L’Afrique résiste, pour l’heure, aux avis de tempête

Les économistes du FMI ont revu en baisse leurs perspectives de croissance mondiale (à 3,2%) pour 2022. L’Afrique et la région MENA sont épargnées grâce à l’exportation des produits de base. Le continent n’échapperait pas au scénario catastrophe, que, pour le moment, le FMI ne retient pas.

Sans surprise, le FMI (Fonds monétaire international) revoit à la baisse ses prévisions économiques mondiales. Dans ce contexte de moindre croissance qu’attendu initialement, l’Afrique subsaharienne s’en sort plutôt bien, les pays exportateurs de matières premières (pétrole, métaux, et dans certains cas produits de base) étant les mieux armés pour résister à la conjoncture. En revanche, aucun pays n’est épargné par le climat actuel d’incertitudes, tandis que les craintes financières se font un peu plus aiguës, prévient le FMI qui toutefois, se refuse à tout catastrophisme en la matière.

À court terme, les principales inquiétudes concernent l’inflation, le FMI ayant néanmoins peu ajusté ses prévisions concernant 2023, dans l’espoir d’un rétablissement progressif des chaînes de valeur.

À l’échelle mondiale, la « timide reprise » de 2021 a été suivie d’épisodes plus sombres en 2022, note le FMI qui fait état d’une « contraction » de l’activité au deuxième trimestre, du fait du ralentissement de l’activité en Chine et en Russie, ainsi que d’une consommation morose aux États-Unis.

Ce pays, ainsi que les pays européens les plus importants économiquement, sont touchés par l’inflation, qui provoque un durcissement des conditions de financement. C’est pourquoi le FMI prévoit un ralentissement de la croissance mondiale, qui devrait s’inscrire à 3,2 %, soit 0,4 point de moins que prévu en avril ; en 2021, le rebond avait atteint 6,1%.

En Europe, un débouché important pour l’Afrique, les révisions à la baisse pour 2022 (-0,2 point de croissance prévue pour la zone euro, -0,5 point pour le Royaume-Uni), s’expliquent par les retombées de la guerre en Ukraine et par le resserrement de la politique monétaire. Celle-ci devrait peser sur la croissance en 2023, attendue à 2,9% à l’échelle mondiale. De plus, « un durcissement des conditions financières mondiales risque de provoquer le surendettement de pays émergents et de pays en développement », prévient le FMI.

 

Agir vite

Lequel détaille un scénario pessimiste mais « plausible », dans lequel toutes les craintes se concrétisent, où la croissance mondiale serait ramenée à 2,6% en 2022 et 2,0% en 2023.

Pourtant, recommande le FMI, les décideurs doivent tout faire pour modérer l’inflation : « Un durcissement de la politique monétaire aura inévitablement des coûts économiques réels, mais tout retard ne fera que les exacerber. »

La marge de manœuvre est étroite, sachant que les États doivent soutenir les populations les plus vulnérables tout en réduisant les dépenses et en tâchant de maîtriser l’inflation.

Parallèlement, le FMI prévient des risques pour les pays à faible revenu, dont la population souffrait déjà de malnutrition aiguë et d’une surmortalité avant la guerre en Ukraine, surtout en Afrique subsaharienne, qui ont été particulièrement affectés ces derniers mois.

Dans ce contexte, pourtant, « les perspectives pour les pays d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient et d’Asie centrale demeurent en moyenne inchangées ou positives, sous l’effet des cours élevés des combustibles fossiles et des métaux pour certains pays exportateurs de produits de base », juge le FMI.

Les économistes tablent sur une croissance de 3,8 % en Afrique subsaharienne, cette année, une prévision moyenne inchangée. La croissance devrait ressortir à 3,4% au Nigeria (sans changement) et à 2,3% en Afrique du Sud (+0,4 point). Pour 2023, les prévisions sont aussi quasi inchangées, avec une croissance prévue de 4,0% en Afrique subsaharienne, dont 3,2% au Nigeria et 1,4 % en Afrique du Sud. Le rebond de la région MENA est anticipé à 4,9 % en 2022 (-0,1 point par rapport aux prévisions d’avril) et à 3,4 % en 2023 (-0,2 point).

Le scénario catastrophe, que le FMI ne retient pas pour l’heure, cumulerait donc tous les facteurs de risques. La guerre en Ukraine pourrait interrompre brutalement les importations européennes de gaz russe ; l’inflation pourrait demeurer élevée si la pénurie de main-d’œuvre reste trop forte ; un durcissement des conditions de crédit pourrait provoquer une vague de surendettement. Déjà, 60% des pays à faible revenu présentent un risque élevé de surendettement ou sont déjà en situation de surendettement, contre 20% environ voici dix ans, calcule Pierre-Olivier Gourinchas, directeur des études du FMI.

D’autre part, de nouvelles flambées de la Covid-19, et les confinements qu’elles entraînent, pourraient affecter notamment la Chine ; une hausse des denrées alimentaires et de l’énergie pourrait généraliser l’insécurité alimentaire et provoquer des troubles sociaux. Attention, conclut le FMI : « La fragmentation géopolitique risque d’entraver la coopération et les échanges mondiaux. »

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