’ici à 2030 sur l’ensemble du continent. Son analyse considère que le coût de l’énergie solaire pourrait passer sous la barre des 40 $/MWh d’ici 2030, ce qui sera moins cher que le coût d’exploitation des futures centrales à charbon et à gaz sur le continent.

Les experts soulignent le besoin de capitaux privés pour tirer parti de la baisse des coûts de l’énergie solaire en Afrique. « Un meilleur accès à des capitaux à faible coût est essentiel pour accroître les nouveaux investissements solaires sur le continent. » Une rentabilité élevée est envisagée à horizon 2025 et les entreprises privées peuvent donc investir dès à présent. « Le solaire est l’une des technologies énergétiques les plus rentables et les moins risquées de la planète. »

Et les analyses d’encourager les décideurs africains à reconnaître ce point de vue et à créer « un environnement réglementaire stable qui encourage les investissements du secteur privé dans le secteur ». Message qui s’adresse aussi aux Européens. Lesquels « devraient à leur tour reconnaître qu’une transition vers une énergie propre est dans l’intérêt des pays africains et du climat, et donner la priorité à l’aide financière et non financière en mettant l’accent sur la mobilisation des capitaux du secteur privé ».

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