Par: Meriem Ait Ali Slimane (Spécialiste senior du secteur privé – Banque mondiale) et Laurent Gonnet (Spécialiste principal du secteur financier – Banque mondiale)
Le Sénégal est un pays à fort potentiel puisqu’il dispose d’une population jeune et dynamique, de ressources naturelles et d’une situation géographique stratégique. Pour exploiter ce potentiel et libérer l’énergie entrepreneuriale de sa jeune population, le Sénégal doit s’attaquer aux contraintes qui pèsent sur le développement du secteur privé et la création d’emplois. En effet, ces contraintes freinent la création et le dynamisme des entreprises en maintenant la plupart d’entre elles dans l’informalité et en deçà de leur potentiel de productivité. Seules 6 % des entreprises au Sénégal comptent cinq employés ou plus. La part des entreprises formelles* comptant cinq employés ou plus est de 1,3 % du nombre total d’entreprises. Ces contraintes se résument comme suit : (i) forte informalité avec un faible dynamisme des entreprises ; (ii) faible productivité des PME, y compris une faible adoption des technologies ; (iii) faible compétitivité des exportations avec des goulots d’étranglement dans les principales chaînes de valeur ; et (iv) accès limité au financement.
Cependant, les entreprises sénégalaises ont démontré leur résilience. La crise du COVID-19 a révélé qu’elles avaient fait un saut technologique pour survivre, en numérisant leurs opérations. Une étude de la Banque mondiale montre qu’environ 40 % des entreprises ont commencé ou accru leur utilisation des technologies numériques pendant la pandémie, tandis que 17 % des entreprises ont investi dans des solutions numériques. Ce phénomène étant plus répandu dans les grandes entreprises que dans les petites entreprises, ce qui soulève la possibilité d’une fracture numérique croissante.
Fin 2020, le gouvernement du Sénégal a conçu un programme de relance post-COVID-19 pour stimuler la croissance économique et la création d’emplois et la Banque mondiale a soutenu en 2021, une partie importante de ce programme par le biais d’un programme pour les résultats de 125 millions de dollars : le Programme pour la transformation économique et la relance de l’emploi (ETER). Il s’appuie sur deux analyses : La première, Sénégal numérique et croissance inclusive, soutient que les gouvernements ont un rôle important à jouer pour aider les entreprises à créer davantage et de meilleurs emplois pour tous. La deuxième, Adoption des technologies par les entreprises au Sénégal, identifie les principaux défis qui se dressent face à l’adoption des technologies : l’accès aux financements, aux savoirs, aux marchés et la concurrence.
Ce programme comprend un ensemble d’instruments, dont la combinaison offre un appui complet pour stimuler la reprise économique, accroître la productivité des entreprises et la compétitivité des exportations et opère à trois niveaux :
⁃ Au niveau des entreprises, en cofinançant de l’assistance technique pour l’adoption de technologies numériques ou sectorielles qui visent à accroître la productivité des entreprises et les positionner pour accéder à des marchés plus exigeants et lucratifs, y compris les marchés d’exportation.
Il facilite également l’accès des entreprises au crédit grâce à des garanties partielles pour remédier à l’asymétrie d’information et à l’aversion au risque des banques à l’égard des PME. Ce qui devrait libérer davantage de financements pour ce segment du secteur privé.
Par le biais d’investissements en fonds propres et quasi-fonds propres, le programme finance également des entreprises à fort potentiel et des entreprises au sein des chaînes de valeur à potentiel d’exportation. Le programme soutiendra également la création d’un nouveau fonds hybride public-privé pour les PME qui fournira aux entreprises des solutions de financement à long terme pour répondre à leurs besoins d’investissement et leur permettre de participer plus activement aux chaînes de valeur clés.
– Au niveau des chaînes de valeur, le programme soutient un ensemble de chaînes de valeur à potentiel d’exportation. Une nouvelle institution en charge de la compétitivité, hébergée au Ministère de l’Economie, et financée par le programme se chargera de cette tâche. Cette unité identifiera les goulots d’étranglement pour chacune des chaînes de valeur sélectionnées et les segments de marché stratégiques où elles peuvent rivaliser. Ce processus conduira à la préparation de plans d’action incluant les aspects suivants : financement, réformes réglementaires, technologies, logistique, compétences et besoins en infrastructures pour que produits et services sénégalais deviennent compétitifs sur les marchés d’exportation. Les plans d’action seront mis en œuvre à l’aide des instruments de financement du programme : subventions de contrepartie, prêts garantis, prises de participation et préparation de projets d’infrastructure pertinents.
⁃ Au niveau de l’ensemble de l’économie, le programme financera une unité pour les partenariats publics-privés (PPP) et un fonds de préparation PPP pour financer des études de faisabilité complètes pour des projets d’infrastructure mieux structurés et qui puissent attirer des financements privés.
Les entreprises dirigées par ou appartenant à des femmes seront encouragées à postuler et à bénéficier de ce programme de compétitivité. Elles devraient représenter de 25 à 30 % des bénéficiaires des appuis financiers proposés.
La combinaison de ces trois niveaux d’intervention dans les chaînes de valeur clés est importante car le résultat composé devrait être supérieur à la somme des parties.