La Banque mondiale inquiète pour le court terme

Les économistes de la Banque mondiale ont ajusté en baisse leurs prévisions de croissance. Face à un constat connu, ils déplorent que l’aide accordée aux pays les plus en difficulté ne soit pas à la hauteur de l’enjeu. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont moins touchés par le ralentissement.

 

Dans son bulletin semestriel d’octobre 2022, Africa’s Pulse, la Banque mondiale fait savoir qu’elle a ajusté en baisse sa prévision de croissance pour l’Afrique subsaharienne. L’institution prévoit une hausse moyenne des PIB africains de 3,3%, soit un ajustement de 0,3 point par rapport à la précédente prévision. En 2021, la croissance avait atteint 4,1%. En plus de son avis de conjoncture, la BM émet une série de recommandations devant le risque d’une résurgence de la faim sur le continent. D’où le sous-titre de l’opuscule : « Opportunités pour le système alimentaire dans une période de turbulence. »

Sans surprise, la révision en baisse s’explique par les multiples chocs qui affectent l’économie, depuis 2020, de la crise Covid à l’inflation des prix des denrées alimentaires et des carburants.

Dans ce contexte, la croissance du revenu par habitant, estimée à 0,7 % est insuffisante pour atteindre les objectifs ambitieux de réduction de la pauvreté et de renforcement du partage des richesses à moyen et long terme. Au contraire, les tendances à la réduction de la pauvreté, qui étaient déjà déréglées par la pandémie, ont encore ralenti. La pandémie a eu un impact durable sur la croissance à long terme, touchant particulièrement les personnes les plus pauvres et accroissant l’extrême pauvreté. La lente reprise du taux de croissance du revenu par habitant, à 0,9 % en 2023 et à 1,3 % en 2024, « n’est toujours pas en mesure de remettre le continent sur la voie de la réduction de la pauvreté qui prévalait avant la pandémie », prévient la BM. Or, en Afrique subsaharienne plus qu’ailleurs, informe la BM, la réduction de la pauvreté dépend étroitement de la croissance économique.

Parallèlement à l’augmentation des taux de pauvreté, les inégalités au sein des pays de la région se sont creusées avec la hausse des prix du carburant et des denrées alimentaires. Le fossé économique entre les riches et les pauvres en Afrique subsaharienne s’est considérablement creusé pendant la pandémie de la Covid-19, suite aux pertes d’emplois et de revenus, notamment parmi les travailleurs moins qualifiés du secteur informel. La hausse du chômage a été particulièrement importante pour tous les sexes, mais les femmes sont les plus touchées.

Le faible rebond de l’économie régionale au lendemain de la pandémie, tout comme le recul de l’inflation, n’a pas suffi à compenser les pertes d’emplois et de revenus induites par la pandémie. L’augmentation de la dette publique et les marges budgétaires limitées ont empêché les pays d’Afrique subsaharienne d’apporter aux personnes les plus touchées un soutien de la même ampleur que celui déployé dans les économies avancées. Le fossé entre riches et pauvres s’est encore creusé depuis le début de l’année, alors que les prix des produits de base ont bondi et renforcé les effets néfastes et persistants de la pandémie.

 

Une suspension de la dette insuffisante

L’absence de protection sociale adéquate et la faible croissance du revenu par habitant constituent des facteurs de vulnérabilité majeurs pour les pauvres. « Cette tendance devrait persister à court et moyen terme, car il est peu probable que la plupart des pays récupèrent les pertes causées par l’impact des fermetures d’écoles sur le capital humain. »

La BM estime la croissance réelle du PIB de l’Afrique de l’Ouest et du centre à 3,7 % en 2022, soit 0,7 point de de plus que celle de l’Afrique de l’Est et du Sud. Les deux blocs de régions sont toutefois confrontés à des défis similaires.

En matière de prix, la BM constate que l’inflation a dépassé le plafond de l’objectif de la banque centrale dans la grande majorité des pays : « Malgré la politique monétaire agressive utilisée par plusieurs pays, l’inflation est restée obstinément élevée dans la plupart d’entre eux ».

Pour diminuer ces niveaux d’endettement élevés, les gouvernements africains ont consacré une part plus importante de leurs recettes au service de la dette extérieure (16,5 % en 2021, contre moins de 5 % en 2010).

Et dans le même temps, l’aide accordée par les institutions multilatérales aux pays les plus pauvres sous la forme de l’initiative de suspension du service de la dette a été dérisoire face à l’ampleur du problème. En conséquence, le nombre de pays en situation de surendettement ou à haut risque de surendettement continue d’augmenter au fur et à mesure que le risque de crise financière s’accroît. Seize des 38 pays de l’Association internationale de développement (IDA) présentent un risque modéré de surendettement, contre 15 précédemment, 14 présentaient un risque élevé de surendettement en juillet, 8 pays restent en situation de surendettement.

(Le Magazine de l’Afrique)

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