L’ITFC et le centre de recherche Sesric publient un rapport argumenté sur l’impact économique de ZLECAf sur plusieurs pays, dont la Tunisie, la Côte d’Ivoire et la Guinée. Les auteurs soulignent que les bénéfices attendus seront inégalement répartis, à court et moyen termes.
Quel impact pour la Zone de libre-échange continentale africaine ? Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC), membre de la BID (Banque islamique de développement, et son partenaire le Centre de recherches statistiques, économiques et sociales et de formation pour les pays islamiques (Sesric), publient un rapport sur les impacts potentiels de la ZLECAf sur quelques pays. À savoir la Côte d’Ivoire, l’Égypte, la Guinée, le Mozambique, la Tunisie et l’Ouganda. La publication du document soulève plusieurs questions. Comme celle de la facilitation d’investissements dans les infrastructures de production pour renforcer la compétitivité des entreprises nationales, la nécessité de créer des chaînes de valeur régionales, le soutien d’investissement dans des infrastructures intelligentes afin d’améliorer la connectivité et de permettre une circulation plus fluide des biens et des personnes. Sans oublier la protection des segments vulnérables des sociétés afin de parvenir à une croissance plus.
Hani Salem Sonbol, directeur général de l’ITFC considère ainsi que la ZLECAf constitue « une importante opportunité pour l’Afrique de s’intégrer davantage et de créer une valeur transfrontalière qui se reflétera dans la croissance socio-économique du continent ».
L’ITFC s’engage à aider les membres de l’OCI à tirer le meilleur parti de l’accord, non seulement pour stimuler le commerce, mais aussi pour créer des emplois durables, renforcer la coopération internationale et développer les industries locales. « Autant d’éléments cruciaux pour les économies continentales et mondiales de l’après Covid. »
Directeur général du SESRIC, Nebil Dabur juge que la ZLECAf est « une étape critique dans l’amélioration de la coopération et de l’intégration économiques parmi les pays africains ». Pour que les pays partenaires tirent profit des opportunités et relèvent les défis associés à cette initiative, « des politiques, des outils et des ressources appropriés seront nécessaires afin de mettre en œuvre efficacement ces politiques ».
Des effets bénéfiques attendus
Opérationnelle depuis le 1er janvier 2021, la ZLECAf constitue une étape importante pour le développement du commerce régional et de l’intégration économique entre les pays africains. La Zone facilitera, harmonisera et coordonnera mieux les politiques commerciales et éliminera les problèmes liés au cumul des accords commerciaux sur le continent.
Les résultats escomptés ne se limitent pas au seul commerce international. L’accord soutiendra une plus grande intégration économique, favorisant la compétitivité des industries nationales, facilitera une meilleure allocation des ressources et contribuera à attirer davantage d’investissements étrangers.
La ZLECAf stimulera le commerce entre les pays africains et créera d’importants gains de bien-être, conclut le rapport lui-même. Des impacts qui diffèrent selon les hypothèses retenues d’avancées du processus. Sachant que le rapport s’attache davantage à préciser où se situent les évolutions bénéfiques, plutôt qu’à les quantifier.
D’ailleurs les auteurs ne cachent pas que si la libéralisation du commerce est bénéfique, certains secteurs, entreprises, et travailleurs seront affectés négativement. Cela nécessitera des interventions gouvernementales pour atténuer les impacts négatifs à court et moyen terme.
« Le coût de l’ajustement peut être particulièrement élevé pour la main-d’œuvre non qualifiée et les PME à compétitivité limitée, en particulier dans les pays où une restructuration importante est attendue. » D’autant qu’une réaction inadéquate des gouvernements peut alimenter le mécontentement et engendrer des tensions sociales.
À court terme, la pandémie de la Covid-19 est susceptible de retarder la mise en œuvre effective de la ZLECAf et d’entraver l’intégration économique en raison de la restriction des déplacements transfrontaliers et d’un protectionnisme accru dans les produits de santé stratégiques.
Pourtant, « des mesures peuvent être prises pour transformer la pandémie en une opportunité d’intégration économique plus forte », souligne le rapport. Le commerce intra-africain offre un grand potentiel pour établir des chaînes de valeur régionales et stimuler la croissance économique et l’intégration pendant la période post-pandémie.
Une concurrence accrue
En fait, les pays africains échangent plus de produits manufacturés au sein de la région que dans leurs échanges avec les pays non africains. Les produits à haute valeur ajoutée tels que les véhicules et les cosmétiques représentent environ 40% du commerce intra-africain, tandis que les exportations vers les pays hors du continent sont largement dominées par les matières premières.
Par conséquent, l’Afrique peut et doit réduire la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs, créer des chaînes d’approvisionnement dans les industries manufacturières critiques et promouvoir le commerce de produits différenciés.
De plus, les pays africains sont principalement caractérisés par une diversification limitée de la structure de production et un manque d’intensité technologique. La suppression des barrières commerciales, qui étaient utilisées dans de nombreuses régions du continent pour protéger partiellement les industries nationales, et la facilitation du commerce par des mesures supplémentaires, soutiendraient la création de chaînes de valeur régionales pour favoriser le développement économique.
La libre circulation des marchandises exposera certainement les producteurs nationaux à une concurrence accrue d’autres pays du continent qui produisent des produits similaires. Cela nécessiterait plus d’investissements dans les capacités productives pour différencier les produits, plus d’accent sur la création de chaînes de valeur régionales et de projets d’investissement intelligents dans les infrastructures pour une meilleure connectivité et une circulation plus fluide des biens et des personnes.
Diversifier les méthodes de financement
L’exposition à une plus grande concurrence et des incitations à différencier les produits peut être un moteur de productivité et de croissance sur le continent, avec d’autres implications sur la pauvreté, l’inégalité et le développement.
Selon l’étude, les pays qui devraient profiter davantage de la ZLECAf (Côte d’Ivoire et Guinée) sont susceptibles de subir une transformation économique importante et ce processus doit être géré en douceur pour éviter tout impact négatif sur certaines activités.
De même, les pays qui devraient connaître des impacts limités (comme le Mozambique et l’Ouganda) devraient être soutenus par d’autres interventions politiques pour bénéficier davantage de cette initiative.
Parallèlement à l’avancement des politiques et à l’assistance technique, il est important de fournir un accès au financement et de financer les transactions, les infrastructures et les besoins d’investissement en capital liés à la ZLECAf.
En plus des méthodes de financement traditionnelles, des solutions innovantes devraient être testées pour attirer des investisseurs non traditionnels en Afrique, notamment en investissant dans des classes d’actifs de niche, comme le financement du commerce, concluent les auteurs du rapport. Lequel devrait être suivi, ces prochains mois, de la publication de deux autres études approfondies sur la ZLECAf.
Le Magazine de l’Afrique